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Populisme automobile ou populisme écolo, la voiture cristallise les passions

Mathieu Flonneau, historien spécialiste de l'automobile. [RTS]
L'invité de la rédaction - Mathieu Flonneau / Le Journal du matin / 21 min. / le 8 mars 2017
Symbole de liberté ou source de pollution, l'automobile cristallise des populismes, affirme l'historien Mathieu Flonneau. Selon lui, il y a une moralisation du débat qui nuit aux intérêts réels de la transition énergétique.

Le Salon de l'automobile de Genève s'ouvre jeudi à Palexpo. Le fabricant Renault y présentera la renaissance de sa marque mythique Alpine, tandis que le constructeur américain de voitures électriques Tesla, lui, a renoncé à participer à cette grand-messe annuelle.

A l'heure où l'on parle toujours plus de mobilité douce, faut-il vraiment continuer d'organiser cette exposition? Selon l'historien Mathieu Flonneau, invité du Journal du matin sur La Première, nous vivons un tournant vers un nouvel usage de l'automobile, mais qui n'existe qu'en partie. "En marge de ces mobilités partagées, il reste "l'éternelle automobile", cet objet qui fait rêver, qui donne un statut".

Cette vision très symbolique de la voiture serait fréquente dans les pays qui ne sont pas "blasés" à l'égard de l'automobile. "En Amérique latine, en Afrique ou en Asie, cet objet demeure un objet de désir très puissant", précise-t-il.

"Moralisation du débat"

Dans les centres européens, la tendance va plutôt à "l'autophobie", selon Mathieu Flonneau. Pour le maître de conférences à la Sorbonne, l'automobile "cristallise des populismes". Il y aurait un populisme automobile, celui qui conteste une attitude citoyenne, en s'opposant aux radars, par exemple. "Ce dernier n'est pas défendable au regard des principes d'équité de la loi".

A l'opposé, se trouve un populisme écologiste. "Il y a une moralisation du débat qui nuit aux intérêts réels de la transition énergétique", affirme Mathieu Flonneau. Ce dernier prend pour exemple le diesel, qui a "effectivement des aspect nuisibles" en termes de santé publique, bien que des progrès soient faits.

Or, "on masque la forêt des efforts de l'industrie, qui n'est pas aussi blâmable, peut-être, que des industries de transport autres, comme par exemple l'aérien, ou même des industries de la high-tech, qui ne sont pas du tout aussi écologiques qu'elles peuvent le prétendre", estime l'auteur du livre "Les mobilités partagées, nouveau capitalisme urbain".

Distinction villes - campagnes

Au-delà du clivage qui oppose la liberté à la santé, Mathieu Flonneau insiste sur une autre distinction, celle du lieu d'habitation. "Les centres-villes sont effectivement dans une disposition où l'automobile est en zone d'impertinence. Mais pour le reste de la société l'automobile demeure un objet absolument nécessaire."

L'anti-automobilisme ne serait donc pas si caricatural que cela, selon l'historien. "L'automobile est pleinement politique, car c'est toute la cité qui est en jeu. Et dans ce sens, les clivages ne sont pas aussi partisans que l'on veut bien le dire parfois." Certains citoyens, rappelle-t-il, sont "prisonniers" de l'automobile, et la route représente leur premier réseau social.

fme

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