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La Cour suprême des Etats-Unis refuse de soulager la dette étudiante

Quel impact les décisions de la Cour Suprême américaine peuvent-elles avoir sur la présidentielle? [Keystone - Patrick Semansky / AP Photo]
Quel impact les décisions de la Cour Suprême américaine peuvent-elles avoir sur la présidentielle? / Forum / 5 min. / le 30 juin 2023
La Cour suprême des Etats-Unis a invalidé vendredi une mesure phare de Joe Biden sur l'annulation d'une large partie de la dette étudiante. Le collège ultra-conservateur estime que le gouvernement a outrepassé ses pouvoirs en adoptant ce programme sans passer par le Congrès.

Dans l'arrêt publié vendredi, la majorité conservatrice de la haute juridiction rappelle que le gouvernement "a annulé environ 430 milliards de prêts fédéraux, effaçant complètement la dette de 20 millions d'emprunteurs et abaissant la somme médiane due par 23 millions d'autres de 29'400 dollars à 13'600 dollars".

"La question ici n'est pas: est-ce que quelque chose doit être fait, mais qui a l'autorité pour le faire?", estime le magistrat John Roberts au nom de cette majorité. Or, ajoute-t-il, "parmi les plus grand pouvoir du Congrès, il y a le contrôle du porte-feuille".

Un revers pour Joe Biden

Cet arrêt représente un revers de taille pour le président de 80 ans qui espère décrocher un second mandat en 2024. Il pèsera sur le budget de millions d'Américains et d'Américaines, alors que le démocrate compte sur le soutien des classes populaires pour se faire réélire. Une telle mesure aurait pu mobiliser cet électorat jeune, qui vote peu.

Toutefois, les causes qui mènent à la mobilisation électorale sont multiples et difficiles à juger, souligne la doctorante en histoire des Etats-Unis Sarah Harakat dans Forum. "Ce qui est sûr, c'est que les jeunes (...) représentent une mine d'or pour les candidats pour tenter de faire basculer la tendance de leur côté. On a souvent imputé la victoire de Joe Biden à leur mobilisation accrue" en 2020.

Le président a d'ailleurs réagi en exprimant son "fort" désaccord avec cette décision, a immédiatement indiqué une source anonyme à la Maison Blanche. Plus tard dans la journée, il a annoncé "un nouveau plan" pour alléger la dette étudiante "aussi rapidement que possible". "Nous allons appuyer notre nouvelle approche sur une loi différente de mon plan originel", a-t-il précisé lors d'une allocution télévisée.

Une mesure issue de la pandémie

L'enseignement supérieur coûte une fortune aux Etats-Unis et près de 43 millions de personnes ont des crédits étudiants fédéraux à rembourser pour un montant global de 1'630 milliards de dollars.

Au début de la pandémie, le gouvernement de Donald Trump avait gelé le remboursement de ces emprunts en vertu d'une loi de 2003 permettant de "soulager" les détenteurs de dette étudiante en cas d'"urgence nationale".

Cette mesure, reconduite sans interruption jusqu'ici, doit prendre fin au 31 août, mais Joe Biden avait annoncé en août dernier vouloir effacer 10'000 dollars de l'ardoise des emprunteurs gagnant moins de 125'000 dollars par an, et 20'000 dollars pour les anciens boursiers.

Les Etats républicains et deux étudiants plaignants

Candidats et candidates se sont précipités et 26 millions de dossiers ont été déposés, selon la Maison Blanche. Mais la justice avait bloqué la mise en oeuvre de ce plan après avoir été saisie par une coalition d'Etats républicains et par deux étudiants non-éligibles aux 20'000 dollars d'annulation.

Les plaignants accusaient l'administration démocrate d'avoir engagé l'argent du contribuable sans l'accord du Congrès. Pour eux, la loi de 2003, invoquée par le président Biden, couvre le gel de la dette et non son annulation. "Nous sommes d'accord avec eux", confirme ainsi le juge Roberts.

Comme dans d'autres dossiers très politiques, leurs trois consoeurs progressistes ont manifesté leur désaccord. Pour elles, c'est la Cour qui "outrepasse son rôle limité dans la conduite de la Nation", en "se substituant au Congrès et à l'exécutif pour prendre une décision de politique intérieure".

ats/jop

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Une discrimination homophobe légalisée dans le domaine commercial

La Cour suprême a également donné raison vendredi à une créatrice de site web qui refuse d'en produire pour les mariages homosexuels. Par cette décision, elle autorise pour la première fois des discriminations dans la sphère commerciale.

Les entreprises dont les services ont une valeur créative peuvent invoquer leur liberté d'expression pour ne pas fournir un service allant à l'encontre de leurs valeurs, a jugé la majorité conservatrice. Le magistrat Neil Gorsuch a invoqué le Premier amendement de la Constitution américaine, qui garantit aux gens de "de penser et d'exprimer ce qu'ils veulent", y compris de fournir des services à des personnes LGBTQ.

"Le Colorado essaie de renier cette promesse", ajoute-t-il, en référence à la législation de cet Etat qui interdit, depuis 2008, aux commerçants de pratiquer des discriminations liées à l'orientation sexuelle sous peine d'amende.

Cette législation avait déjà été contestée par un pâtissier chrétien qui refusait de faire un gâteau pour un mariage entre personnes de même sexe. La Cour suprême lui avait donné raison en 2018 mais sur des motifs techniques, sans édicter de grands principes.

Une créatrice de site web, Lorie Smith était revenue à la charge. Selon elle, cette loi la force à produire "un message" contraire à ses convictions chrétiennes. Elle a obtenu gain de cause vendredi.

Comme la veille, quand la haute juridiction a mis un terme aux politiques de discrimination positive à l'université, les trois juges progressistes ont exprimé leur désaccord avec force. "Aujourd'hui, la Cour a, pour la première fois de son histoire, donné un droit constitutionnel à un commerce ouvert au public de refuser de servir" des clients protégés par des lois anti-discriminations, a-t-elle déploré.

>> Lire aussi : La Cour suprême des Etats-Unis met fin à la "discrimination positive" dans les universités