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Face à la colère du monde agricole, la Commission européenne lâche du lest

En France, la colère des agriculteurs ne faiblit pas malgré les concessions accordées par la Commission européenne
En France, la colère des agriculteurs ne faiblit pas malgré les concessions accordées par la Commission européenne / 19h30 / 2 min. / le 31 janvier 2024
La colère du monde rural gronde envers l'Union européenne, en France et dans de nombreux pays voisins. Cela a contraint Bruxelles à lâcher du lest.

Face à la grogne des agriculteurs européens (lire en encadré), la Commission européenne a fait des concessions mercredi sur deux sujets principaux: elle propose d'accorder pour 2024 une dérogation "partielle" aux obligations de jachères imposées par la PAC et envisage un mécanisme limitant les importations d'Ukraine, notamment de volaille.

Une dérogation qui intervient "tardivement" dans le calendrier agricole et reste "limitée", a regretté le Copa-Cogeca, organisation des syndicats agricoles majoritaires dans l'UE.

Politique européenne trop complexe, revenus trop bas, inflation, concurrence étrangère notament des produits ukrainiens, flambée des prix du carburant: les mêmes revendications se retrouvent dans la plupart des pays européens confrontés au mécontentement agricole.

Colère pas apaisée

"On veut pas forcément être bercés aux aides, on veut surtout des prix rémunérateurs", déclare Johanna Trau, céréalière et éleveuse mobilisée sur un des points de blocage recensés en France par les autorités.

Malgré des mesures de soutien, dont l'abandon de la taxe sur le gazole non-routier et une aide de 80 millions d'euros pour les viticulteurs, le gouvernement français n'a pour l'heure pas réussi à éteindre l'incendie et se mobilise sur le front européen.

La colère se cristallise autour de la politique agricole commune (PAC) des Vingt-Sept, jugée par certains déconnectée des réalités.

Accord de libre-échange

Un autre sujet de friction reste en revanche en suspens à Bruxelles: en charge de la politique commerciale des Vingt-Sept, la Commission négocie actuellement un accord de libre-échange avec les pays du Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) qui inquiète le secteur agricole et dont Paris déclare ne pas vouloir.

Ce traité avec d'importants pays agricoles "n'est pas bon pour nos éleveurs et peut pas, ne doit pas être signé en l'état", a déclaré mercredi le ministre de l'Economie français Bruno Le Maire, se disant prêt à un "bras de fer" avec la Commission.

Le président Emmanuel Macron, qui se refuse "à "tout mettre sur le dos de l'Europe", doit s'entretenir jeudi avec la présidente de la Commission Ursula von der Leyen, en marge d'un sommet européen.

"L'attente est énorme"

Le patron du puissant syndicat agricole français FNSEA a toutefois appelé ses troupes "au calme et à la raison". "L'attente est énorme" face au "cumul de normes et de règles", a déclaré Arnaud Rousseau. Mais "il y a aussi beaucoup de sujets européens qui ne sont pas des sujets qui se règlent en trois jours".

La nouvelle PAC, qui renforce depuis 2023 les obligations environnementales et les législations du Pacte vert européen (ou "Green Deal") - même si elles ne sont pas encore en vigueur - cristallise la colère. La France est la première bénéficiaire des subventions agricoles européennes, avec plus de 9 milliards d'euros par an.

>> Ecouter le sujet de Forum :

Les agriculteurs français ont continué leurs blocages d'autoroutes mercredi. [AFP - MUSTAFA YALCIN]AFP - MUSTAFA YALCIN
L’Union européenne lâche du lest aux agriculteurs / Forum / 2 min. / le 31 janvier 2024

ats/ami

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Mouvement européen

Le mouvement de colère ne se limite pas à la France: après des manifestations en Allemagne, en Pologne, en Roumanie et en Belgique ces dernières semaines, les trois principaux syndicats agricoles espagnols ont annoncé des "mobilisations" dans l'ensemble du pays au cours des "prochaines semaines".

Des manifestations improvisées se sont aussi déroulées ces dernières semaines en Italie, où des agriculteurs se disant "trahis par l'Europe" ont protesté mardi avec leurs tracteurs notamment près de Milan (Nord), mais aussi ailleurs dans le pays.

Des agriculteurs portugais ont appelé à une mobilisation jeudi matin sur les routes du pays avec des tracteurs et machines agricoles. Ils appellent à lutter pour "des conditions justes et pour une valorisation de leur activité", selon un communiqué. Mais pour l'instant, les principales associations d'agriculteurs ne se sont pas associées à cette initiative.

Des dizaines d'interpellations en France

En France, 79 personnes ont été interpellées mercredi à Rungis, au sud de Paris, après une intrusion d'agriculteurs dans une "zone de stockage" du marché de gros où des "dégradations" ont été commises, a indiqué à l'AFP une source policière.

Elles ont été "sorties des lieux par les forces de l'ordre", a-t-elle ajouté, précisant que plus personne ne se trouvait désormais à l'intérieur du site.

Ces interpellations s'ajoutent au placement en garde à vue, plus tôt dans la journée, de 15 autres personnes, interpellées près de Rungis (Val-de-Marne).

Mercredi, "plus de 100 points de blocage" et 10'000 manifestants étaient recensés partout dans le pays, a chiffré Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur français. Réputé pour sa fermeté, il se montre cette fois-ci très compréhensif pour ce qu'il a qualifié de "coups de sang légitimes" d'une population "qui souffre et qui ne gagne pas beaucoup d'argent".

Des tracteurs se déployaient également mercredi pour tenter d'encercler Lyon, la troisième ville de France.

>> Ecouter aussi le sujet du 12h30 :

Les agriculteurs français ont à nouveau multiplié les actions de blocage. [AFP - Loïc Venance]AFP - Loïc Venance
Le discours du Premier ministre français Gabriel Attal ne diminue pas la mobilisation agricole / Le 12h30 / 1 min. / le 31 janvier 2024