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Mahsa Amini était "une femme qui voulait être indépendante économiquement", selon son cousin

Dans le monde entier, les manifestants continuent après la mort de Masha Amin, ici à Rome ce week-end. [Keystone - AP Photo/Gregorio Borgia]
Reportage au Kurdistan iranien, qui n’est pas insensible aux contestations en Iran / La Matinale / 4 min. / le 1 novembre 2022
L'Iran est secoué depuis plus d'un mois par des manifestations déclenchées par la mort de la jeune Kurde irakienne Mahsa Amini. Rencontré par la RTS au Kurdistan irakien, son cousin décrit une jeune femme qui voulait "être indépendante économiquement".

Au moins 250 personnes ont déjà été tuées en Iran après un mois et demi de manifestations. Une contestation qui ne faiblit pas, malgré l'ultimatum lancé samedi par le chef des Gardiens de la Révolution.

Elle s'étend même au-delà des frontières du pays, jusqu'au Kurdistan irakien, d'où était originaire la jeune femme dont la mort a mis le feu aux poudres.

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Famille sous pression

C'est dans cette région que vit le cousin de Mahsa Amini, Erfan. Il y vit en exil, à 200 kilomètres de Saghez, en Iran, la ville d’origine de sa cousine, où elle est enterrée. Il a répondu aux questions de la RTS au terme de la période traditionnelle de deuil de 40 jours.

Erfan explique en premier lieu que le véritable prénom de sa cousine est Zhina: un prénom kurde qu'il lui était interdit de porter en Iran.

"Ma famille est sous pression", dit-il. Par exemple, les fonctionnaires de la République islamique n'ont pas laissé ses membres se rendre sur la tombe de la jeune femme, menaçant même son frère d’arrestation.

A 34 ans, Erfan est politisé et engagé de longue date dans la lutte contre le régime iranien. Une lutte qu'il a payé de sa liberté. Peshmerga, il a combattu en Irak contre Daech et des milices soutenues par Téhéran.

Forcé de rentrer en 2019 dans son pays natal, il est arrêté, détenu pendant deux ans. Il dit avoir été torturé. S'il a déposé les armes, il continue sa lutte idéologique depuis l'Irak.

Un symbole qui fera tomber le régime

Erfan tient cependant à brosser un portrait bien différent de sa cousine, de douze ans sa cadette. "Mahsa n'était pas une personne politisée. Elle aimait la musique, l'art, la danse. Mahsa était une femme qui voulait être indépendante économiquement. Et avant de mourir, elle a ouvert un magasin à Saghez qui vendait des vêtements pour femmes", raconte-t-il.

Pour Erfan, le meurtre de sa cousine par les autorités iraniennes fera tomber le régime islamique. "Le nom et le sang de Zhina sont devenus un symbole en Iran en général", salue-t-il.

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Interview radio: Benoit Drevet

Adaptation web: jop

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D'autres femmes exilées luttent depuis l'Irak

Pour éviter le destin de Mahsa Amini, certaines femmes kurdes-iranienne ont aussi dû fuir au Kurdistan irakien pour rêver d'une vie meilleure. C’est le cas de Sarina Panahideh, venue vivre dans la capitale régionale Erbil en 2019.

Actrice et danseuse, elle a fui la censure iranienne. "Des juges venaient parfois voir notre travail. S’ils ne l’aimaient pas, simplement parce que vous ne disiez pas ce qu’ils voulaient entendre, ils ruinaient tout", se remémore-t-elle.

L'une de ses vidéos est devenu un symbole de la lutte en Iran, avec des dizaines de millions de vues, grâce notamment au relais de l'actrice iranienne Farahani, exilée en France. Inspirée par la chanson Baraye, hymne de la révolte en Iran, elle y danse simplement sur les places publiques des grandes villes du Kurdistan irakien.

"Je voulais juste être solidaire de ce qui se passe en Iran", explique-t-elle. "Cette révolte, c'est très important pour les femme, pour qu’elles aient la liberté de choisir. J'aimerais être à leurs côtés. La seule façon de leur montrer et la seule façon de me battre aussi, c'est mon art, pour montrer à l'Iran mais aussi au monde entier ce qui se passe."

Les manifestations se poursuivent

Malgré la répression et le début des procès de personnes arrêtées, passibles de la peine de mort, le mouvement de contestation en Iran se poursuivait sans relâche mardi pour la septième semaine consécutive. Chaque cérémonie de deuil des personnes tuées par les forces de l'ordre est susceptible de se transformer en une manifestation contre le pouvoir.

Ainsi, dans le quartier d'Ekbatan à Téhéran, des résidents ont repris lundi soir des slogans de la contestation face à des forces de sécurité qui ont fait usage de grenades assourdissantes, selon des images publiées notamment par le média en ligne 1500tasvir.

Dans la ville à majorité kurde de Sanandaj (nord-ouest), les funérailles de Sarina Saedi, une jeune fille de 16 ans tuée dans la répression, se sont transformées en une manifestation avec des slogans antirégime et des femmes enlevant le foulard.

Enfin, selon l'ONG Iran Human Rights basée en Norvège, des étudiants observaient mardi un sit-in à l'université d'Ispahan. Des images sur les réseaux sociaux ont d'autre part montré des actions similaires à la faculté d'ingénierie de l'université Amir Kabir à Téhéran.

Huit journalistes libérés

Un responsable iranien a annoncé mardi la libération de huit journalistes, détenus dans le contexte des manifestations.

Le quotidien réformateur Sazandegi a rapporté dimanche que "plus de 20 journalistes étaient toujours en détention", notamment à Téhéran, mais aussi dans d'autres villes. Plusieurs autres ont été convoqués par les autorités, ajoute le journal.

"Jusqu'à présent, huit personnes ont été libérées", a indiqué le directeur général des médias locaux auprès du ministère de la Culture, Iman Shamsaï, dans une interview avec l'agence de presse Isna.

Interrogé sur "un grand nombre de journalistes et de photographes détenus", le responsable a toutefois affirmé que "personne n'a été arrêtée à Téhéran pour activité médiatique".

Dimanche, plus de 300 journalistes et photojournalistes iraniens ont signé un communiqué critiquant les autorités pour avoir "arrêté [leurs] confrères et les avoir privés de leurs droits" notamment l'"accès à leurs avocats".