Modifié

Une bataille politique et éthique sur la fin de vie se profile en France

Emmanuel Macron annonce un projet de loi sur une "aide à mourir" pour avril 2024
Emmanuel Macron annonce un projet de loi sur une "aide à mourir" pour avril 2024 / Forum / 3 min. / le 11 mars 2024
Le projet de loi sur la fin de vie esquissé par le président français Emmanuel Macron a été salué lundi par les partisans d'une "aide active à mourir" en France. En revanche, il a indigné certains soignants, les représentants des religions catholique et musulmane, la droite et l'extrême droite. L'Assemblée examinera le texte dès le 27 mai.

Emmanuel Macron a livré dimanche, dans les journaux La Croix et Libération, ses arbitrages pour un "modèle français de la fin de vie" (voir encadré), suscitant immédiatement de nombreuses réactions.

Le "soulagement" dominait parmi les défenseurs d'une évolution de la loi, comme le président de l'Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD), Jonathan Denis.

S'il a salué "une avancée", il s'est aussi inquiété d'une "inapplicabilité" vu les multiples critères imposés. Il a appelé les parlementaires à amender le texte pour éviter de "faire voter une loi qui condamnerait encore des Français à partir en Suisse ou en Belgique".

"Consternation, colère et tristesse"

A l'inverse, exprimant "consternation, colère et tristesse", des associations de soignants ont jugé qu'avec "une grande violence", le chef de l'État annonce "un système bien éloigné des besoins des patients et des réalités quotidiennes des soignants, avec en perspective de graves conséquences sur la relation de soin".

"Appeler 'loi de fraternité' un texte qui ouvre à la fois le suicide assisté et l'euthanasie est une tromperie", a estimé pour sa part le président de la Conférence des évêques de France, Eric de Moulins-Beaufort, convaincu que cela "infléchira tout notre système de santé vers la mort comme solution".

Sur une ligne proche, le recteur de la Grande mosquée de Paris Chems-Eddine Hafiz s'est dit "très inquiet", estimant qu'"il y a énormément d'ambiguïté sur le suicide assisté, l'euthanasie". "Parler d'aide à mourir, c'est hideux", a-t-il affirmé à l'AFP, en parlant de "mort provoquée".

La droite et l'extrême droite ont également réagi. A l'approche des élections européennes de début juin, Emmanuel Macron "a décidé de se réfugier dans les questions de société", a ainsi accusé la tête de liste aux européennes du parti de droite Les Républicains, François-Xavier Bellamy. 

Une loi au plus tôt en 2025

Face aux résistances attendues, le Premier ministre Gabriel Attal a appelé lundi les parlementaires à "un débat apaisé, éclairé, respectueux des positions de chacun", relevant que cette évolution de la loi est "attendue de longue date" et constitue "un progrès".

Le projet de loi sur la "fin de vie" sera examiné en séance plénière à l'Assemblée nationale à partir du 27 mai, a annoncé Gabriel Attal sur X.

Comme c'est généralement l'usage sur les sujets de société, les groupes parlementaires ne donneront pas de consigne de vote.

Si la voie est étroite, cette réforme "peut passer", même au Sénat, ancré à droite, a pronostiqué le chef des sénateurs centristes, Hervé Marseille. Car "ça correspond à ce que beaucoup de groupes de gauche souhaitaient et les autres groupes sont partagés".

afp/lia

Publié Modifié

Une aide à mourir à "des conditions strictes"

Emmanuel Macron évoque une "aide à mourir" qui permettra à certains patients, selon des "conditions strictes", de recevoir une "substance létale". Le texte, qui traduira une des promesses de la campagne électorale du président français, inclura aussi des mesures pour renforcer les soins palliatifs, insuffisants de l'avis général.

Les patients majeurs "capables d'un discernement plein et entier", atteints d'une "maladie incurable" avec "pronostic vital engagé à court ou moyen terme" et subissant des souffrances "réfractaires" (ne pouvant être soulagées) pourront "demander à pouvoir être aidés afin de mourir", a expliqué Emmanuel Macron.

Cette "aide" sera conditionnée à l'avis "collégial" de l'équipe médicale sous 15 jours. Le malade pourra absorber le produit mortel seul ou, lorsqu'il est dans l'incapacité de le faire, notamment dans le cas de certaines maladies neuro-dégénératives comme la maladie de Charcot, avec l'assistance d'un membre du corps médical ou d'une personne volontaire qu'il aura désigné.

Les mineurs et les patients atteints de maladies psychiatriques ou neurodégénératives qui altèrent le discernement, comme Alzheimer, ne pourront pas prétendre à cette "aide à mourir".