"En Pologne, les nationalistes du PiS sont aussi perçus comme les garants d'une redistribution sociale"
Depuis l'invasion de l'Ukraine par la Russie en février 2022, Varsovie est devenue un acteur majeur de l'aide apportée à Kiev. Ce grand Etat d'Europe central militait depuis plusieurs années au sein de l'Otan et de l'Union européenne pour des positions plus fermes envers le Kremlin.
Invité jeudi de l'émission Tout un monde, Nicolas Maslowski, enseignant-chercheur en sciences politiques à l'Université de Varsovie, a estimé que la guerre entamée par la Russie avait renforcé le pouvoir polonais. "L'agression donne partiellement raison aux cris alarmistes anti-russes du PiS ces dernières années. Cela favorise donc sans doute ce camp politique", analyse-t-il.
La sécurité de la Pologne est bel et bien devenu un thème phare pour le parti Droit et justice, mais il n'est pas exclusif. Pour celui qui enseigne aussi les relations internationales, le PiS conserve également des admirateurs grâce au volet social de ses programmes. "Le PiS est perçu comme une force, un garant d'une redistribution sociale (...) ses partisans ont peur d'un retour à un monde trop libéral qui pourrait leur faire perdre un certain nombre d'avantages acquis sous les derniers gouvernements", détaille-t-il.
Réécouter le reportage en Pologne de Tout un monde qui revient sur le poids de la sécurité nationale dans le débat politique:
Un parti qui divise
Mais si le PiS reste favori, il est aussi un parti qui a fortement divisé la société polonaise. Ses positions sécuritaires anti-russes sont globalement partagées par la population mais ses politiques illibérales et souvent contraires aux volontés de l'Union européenne ont froissé de nombreux citoyens et citoyennes.
Refus d'accueillir des migrants extra-européens, restriction du droit à l'avortement ou encore politiques jugées contraignantes voire répressives pour les minorités LGBT. Au cours des dernières années, le PiS n'a pas hésité à se mettre à dos Bruxelles pour protéger sa vision très conservatrice de la société polonaise.
C'est la grande crainte (...) une alliance du PiS avec la Confédération, un parti bien plus extrémiste et ultranationaliste
Face à ces politiques qui permettent des victoires électorales depuis presque 10 ans, beaucoup de Polonais ont tout simplement fini par "se désintéresser" de la politique, estime Nicolas Maslowski. D'autres, au contraire, se mobilisent pour tenter d'inverser la tendance. "Il y a eu une manifestation géante il y a quelques jours pour exprimer la volonté de changer de gouvernement, de s'attacher aux valeurs de l'UE, de l'Etat de droit et d'une justice indépendante", rappelle l'enseignant-chercheur.
"Le pays ne va pas changer du jour au lendemain"
Cette année, c'est le bloc centriste Coalition civique (KO) de l'ancien Premier ministre polonais et ex-président du Conseil européen Donald Tusk qui tentera de faire barrage au PiS. Une victoire hypothétique qui exigera de toute façon d'autres alliances.
"Si l'opposition gagnait les élections, ce ne serait pas uniquement grâce à ce bloc civique, mais forcément en coalition avec un parti plus centriste qui s'appelle la Troisième voie mais aussi la gauche. La seule chance donnée par les sondages de vaincre le bloc du PiS passerait par là", analyse Nicolas Maslowski.
S'il ne parvient pas à créer une majorité, le PiS restera la principale opposition
Mais pour s'assurer la victoire, le parti Droit et justice pourrait lui-même rechercher une alliance. "C'est la grande crainte de tous ceux qui s'inquiètent pour l'avenir de la démocratie en Pologne. Une alliance du PiS, qui était perçu comme un parti d'extrême-droite pendant très longtemps, avec la Confédération, un parti bien plus extrémiste et ultranationaliste", ajoute-t-il.
Le chercheur estime toutefois que, peu importe le résultat, les politiques du PiS mises en place en Pologne ne pourront pas être transformées aisément. "Si l'opposition gagnait les élections, elle ne pourrait pas rétablir 'une Pologne d'avant le PiS' (...) nous avons un pays partagé dans lequel le PiS sera sans aucun doute le parti qui recevra le plus de voix. S'il ne parvient pas à créer une majorité, il restera la principale opposition", remarque-t-il.
"Le pays ne va pas changer du jour au lendemain. Les attaques contre l'Etat de droit, les transformations de la culture politique polonaise mettront sans doute des années à être retravaillées", conclut-il.
Propos recueillis par Eric Guevara-Frey
Adapation web: Tristan Hertig