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La politique étrangère selon Trump, "beaucoup d'intuition, peu de faits"

Samedi à Turnberry, sur la côte est de l'Ecosse, Donald Trump a été accueilli par des militants brandissant des balles de golf ornées de croix gammées.
Samedi à Turnberry, sur la côte est de l'Ecosse, Donald Trump a été accueilli par des militants brandissant des balles de golf ornées de croix gammées.
Le tweet malencontreux de Donald Trump à propos du Brexit en Ecosse vient s'ajouter à une série de déclarations hasardeuses, voire erronées, du candidat républicain dans le domaine géopolitique.

Alors que le monde apprenait vendredi la nouvelle du Brexit, le candidat républicain à la présidentielle américaine Donald Trump était en Ecosse pour visiter deux de ses golfs (>> sujet développé dans les flash horaires de la Première le 24 juin).

Dès son atterrissage à Aberdeen, il s'est réjoui que le Royaume ait voté pour la sortie de l'UE: "c'est fantastique", "les gens veulent reprendre le contrôle de leurs pays, ils veulent l'indépendance dans un certain sens."

"Je viens d'arriver en Ecosse. Ici ça se déchaîne à propos du vote. Ils ont repris le contrôle de leur pays, tout comme nous reprendrons le contrôle de l'Amérique. Sans blague!"

Mais le milliardaire a omis un détail important: si le Royaume-Uni dans son ensemble a voté à 52% en faveur du Brexit, l'Ecosse, elle, voulait rester dans l'UE à 62%, et aucun district écossais n'a soutenu le "Leave". Désormais, si l'Ecosse réclame son indépendance, c'est vis-à-vis du Royaume-Uni, pas du reste de l'Europe.

"Qui est Boris Johnson?"

Donald Trump et ses déclarations ont donc été accueillis plutôt froidement par les habitants, et des manifestations ont émaillé son séjour. "S'il devient président, les Etats-Unis seront en guerre dans la semaine qui suit, et feront faillite celle d'après. Cet homme est un imbécile", a ainsi commenté un riverain à l'AFP.

Le chanteur écossais Terry McDermott a pour sa part invectivé le républicain sur Twitter: "tu ne serais pas plus éloigné de la réalité si Nessie te mordait les fesses, espèce d'idiot. L'Ecosse a voté 'REMAIN'."

Interrogé le même jour sur l'ex-maire de Londres Boris Johnson, figure du proue du mouvement pour le Brexit qui pourrait remplacer David Cameron à la tête du gouvernement britannique, Donald Trump a simplement répondu:"Qui est Boris? Je ne le connais pas".

Un discours de politique étrangère "incohérent"

Ce n'est pas la première fois que Donald Trump fait des déclarations mal étayées, approximatives voire totalement erronées sur le terrain de la politique étrangère. Le 27 avril dernier, le candidat à la Maison Blanche a livré une "grande allocution sur la politique extérieure", censée résumer ses positions et faire oublier certaines de ses affirmations à l'emporte-pièce.

Le discours a été largement critiqué par les experts et "fact-checkers" anglo-saxons. Le directeur du magazine spécialisé Foreign Policy, David Rothkopf, l'a qualifié d'"incohérent et sans fondement factuel".

Quant au Guardian, il a identifié au moins dix contradictions dans son allocution. Slate parle du "discours de politique internationale le plus insensé jamais donné par un candidat majeur à l’élection présidentielle américaine". Le site Vox, lui, estime qu'il est l'oeuvre d'un politicien "qui s’exprime en se basant uniquement sur ses intuitions et non sur des faits". Florilège.

"L'Amérique d'abord (America First)" (Donald Trump, 27 avril 2016)

De nombreux observateurs, dont le directeur de Foreign Policy, ont relevé que l'usage du slogan "America first" par Donald Trump était pour le moins "mal avisé". Aux Etats-Unis, ces mots sont en effet fortement associés au comité America First, créé en 1940 dans le but d’empêcher les États-Unis d’entrer en guerre contre l’Allemagne nazie.

Son porte-parole le plus célèbre était l’aviateur Charles Lindbergh, qui ne voyait pas de bonne raison d’entrer en guerre contre le nazisme. Que Donald Trump utilise ce slogan "montre son amnésie historique ou son incompréhension de l'histoire", a réagi dans le New York Times un ancien conseiller politique de George Bush aujourd'hui au service d'Hillary Clinton.

"L'EI se fait des millions de dollars par semaine en vendant du pétrole libyen." (Donald Trump, 27 avril 2016)

Selon le Washington Post, si l'EI a bien attaqué les champs pétrolifères libyens, essentiellement pour perturber les flux de pétrole, l'organisation djihadiste n'a la main sur aucune raffinerie en Libye.

"L'Iran est devenu une très, très grande puissance en un laps de temps très court." (Donald Trump, 27 avril 2016)

Comme le rappelle Slate, malgré la levée des sanctions internationales, l'Iran peine à établir des échanges commerciaux durables avec l’Occident et est encore très loin du statut de grande puissance. Dans son discours, le milliardaire a aussi affirmé que Téhéran n'avait pas respecté les conditions de l'accord sur le nucléaire, ce qui n'est pas vrai.

"Il y a des dizaines de migrants récents à l'intérieur de nos frontières qui sont accusés de terrorisme." (Donald Trump, 27 avril 2016)

Il est difficile de savoir précisément ce que Donald Trump entendait par "migrants récents" ou "accusés de terrorisme", mais il n'existe selon Vox aucune preuve qu'une telle affirmation soit vraie. Le site rappelle que 80% des attaques terroristes commises sur sol américain depuis le 11-Septembre l'ont été par des citoyens américains.

"Le président Obama a proposé pour 2017 un budget de la défense inférieur de près de 25 pour cent à celui de 2011." (Donald Trump, 27 avril 2016)

D'après Slate, non seulement le budget de la défense pour 2017 (qui avoisine les 608 milliards de dollars) est supérieur à celui de 2011, mais il est parmi l'un des plus conséquents depuis 2000.

Donald Trump assume sa non-expertise

Les défaillances géopolitiques du candidat républicain sont d'ailleurs devenues un des principaux angles d'attaque de sa rivale démocrate Hillary Clinton.

Début juin, elle a fustigé un candidat "qui ne comprend ni l'Amérique ni le monde". "Il n'est pas apte à occuper une fonction qui exige des connaissances, de la constance et un immense sens des responsabilités", a martelé l'ancienne ecrétaire d'Etat.

Le ton monte entre Hillary Clinton et Donald Trump
Le ton monte entre Hillary Clinton et Donald Trump / L'actu en vidéo / 1 min. / le 3 juin 2016

Donald Trump, lui, revendique cette non-expertise. Voici ce qu'il écrit dans son livre Crippled America, paru en novembre dernier: "Les diplomates de carrière qui nous ont mis dans de nombreux pétrins géopolitiques disent que je n'ai aucune expérience des affaires étrangères.

Ils pensent qu'une diplomatie efficace nécessite (...) une compréhension de toutes les nuances (...). C'est seulement dans ces conditions que ces bureaucrates ENVISAGENT d'agir. (...) Or, le monde n'a jamais été plus dangereux qu'aujourd'hui. (...) Alors pourquoi devrions-nous continuer à faire attention à eux?"

Pauline Turuban

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