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Au nord de l'Europe, l'extrême droite diffuse toujours plus son agenda

La présidente du Parti des Finlandais Riikka Purra, le chef de la Coalition nationale Petteri Orpo et la présidente des sociaux-démocrates et Première ministre Sanna Marin, avant un débat sur les élections législatives finlandaises. [Keystone - Antti Aimo-Koivisto / Lehtikuva / AP]
Changement d'ère politique dans les pays nordiques / Tout un monde / 7 min. / le 4 avril 2023
En Finlande, le Parti social-démocrate de la Première ministre Sanna Marin a été battu de peu par les conservateurs dimanche passé lors des élections législatives. Les nationalistes du Parti des Finlandais ont terminé au 2e rang. Un résultat qui s'inscrit dans un changement d'ambiance politique plus large dans les pays du nord de l'Europe.

Avec 46 sièges sur les 200 du Parlement finlandais, le parti d'extrême droite réalise son meilleur score depuis sa création, il y a près de trente ans, et devrait parvenir à entrer au gouvernement pour la seconde fois, après la législature 2015-2019.

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D'une formation populiste plutôt traditionnelle, d'orientation poujadiste et eurosceptique, le Parti des Finlandais a évolué à la suite d'une scission interne en 2017 vers une extrême droite plus radicale, résume la journaliste Anne-Françoise Hivert dans l'émission Tout un monde.

"Il était anti-immigration, mais pas autant qu'aujourd'hui, et pour des baisses de taxes. Mais il défendait une politique économique et sociale plus proche du Parti social-démocrate", détaille la correspondante du journal Le Monde. "En 2017, la frange la plus radicale a pris le pouvoir et on a vu clairement un durcissement du discours sur les immigrés et la politique migratoire, et un glissement vers la droite en matière de politique économique."

Convergence

Cette tendance n'est pas spécifique à la Finlande. Elle se faisait déjà sentir dans toute l'Europe, comme en Italie ou en France, mais aussi dans les autres pays nordiques. D'après Cyril Coulet, spécialiste des pays nordiques, le parti nationaliste finlandais s'est notamment inspiré du parti des Démocrates de Suède, d'origine fasciste, qui est arrivé deuxième aux dernières législatives.

"Le parti des Démocrates de Suède est membre de la coalition qui soutient le gouvernement de droite, avec une influence visible et assez importante", souligne cet ancien chercheur de l’Institut suédois de relations internationales.

"Il y a une forme de convergence vers une vision que l'on pourrait qualifier d'ethno-nationaliste", explique-t-il. Notamment une reprise du discours de l'extrême droite suédoise, selon lequel la politique d'asile généreuse a conduit leur pays vers une crise de société. "C'est le discours que tient aujourd'hui le Parti des Finlandais en disant: surtout, ne devenons pas la Suède!"

Tendance générale

Cette tendance ne se limite pas à la Suède et à la Finlande. "En Norvège, le Parti du Progrès a déjà gouverné avec la droite. Et au Danemark, le Parti du Peuple a eu une influence politique très importante depuis 2001, il a réussi à imposer ses thématiques et sa rhétorique s'est diffusée sur tout l'échiquier politique. Aujourd'hui, la politique migratoire du Parti social-démocrate correspond à la ligne défendue par le Parti du Peuple", explique Yohann Aucante, maître de conférences à l’Ecole des Hautes études en sciences sociales.

À défaut de gagner les élections - le Parti du Peuple danois n’a attiré qu'à peine 3% des votants aux dernières élections contre plus de 20% il y a quelques années -, l'extrême droite remporte la bataille des idées. Des idées qui sont largement reprises par les autres partis et par le gouvernement. Yohann Aucante souligne donc l'importance de dissocier le succès des partis eux-mêmes et celui de leurs discours.

Ambivalences économiques

Sur le plan économique, cette nouvelle extrême droite affiche des ambivalences, mais elle défend globalement un modèle d'Etat-providence alternatif à celui de la social-démocratie. C'est du moins l'analyse de Cyril Coulet.

"Graduellement, ces partis ont évolué vers la promotion d'un modèle qui vient concurrencer la social-démocratie comme tenant de l'Etat providence pouvant articuler les problématiques de l'accès aux droits avec l'exclusion de populations considérées comme étrangères et inassimilables, et donc comme devant être exclues de la solidarité nationale."

Enfin, tant le Parti des Finlandais que les Démocrates de Suède s'opposent aux engagements de leurs pays en matière de lutte contre le changement climatique.

Blandine Levite/jop

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