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Des milliers de Tunisiens célèbrent les cinq ans de la révolution

Des milliers de manifestants ont défilé sur l'avenue Bourguiba, à Tunis.
Des milliers de manifestants ont défilé sur l'avenue Bourguiba, à Tunis.
Des milliers de Tunisiens ont marqué jeudi, malgré la morosité ambiante, le cinquième anniversaire de la chute du dictateur Zine El Abidine Ben Ali après un soulèvement populaire sans précédent.

Le 14 janvier 2011, après un mois de manifestations réprimées dans le sang, l'homme qui tenait la Tunisie d'une main de fer depuis 23 ans prenait la fuite vers l'Arabie saoudite à la surprise générale, provoquant une onde de choc dans le monde arabe.

Le matin même, des manifestants avaient bravé la peur pour crier "Dégage" au dictateur sur l'avenue Bourguiba, non loin du redouté ministère de l'Intérieur à Tunis.

Ambiance festive

C'est cette avenue symbolique qu'une foule aux revendications diverses a arpentée jeudi dans une ambiance largement festive mais en groupes séparés.

En famille ou entre amis, beaucoup ont agité des drapeaux tunisiens sous l'oeil des nombreux policiers déployés, le pays étant devenu une cible majeure des jihadistes.

Plusieurs formations politiques comme le Front populaire, une coalition de gauche, et les islamistes radicaux de Hizb ut Tahrir ont manifesté. Le parti islamiste Ennahda a organisé un concert.

Différentes causes

Des diplômés chômeurs ont saisi l'occasion pour réclamer des emplois, alors que des blessés de la révolution et des proches de victimes ont scandé "Fidèles au sang des martyrs".

En silence, un groupe a brandi des photos de Sofiène Chourabi et Nadhir Ktari, des journalistes disparus en Libye, qu'une branche du groupe Etat islamique (EI) a affirmé avoir tués.

Une poignée de manifestants a aussi défilé en arborant un drapeau arc-en-ciel pour réclamer la dépénalisation de l'homosexualité, suscitant l'hostilité de dizaines de personnes qui leur ont crié de "dégager".

Un prix Nobel

Si le climat économique est morose et la sécurité menacée par les djihadistes (lire encadrés), le pays fait toutefois figure de rescapé face à la tourmente dans laquelle sont plongés les autres pays du Printemps arabe, comme la Syrie déchirée par la guerre et la Libye en plein chaos.

La Tunisie a organisé en 2011 et 2014 des élections libres unanimement saluées comme transparentes, adopté une nouvelle Constitution et reçu le Nobel de la paix 2015 par le biais d'un quartette ayant organisé un dialogue entre partis politiques alors à couteaux tirés.

>> Ecouter l'interview de Taoufik Jelassi, ex-ministre tunisien et prof à l'IMD :

Un manifestant tunisien brandit une pancarte invitant le gouvernement à démissionner, le 23 octobre 2013. [Fethi Belaid]Fethi Belaid
Cinq ans après le départ de Ben Ali, quelle est la situation en Tunisie? / Tout un monde / 11 min. / le 13 janvier 2016

afp/jgal

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Une situation économique morose

Cet anniversaire est assombri par une situation morose, le chômage, la pauvreté et l'exclusion sociale restant prégnants. Ces maux avaient largement motivé la révolution déclenchée par l'immolation d'un vendeur ambulant, Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010 à Sidi Bouzid.

"Nous reconnaissons la réalité des difficultés économiques et sociales rendues plus aiguës par les (attentats) terroristes", a déclaré dans un discours transmis par son bureau le président Béji Caïd Essebsi.

Mais "nous sommes en droit d'être fiers de notre révolution quels que soient les défis auxquels nous faisons face", a-t-il ajouté, disant être confiant que "2016 sera l'année de l'audace dans la réforme et la vitesse d'exécution, de l'espoir et du travail malgré l'ampleur des difficultés".

Un pays "sous état d'urgence"

Depuis 2011, le pays a été plusieurs fois frappé par de sanglants attentats djihadistes et vit aujourd'hui sous état d'urgence. Des dizaines de policiers, de militaires et de touristes étrangers ont été tués ces dernières années.

Dans un communiqué, Amnesty International s'est inquiétée du retour d'une "répression brutale", dans le cadre de la lutte antiterroriste. L'ONG a dénoncé l'existence de décès suspects en garde à vue et l'absence de réformes profondes.