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Le discours politique est devenu plus négatif aux USA, selon un outil de l'EPFL

Donald Trump lors de son discours du 6 janvier 2021 à Washington. [Reuters - Jim Bourg]
Quotebank: l’IA qui révèle l’impact des mots sur notre comportement / Tout un monde / 5 min. / le 26 octobre 2023
Un nouvel outil mis au point par l'EPFL montre un changement radical dans le discours politique américain depuis l'arrivée de Donald Trump. Il atteste d'une tonalité politique plus négative depuis le début de la campagne de la primaire de l'ancien président en juin 2015.

La banque de données Quotebank fournit de "premières données probantes à grande échelle", a expliqué l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL). Elle a été mise au point par des chercheurs du Laboratoire de science des données (dlab), qui l'ont utilisée pour analyser la tonalité du langage des personnalités américaines dans les médias en ligne entre 2008 et 2020.

En tout, Quotebank contient un corpus de 235 millions de citations uniques, issues d'articles d'actualité. L'étude du dlab, publiée dans Nature Scientific Reports, porte sur un sous-ensemble de 24 millions de citations émanant de 18'627 personnes, enrichies d'informations biographiques provenant de Wikidata.

"On a développé un outil d’apprentissage machine qui scanne tous ces articles pour découvrir les citations et les attribuer aux orateurs et oratrices qui les ont prononcées", explique le professeur Robert West, directeur du dlab, dans l'émission Tout un monde de la RTS.

Un deuxième outil d’intelligence artificielle attribue ensuite des sentiments aux citations. "Pour quantifier la prévalence du langage négatif au fil du temps, nous avons utilisé des outils psycholinguistiques reconnus pour noter chaque citation en fonction de son contenu émotionnel", indique Robert West dans le communiqué de l'EPFL. La colère, l'anxiété, la tristesse et les jurons ont notamment été considérés comme des émotions négatives.

Donald Trump principal responsable

Résultat: pendant le mandat de Barack Obama à la Maison Blanche, la fréquence des mots à connotation négative a régulièrement diminué. Mais elle a soudainement augmenté lors des primaires de 2016. Si on retire les citations de Donald Trump des données, le phénomène d'augmentation chute de 40%, il augmente en revanche de 63% si on les conserve.

"Trump a donc été clairement le principal responsable de ce phénomène, même s'il n'est pas le seul", selon le professeur West. L'apparition de Donald Trump sur la scène politique a ainsi amené un "changement de direction" plutôt qu'une "poursuite de tendances existantes", estiment les scientifiques.

Cette étude est la première à être publiée avec l'aide de Quotebank, mais d'autres projets de recherche sont en cours. L'équipe a commencé à travailler sur la plateforme en 2017 et elle a utilisé l'intelligence artificielle pour extraire l'ensemble de données.

En libre accès

"Cet outil très accessible peut jouer un rôle clé dans le maintien d'une démocratie impartiale", estime le communiqué, qui précise: "pour la première fois, un outil puissant en libre accès permet de rechercher tous les faits relatifs à ce que quelqu'un a dit".

Quotebank permet de mesurer l’impact des discours de certaines personnalités sur des secteurs mondiaux. Une équipe d'étudiants en mathématiques appliquées de l'EPFL s'est notamment intéressée à "l’effet Elon".

"Elon Musk avait fait un tweet où il disait que Tesla n’allait plus accepter le bitcoin comme moyen de paiement et juste après ça, le prix des actions du bitcoin a chuté drastiquement", explique Salima Jaoua, membre du groupe de recherche. "Ça avait fait beaucoup parler, alors on s’était dit qu'on pouvait étudier son impact sur le prix des actions d'autres entreprises".

En utilisant Quotebank, le groupe d'étudiants arrive à la conclusion que l’influence d’Elon Musk change drastiquement d’un secteur à l’autre. Ce premier travail avec l'interface de citations a convaincu Salima Jaoua, qui compte réutiliser cet outil pour de prochaines recherches.

Robert West, de son côté, aimerait voir l’utilisation de Quotebank s’étendre. Il reconnaît cependant les limites de l’outil. L'ensemble de données est statique et l’interface est en anglais. Mais ces problèmes pourraient être surmontés, selon lui.

"Google News, Reuters ou Bloomberg, qui collectent des informations et les mettent à disposition du public, pourraient utiliser notre algorithme et ajouter une interface de citations à leur base de données", écrit le professeur. "Nous aurions ainsi un baromètre permanent de l'état de notre démocratie et de nos structures d'information". Il tente aussi de développer une version francophone de l’interface.

Sujet radio: Salomé Laurent

Adaptation web: edel avec ats

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