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Le "salut romain" est un délit d'apologie du fascisme, mais loin des tribunaux

En Italie, le salut fasciste ne sera plus considéré comme un délit s’il est fait lors d’une commémoration funèbre
En Italie, le salut fasciste ne sera plus considéré comme un délit s’il est fait lors d’une commémoration funèbre / 19h30 / 2 min. / le 19 janvier 2024
Le "salut romain" constitue un délit d'apologie du fascisme, a statué la cour suprême italienne, mais la Constitution "ouverte" de la république rend les condamnations très hypothétiques en la matière.

La plus haute juridiction pénale du pays siégeait jeudi après un rassemblement le 7 janvier à Rome lors duquel des centaines de personnes avaient fait le salut fasciste devant l'ancien siège romain du Mouvement social italien (MSI), un parti formé par des partisans de Benito Mussolini (au pouvoir de 1922 à 1943) après la Seconde Guerre mondiale.

La Première ministre Giorgia Meloni, cofondatrice du parti post-fasciste Fratelli d'Italia, a été vertement critiquée par l'opposition pour avoir gardé le silence sur cette manifestation dont les images ont fait le tour du monde.

>> Sur le sujet, lire : L'opposition italienne s'indigne d'une vidéo montrant des saluts fascistes

Toutes chambres réunies, la cour de cassation italienne - appelée aussi cour suprême - estime dans sa décision que la cérémonie d'appel, par laquelle les participants à une manifestation fasciste répondent "présents", ainsi que le "salut romain" - bras tendu - sont punissables par la loi.

Ce sont des rituels "évocateurs de la gestuelle propre au parti fasciste dissout" après la Seconde Guerre mondiale et à ce titre ils tombent sous le coup de l'article 5 de la loi dite "Scelba" datant de 1952, ont dit ses juges.

Exceptions au délit

Le délit n'est toutefois pas manifeste dans le cadre d'une commémoration et s'il n'est pas prouvé que les personnes qui l'exécutent ont pour dessein de ressusciter le parti fasciste.

"Il convient", pour sanctionner, ajoutent les juges, "de prendre en compte le danger concret de réorganisation du parti fasciste dissout", un obstacle quasi insurmontable, selon les juristes interrogés par l'AFP.

Un autre texte peut toutefois être invoqué contre de telles manifestations publiques: la loi dite "Mancino" de 1993, qui sanctionne des actes de discrimination ou de violences à caractère racial. Mais là encore, ce sera à l'appréciation des tribunaux.

Procès en appel pour des militants

A l'appui de leurs conclusions, les juges suprêmes ont décidé un nouveau procès en appel pour huit militants qui avaient fait le salut fasciste lors d'une cérémonie commémorative en 2016 et avaient été condamnés en seconde instance.

Pour l'avocat de deux d'entre eux, la décision de la cour de cassation leur donne raison. "En Italie, on ne punit pas les opinions", s'est réjoui Domenico Di Tullio, cité par l'agence Ansa.

Le groupuscule néofasciste CasaPound a salué "une victoire" tandis que pour le président du Sénat Ignazio La Russa, amateur assumé de bustes de Mussolini, la décision de la cour suprême "se passe de commentaires".

Quid du rassemblement du 7 janvier?

Le vice-président de l'Association nationale des partisans italiens (Anpi), Emilio Ricci appelle la justice à poursuivre les participants au rassemblement du 7 janvier 2024. "Je souhaite que le parquet les mette en cause pour violation des lois Scelba et Mancino", a-t-il dit.

Dans les médias italiens et sur les réseaux sociaux ont émergé les mêmes divergences d'interprétation. Certains y voient un renforcement de l'arsenal législatif contre les résurgences fascistes, d'autres pensent qu'il sera tout aussi difficile qu'avant, voire davantage, de les réprimer.

afp/juma

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