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A peine rentré, Jean-Claude Duvalier est inculpé

La police est venue chercher Jean-Claude Duvalier à l'hôtel où il résidait depuis dimanche avec son épouse. [Thony Bélizaire]
La police est venue chercher Jean-Claude Duvalier à l'hôtel où il résidait depuis dimanche avec son épouse. - [Thony Bélizaire]
Deux jours après son retour surprise au pays, l'ancien président haïtien Jean-Claude Duvalier a été arrêté mardi et officiellement inculpé de corruption, vol et détournement de fonds pendant ses années au pouvoir (1971-1986). Celui que l'on surnomme "Bébé Doc" a été arrêté dans la journée par la police à Port-au-Prince, où il résidait avec son épouse depuis leur arrivée dimanche.

"Nous avons déposé une plainte à son encontre", a déclaré le procureur général, Aristidas Auguste. Il appartient désormais au juge d'instruction de décider de poursuivre ou non l'affaire au plan judiciaire. Plus tôt mardi, un juge accompagné de policiers s'est rendu à l'hôtel de Port-au-Prince où Jean-Claude Duvalier, 59 ans, s'était installé dimanche. L'hôtel, situé à Pétionville, faubourg chic de la capitale, a été bouclé par des policiers en armes.

Un témoin a rapporté qu'ils avaient emmené l'ancien dictateur à bord d'un véhicule aux vitres teintées. Alors qu'il descendait de sa chambre d'hôtel sous escorte policière et en compagnie de son épouse, "Bébé Doc" a salué les journalistes et les quelques partisans qui s'étaient réunis devant l'établissement. Duvalier, non menotté, était souriant.

Emprisonné ou assigné à résidence

"Oui, il a été inculpé, mais je ne comprends pas", a déclaré à l'AFP Gervais Charles, l'un des avocats de Jean-Claude Duvalier. Me Charles a dit ne pas savoir si l'ancien chef d'Etat serait conduit en prison ou placé en résidence surveillée.

L'action de la justice intervient alors que l'ancien président haïtien "à vie" Jean-Claude Duvalier, n'avait toujours pas expliqué les raisons de son retour en Haïti, après 25 ans d'exil en France. A sa descente d'avion, il s'était contenté de déclarer: "Je suis venu pour aider". Dès son retour, des organisations de défense des droits de l'homme comme Human Rights Watch et Amnesty International ont exigé qu'il soit jugé.

"Au cours de la présidence de Duvalier, (...) des milliers de personnes ont été tuées et torturées et des centaines de milliers d'Haïtiens ont dû s'exiler. Cela fait longtemps qu'il doit rendre des comptes", a ainsi estimé Jose Miguel Vivanco, le directeur de Human Rights Watch pour les Amériques. L'ex-dictateur a également été accusé de détournements de fonds pendant l'exercice de son pouvoir de 1971 à 1986.

L'ONU examine actuellement les possibilités des autorités haïtiennes de poursuivre en justice l'ex-président haïtien, a indiqué mardi le Haut commissariat aux droits de l'homme. Un de ses porte-parole a estimé que des poursuites étaient en tout état de cause "concevables". Il a ajouté que les experts onusiens se penchaient également sur l'impunité dont semble avoir bénéficié Jean-Claude Duvalier durant ses 25 ans d'exil.

Le retour de Jean-Claude Duvalier a pris Haïti par surprise, au moment où le pays traverse une grave crise politique. Didier Le Bret, ambassadeur de France à Port-au-Prince, a expliqué que Duvalier était en possession d'un billet retour pour la France le 20 janvier. L'épouse de Duvalier, Véronique Roy, a toutefois indiqué qu'il était "prématuré de dire" si son époux allait rentrer en France ou s'il allait rester. Elle a par ailleurs confirmé qu'il avait un billet retour pour jeudi.

Une décision de l'actuel président?

Les circonstances du retour de Jean-Claude Duvalier demeurent entourées de mystère. Selon Osner Févry, un ancien secrétaire d'Etat de l’ancien président, ce dernier "ne serait pas revenu sans prendre contact à un niveau ou à un autre" avec le gouvernement du président sortant René Préval. Evans Paul, un ancien opposant aux Duvalier devenu maire de Portau-Prince, "pense que René Préval est à la base de cette décision. C'est une manoeuvre de diversion et de provocation destinée à intensifier la confusion" née du premier tour contesté de l'élection présidentielle. Mais l'épouse de Jean-Claude Duvalier a démenti ces accusations.

agences/mej

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Soutenu par ses partisans

"Baby Doc" a reçu un accueil enthousiaste dimanche soir de ses partisans, dans un pays dont la moitié de la population n'était pas née quand il a été renversé. Ces derniers ont promis de protester devant le Palais de justice si l'ancien président était effectivement arrêté.

Le retour de l'ex-dictateur survient en pleine crise politique en Haïti près de deux mois après des élections présidentielles dont les résultats n'ont toujours pas été officiellement proclamés.

Selon une mission d'enquête de l'Organisation des Etats américains (OEA), le candidat choisi par le président sortant René Préval pour lui succéder, Jude Célestin, est arrivé troisième de la course et doit donc être exclu du second tour, contrairement aux résultats préliminaires qui l'ont placé en deuxième position. René Préval, qui doit quitter le pouvoir en principe le 7 février, n'a pas encore réagi aux conclusions de l'OEA.

Un fardeau de plus pour Haïti, selon les Etats-Unis

La présence en Haïti de l'ancien dictateur Jean-Claude Duvalier "ajoute au fardeau" de l'île, a déploré mardi Philip Crowley, le porte-parole de la diplomatie américaine.

"Le fait qu'il arrive au milieu d'une situation très délicate (...) est une complication supplémentaire dans un contexte déjà difficile pour Haïti", a-t-il également commenté.

Les Etats-Unis, a indiqué Philip Crowley, avaient été prévenus par le gouvernement français une heure avant son arrivée sur l'île, et "suivent la situation de très près."