Publié

Le Bureau international du travail se met en grève

Le siège du BIT à Genève (à l'arrière plan) est au centre du mouvement de grève. [Martial Trezzini]
Le siège du BIT à Genève (à l'arrière plan) sera aussi touché par le mouvement de grève. - [Martial Trezzini]
Le Bureau International du travail fait face à un conflit social. Selon une information de la TSR, une assemblée générale extraordinaire et des piquets de grève seront organisés mercredi au siège de l’organisation à Genève et dans une cinquantaine de bureaux de l’agence onusienne dans le monde. Du jamais vu au BIT depuis 16 ans.

Les raisons de ce mécontentement? L’agence onusienne qui prône dans le monde entier le dialogue social et de la liberté syndicale au nom d’un "travail décent" n’applique pas elle-même ces principes. Dénonçant des violations flagrantes et répétées en matière de droit du travail, le syndicat du personnel, qui compte 65% d’adhérents sur 3000 employés, a donc décidé de passer à l’action.

Comme l’expliquent Christopher Land-Kazlauskas, le président du syndicat, et son adjointe Catherine Comte, la "coupe est pleine". Ils décrivent "l'atmosphère délétère" qui règne au BIT, faite de "violations très fréquentes du satut du personnel, de recrutement de plus en plus opaque, de travail précaire et de censure de l'action syndicale". Ils précisent qu'il n’est pas question de revendications salariales, puisque la plupart des employés du BIT sont confortablement rémunérés.

Dialogue rompu

Depuis quelques mois, le dialogue est rompu avec la direction, du fait même du directeur général, le Chilien Juan Somavia, aux commandes du BIT depuis 12 ans, estiment les syndicalistes. "En mars 2009, il a exigé que les courriers électroniques que nous envoyons au personnel soient soumis, pour approbation, à l’administration", explique Christopher Land-Kazlauskas. "L'administration" peut retenir durant plusieurs jours les communications du syndicat et même demander à ce qu'elles soient réécrites.

Par ailleurs, de plus en plus d’employés du BIT voient leur contrat renouvelé tous les 3 ou 5 mois pendant plusieurs années, une pratique pourtant interdite. Nicolas Lopez, le juriste du syndicat a traité et gagné plus d’une dizaine de recours déposés devant la Commission interne et le Tribunal administratif.  "Beaucoup de gens viennent nous voir, mais ils n’osent pas toujours agir à cause des représailles", explique-t-il.

Recrutement mis en cause

 Il y a quelques mois une informaticienne, précaire durant 5 ans au BIT n’a pas vu son contrat renouvelé, après avoir fait recours. Nicolas Lopez lui-même est employé depuis 8 ans par le syndicat, dans une sorte de "no man’s land juridique", sans sécurité sociale, ni retraite. La direction du BIT refuse au syndicat de le recruter à travers un contrat régulier.

La direction et le syndicat s’affrontent autour de la convention collective sur le recrutement. Des cas de parachutages sans concours ont été signalés et interprétés comme étant "le fait du prince". Depuis mars 2010, en violation des pratiques en vigueur, les candidats qui passent un concours pour entrer au BIT ne sont plus classés, mais seuls leurs points forts et faibles sont indiqués. "La direction générale  a ainsi une latitude beaucoup grande de choisir le candidat à sa guise", estime Catherine Comte, ce qui est un pas de plus vers un fonctionnement népotique. Cette année, le syndicat a réussi à faire annuler deux de ces "faux" concours.

Anne-Frédérique Widmann et Agathe Duparc

Publié

La réaction du BIT

Dans un communiqué envoyé mardi à la TSR, le BIT indique que l'administration et le syndicat du personnel tiennent régulièrement des réunions "relatives aux conditions de travail des fonctionnaires du Bureau"

L'organisation reconnaît cependant que les "parties ont des positions divergentes en matière de procédures de recrutement et de sélection".

Ces procédures font l’objet d’un accord conclu en 2000 avec une validité initiale de deux ans. Or, "depuis 2002, et malgré des nombreuses réunions et la constitution de plusieurs groupes de travail, il n’a pas été possible de parvenir de renégocier cet accord", indique le communiqué.

L’Administration souhaiterait se donner encore une année pour tenter une négociation, précise encore le Bureau.

Le BIT indique enfin que "le syndicat du personnel a le droit de s’adresser au Conseil d’administration pour faire valoir son point de vue sur toute modification des conditions de travail des fonctionnaires".

Le BIT en bref

Fondé en 1919, le Bureau international du travail (BIT) était à l'origine rattaché à la Société des Nations. Elle compte actuellement 178 Etats membres.

Ses objectifs principaux sont:

- Promouvoir la justice sociale

- Élaborer des politiques et des programmes internationaux destinés à améliorer les conditions de travail et d’existence, fixer des normes internationales minimales à respecter dans les domaines de son ressort

- Fournir une assistance technique aux gouvernements dans différents secteurs: formation et réadaptation professionnelles, politique de l’emploi, administration du travail, droit du travail et relations professionnelles, conditions de travail...