Publié

"L'UE affaiblira ceux qui voudraient prendre exemple sur le Brexit"

La campagne autour du Brexit est "très émotionnelle", souligne Cenni Najy du Foraus. [EPA - Facundo Arrizabalaga]
La campagne autour du Brexit est "très émotionnelle", souligne Cenni Najy du Foraus. - [EPA - Facundo Arrizabalaga]
La perspective d'un Brexit fait craindre un "effet domino" au sein de l'Union européenne. Un risque limité, tempère Cenni Najy, chargé du pôle Europe au forum suisse de politique étrangère Foraus.

RTSinfo: Une sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne pourrait-elle faire école parmi les vingt-sept autres Etats membres ?

Cenni Najy: A court terme, en cas de Brexit, les 27 Etats membres restants devront négocier avec le Royaume-Uni son nouveau statut. La position de l’UE va être assez dure, aucun cadeau ne sera fait aux Britanniques. Sa réponse sera structurée de manière à affaiblir les eurosceptiques français, allemands ou néerlandais qui pourraient prendre le Brexit pour un précédent.

A long terme, c'est le pragmatisme qui l'emportera. Il faudra négocier une formule pour que le Royaume-Uni puisse rester dans certains secteurs du marché intérieur, par exemple des accords bilatéraux. On pourrait alors effectivement se retrouver avec une Europe à deux vitesses, avec le noyau fédéral de la zone euro et certains pays qui auraient juste accès au marché.

Quels pays seraient concernés par un potentiel "effet domino"du Brexit?

On a parlé d’une volonté de sortie de la République tchèque en cas de Brexit, mais cela a été démenti. Ce pays, qui est un "receveur net", c'est-à-dire qu'il reçoit plus d'argent de l'UE qu'il n'en dépense, n'a aucun intérêt à sortir. Cela serait se tirer une balle dans le pied!

Le Royaume-Uni, en revanche, est un contributeur net. S’il y a un possible effet domino à long terme, cela sera donc plutôt dans les pays nordiques, qui sont aussi des contributeurs nets et qui sont modérément eurosceptiques. Je pense au Danemark, aux Pays-Bas... mais pour autant qu'il y ait un autre cercle qui soit près à les accueillir. Ils ne voudront pas être plongés dans le désordre auquel devrait faire face le Royaume-Uni.

Plusieurs partis eurosceptiques font la promesse électorale d'un référendum d'appartenance, faut-il s'en inquiéter?

Je ne vois pas de grand risque sur les questions d'appartenance en France ou en Autriche, par exemple. On a tout entendu de la part de Marine Le Pen et du Front national: un référendum sur l'euro, sur l'appartenance à l'UE... puis tout est démenti ou adouci. L’Autriche, elle, fonctionne par un système de coalition: cela me paraît impossible que le FPÖ y gagne la majorité absolue et n’impose cet agenda politique.

Au Royaume-Uni, en revanche, on a des partis comme le UKIP ou le British National Party (BNP), ainsi que la moitié du parti conservateur, qui ne se contentent pas de critiquer certaines politiques de l'UE, mais qui veulent en sortir: ils sont europhobes, pas seulement eurosceptiques. Et leur importance est significative, car ils représentent environ 40% de la population.

Y-a-t-il un risque d’éclatement de l’Union européenne ?

A court terme, je ne crois pas, mais il va y avoir beaucoup de désordre. Il va falloir inventer les procédures car l’article qui les prévoit n’est pas clair. Mais je ne vois pas l’Union européenne exploser. Le couple franco-allemand a dit qu’il prendrait ses responsabilités si le Royaume-Uni sortait et la Commission européenne a assuré que les affaires courantes allaient continuer.

Au final, pensez-vous que le Royaume-Uni va quitter l'UE?

Je pense que le scrutin sera serré, mais je donnerais un petit avantage au "remain", donc rester dans l'UE. La campagne est très émotionnelle et peu constructive: on demande aux gens s'ils aiment l'Union européenne ou non, mais le débat ne se fonde pas sur un projet futur pour le Royaume-Uni. Une fois dans l'isoloir, il est difficile de savoir comment les Britanniques vont se positionner, mais je me méfierais des sondages, qui se sont largement trompés lors des législatives en 2015.

Propos recueillis par Jessica Vial

Publié