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Election présidentielle historique en Côte d'Ivoire

L'élection est censée achever un cycle de violences qui dure depuis le coup d'Etat de 1999. [Luc Gnago /]
L'élection est censée achever un cycle de violences qui dure depuis le coup d'Etat de 1999. - [Luc Gnago /]
Les Ivoiriens se sont rendus aux urnes dimanche, en masse et dans le calme, pour le premier tour d'une élection présidentielle historique, après 11 années de crise politico-militaire et six reports depuis 2005. Les résultats ne seront pas connus avant mercredi et un deuxième tour pourrait avoir lieu le 28 novembre.

Les bureaux de vote ont ouvert dans tout le pays, parfois avec retard ou dans la confusion, mais partout, y compris dans l'ancienne "capitale" rebelle de Bouake au nord. Dès quatre heures du matin, les 5,7 millions d'électeurs inscrits ont commencé à faire la queue, trempant leur index dans l'encre indélébile après avoir déposé leur bulletin dans les urnes transparentes. On n'attendait pas les résultats avant mercredi, et le décompte des voix risque d'être très contesté.

Crainte de violences

L'élection est censée clore la crise ouverte par le coup d'Etat de 1999 et aggravée par le putsch manqué de 2002, qui a entraîné une guerre et la partition de cette ex-colonie française longtemps donnée en exemple pour sa stabilité et son "miracle" économique.

Mais alors que le pays est aux mains des ex-rebelles au nord, des milices et gangs puissants dans l'ouest, sans compter les militants loyalistes également armés, nombre d'Ivoiriens craignent que le scrutin ne déclenche en fait une nouvelle époque de violence.

Craignant émeutes, affrontements de rue ou pillages, certains Ivoiriens ont fait des réserves de vivres et d'essence. Si aucun candidat n'est élu dès le premier tour, un second tour est prévu le 28 novembre.

Trois ténors en lice

Le sortant, Laurent Gbagbo, 65 ans, dont le mandat officiel de cinq ans a expiré en 2005, a face à lui 13 rivaux, dont deux poids-lourds: le chef de l'opposition et ancien Premier ministre Alassane Ouattara, 68 ans, très populaire dans le Nord, et l'ancien président Henri Konan Bedie, 76 ans, renversé en 1999 lors du premier putsch des années troublées du pays (lire encadré).

"C'est un moment déterminant pour les Ivoiriens", a déclaré l'émissaire spécial de l'ONU pour la Côte d'Ivoire Young-jin Choi, estimant que les jours à venir "diront s'ils saisissent cet occasion unique". Plus de 9000 soldats de l'ONU sont sur le qui-vive dans le pays. La Côte d'Ivoire était considérée autrefois comme le bastion de stabilité de l'Afrique du temps de son premier président, Felix Houphouët-Boigny.

Atmosphère détendue

"Je suis très fier d'avoir voté", a lancé Nastase Kehi, étudiant de 26 ans, après avoir glissé son bulletin dans l'urne "pour la première fois". Il a dit ne pas avoir d'"inquiétude" pour le scrutin: "les Ivoiriens sont assez sages pour éviter de s'adonner à la violence".

A Bouaké, dans une file d'attente de plusieurs centaines de personnes devant un bureau, les discussions allaient bon train dans une atmosphère joyeuse. "Depuis 10 ans qu'il n'y a pas d'élection, il faut qu'on prenne part pour qu'il y ait un changement, parce que les Ivoiriens souffrent, surtout nous les jeunes", a confié Mylène Kouassi, étudiante de 22 ans, venue  exprès d'Abidjan pour voter sur son lieu d'inscription.

afp/os

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Les principaux adversaires de Gbabgo

- ALASSANE OUATTARA: l'ex-Premier ministre, âgé de 68 ans, est pour la première fois candidat à une présidentielle après avoir été exclu du scrutin en 2000. Il symbolise la crise identitaire qui déchire le pays depuis une quinzaine d'années.

Né le 1er janvier 1942 à Dimbokro (centre), il appartient à la communauté "dioula" (musulmans originaires du nord), l'une des principales ethnies du pays, et a pour fief Korhogo, la grande ville septentrionale.

Cet économiste est nommé en 1990 Premier ministre par le président Félix Houphouët-Boigny, fonction qu'il occupe jusqu'à la mort du "Vieux" en 1993. Jugeant le scrutin non transparent, Alassane Dramane Ouattara ("ADO") renonce à se présenter à la présidentielle en 1995 face à Henri Konan Bédié, qui a succédé à Houphouët.

En août 1999, il quitte son poste de directeur général-adjoint du Fonds monétaire international (FMI). Champion du Rassemblement des républicains (RDR), il revient à Abidjan pour se lancer dans la course présidentielle d'octobre 2000. Mais sa candidature est rejetée pour "nationalité douteuse".

Victime pour ses supporters, "diviseur" selon ses adversaires, il devient le symbole de la fracture identitaire de ce pays de forte et ancienne immigration, où des millions d'habitants d'origine étrangère sont sans-papiers.

En septembre 2002, il est accusé d'être l'inspirateur du coup d'Etat manqué contre le président Laurent Gbagbo, qui aboutit à la prise de contrôle du nord par une rébellion. En 2005, sous pression de la médiation sud-africaine, Laurent Gbagbo valide sa candidature à la présidentielle.


- HENRI KONAN BEDIE, candidat à la présidentielle de dimanche en Côte d'Ivoire, livre à 76 ans son dernier combat pour reconquérir le fauteuil dont il fut chassé en 1999 par le premier coup d'Etat de l'histoire ivoirienne.

Né à Daoukro (centre-est), "HKB" appartient à l'ethnie baoulé (l'une des principales du pays) comme le "père de l'indépendance", le président Félix Houphouët-Boigny (1960-1993), qui lance sa carrière.

A 27 ans, il devient ainsi ambassadeur de Côte d'Ivoire aux Etats-Unis, poste qu'il occupe jusqu'en 1966 avant de devenir ministre de l'Economie, puis devient député et président de l'Assemblée nationale en 1980.

A la mort du "Vieux" en 1993, il lui succède et est élu en 1995 président de la République lors d'un scrutin boycotté par ses grands adversaires, l'opposant historique Laurent Gbagbo et l'ex-Premier ministre d'Houphouët, Alassane Ouattara.

Pour barrer la route à Alassane Ouattara, accusé d'être d'origine burkinabè, son camp développe le concept nationaliste d'"ivoirité" qui va déchirer le pays. En 1999, Henri Bédié est chassé du pouvoir par une mutinerie qui se transforme en coup d'Etat et s'exile en France jusqu'en 2001.

Toujours leader de l'ex-parti unique, le Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI), il s'allie en 2005 avec son ennemi d'hier Alassane Ouattara. Ils créent le Rassemblement des houphouétistes pour la démocratie et la paix (RHDP) pour affronter le président Laurent Gbagbo, élu en 2000 lors d'un scrutin dont tous deux ont été exclus.

Entré en campagne dès 2007, le "Sphinx de Daoukro" s'est mué en opposant pugnace et a vanté son bilan de président, contesté par ses détracteurs qui rappellent les accusations de malversations et de népotisme longtemps portées contre lui.