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Les 300 milliards d’euros d'avoirs russes gelés seront-ils utilisés pour aider l'Ukraine?

Les 300 milliards d’euros d’avoirs russes gelés seront-ils utilisés pour aider l'Ukraine? [KEYSTONE - KATERYNA KLOCHKO]
Bruxelles se demande que faire des 300 milliards d'euro d'avoirs russes gelé / La Matinale / 1 min. / le 1 mars 2024
Que faire des 300 milliards d'euros d’avoirs russes gelés par les alliés de Kiev? Utiliser leurs intérêts pour aider l'Ukraine? Voire les mobiliser directement? Si ces idées font leur chemin, certains craignent toutefois d'aller à l'encontre du droit international.

Les dirigeants du G7 ont annoncé samedi vouloir travailler "sur toutes les voies possibles par lesquelles les actifs souverains russes pourraient être utilisés pour soutenir l'Ukraine, en conformité avec nos systèmes juridiques respectifs et le droit international".

Ces derniers jours, le Premier ministre britannique Rishi Sunak, la secrétaire américaine au Trésor Janet Yellen et la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen ont plaidé en faveur d'une utilisation des intérêts des avoirs gelés pour soutenir Kiev. Le premier allant même jusqu'à demander une redistribution des actifs.

Depuis l'invasion russe en Ukraine, l'Union européenne et les pays du G7 ont bloqué quelque 300 milliards d'euros (287 milliards de francs) d'actifs de la Banque centrale de Russie. S'y sont ajoutés les saisies dans les fortunes de personnes liées au pouvoir russe, des yachts et des biens immobiliers des oligarques par exemple.

Obstacles juridiques

Aujourd'hui, l'aide à l'Ukraine pèse toujours plus lourd sur les finances publiques occidentales. Mais confisquer les fonds russes suscite de vives réticences au sein des 27 pays de l'UE.

Leur mobilisation se heurte à plusieurs obstacles. Sur les fonds de la Banque centrale de Russie, les Occidentaux font face à "l'immunité d'exécution", un principe de droit international qui empêche la saisie des biens d'un Etat par un autre. Et le droit à la propriété privée bloque en théorie la confiscation définitive des biens détenus par des personnes.

Pour le premier principe, "la réticence persistante" est que la réaffectation d'avoirs bloqués à un Etat victime "n'a jamais été utilisée", souligne Frédéric Dopagne, professeur à la faculté de droit de l'UCLouvain en Belgique.

Certains juristes estiment néanmoins que cela pourrait entrer dans le cadre d'une "réponse proportionnée" aux conséquences de l'invasion russe sur l'économie mondiale.

Menaces de rétorsion

Nicolas Véron, chercheur au sein du centre de réflexion américain Peterson Institute, craint justement un accaparement définitif des avoirs publics russes. Cela représenterait un dangereux précédent pour le droit international, observe-t-il. "Si nous étions en guerre, tout changerait. Mais nous ne sommes pas en guerre avec la Russie", souligne-t-il.

En outre, la Russie menace de rétorsion contre les intérêts privés occidentaux dans le pays. Et certains s'inquiètent d'un impact sur les investissements de pays tiers, comme la Chine, qui pourrait réduire la voilure par crainte d'une saisie en cas de conflit.

"L'UE ne doit pas avoir peur de créer un précédent"

Tom Keatinge, le directeur du Centre d'études sur le crime financier à Londres, estime de son côté que les défis peuvent être surmontés.

"L’UE ne doit pas avoir peur de créer un précédent, bien au contraire. Lorsqu'un pays envahit illégalement un voisin innocent, il devrait justement être conscient que ses avoirs risquent d’être confisqués", déclare-t-il dans La Matinale de la RTS.

"En ce qui concerne une panique des marchés - une crainte qui a été exprimée par la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde - je ne pense pas qu'il y aura de la volatilité. Et même si c'était le cas, les patrons des banques européennes pourraient très bien intervenir et dire qu'ils soutiennent les marchés. Ce qui est primordial, c'est que cet argent aille aux Ukrainiens de toute urgence", soutient-il.

La Suisse pourrait, elle aussi, être concernée par ce débat, car 7,4 milliards de francs de la Banque centrale de Russie se trouvent dans les coffres helvétiques.

Texte web: ami avec afp

Sujet radio: Catherine Ilic

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Premiers développements

La Commission européenne a proposé fin janvier aux pays de l'UE un plan en deux étapes: d'abord que les gestionnaires des dépôts, comme Euroclear, séparent les intérêts ou les profits générés et les bloquent sur un compte séparé; puis dans un deuxième temps faire une nouvelle proposition concernant leur saisie et leur utilisation.

La Belgique taxe d'ores et déjà les revenus d'Euroclear et compte reverser cette année 1,7 milliard d'euros à l'Ukraine.

Aux Etats-Unis, le Congrès travaille sur une proposition de loi ("REPO for Ukrainians Act") qui pourrait permettre de confisquer les actifs russes pour aider l'Ukraine. Le Canada ou encore l'Estonie font aussi des démarches en ce sens.