La Chine recrute des pilotes militaires occidentaux pour apprendre à neutraliser leurs avions

Depuis 2019, trente anciens pilotes de chasse et quelques pilotes d'hélicoptères auraient mordu à l'hameçon de la Chine, selon SkyNews et The Guardian, qui citent des sources occidentales proches du dossier.

Les professionnels concernés seraient retraités ou près de l'âge de la retraite. Ils auraient été attirés par des salaires alléchants: plus de 270'000 francs par an. Le personnel en question aurait été recruté par une entreprise tierce basée en Afrique du Sud.

Baptisée "Test Flying Academy of South Africa", la société en question n'aurait aucun lien avec les autorités sud-africaines. Les pilotes embauchés par la Chine n'ont, a priori, violé aucune loi sur le transfert d'informations secrètes ou sensibles. Mais les enseignements apportés à leurs homologues chinois nuisent à la sécurité britannique et occidentale, déplore une source officielle citée par de nombreux médias britanniques.

Réaction du gouvernement britannique

Il n'y a aucune estimation du nombre de professionnels ciblés par ces appels du pied de la Chine. Interrogée par The Guardian, une source affirme toutefois qu'il ne s'agit pas, et de loin, d'un épiphénomène. Le secrétaire d'Etat britannique à la Défense a souligné cette semaine que de telles collaborations représentaient une "préoccupation depuis des années" et qu'il allait prendre des mesures "décisives" afin de mettre fin aux efforts de recrutement.

Les pilotes impliqués ont été avertis qu'ils devraient arrêter ces activités, a poursuivi le secrétaire d'Etat, évoquant un changement législatif pour rendre délictuel le fait de poursuivre ces activités.

De son côté, le porte-parole de la diplomatie chinoise a assuré n'avoir aucune connaissance d'un tel système. "Je ne suis pas au courant de ce que vous mentionnez", a-t-il déclaré lors d'un point presse régulier.

Phénomène des "tempes grises"

Il s'agit du phénomène des "tempes grises", bien connu des services de renseignement, décrypte Antoine Izambard, journaliste au magazine Challenges et coauteur de "Trahisons à la DGSE", dans l'émission de la RTS Tout un monde.

"La Chine va inviter des quinquagénaires, souvent en fin de parcours dans leur entreprise ou leur structure. Ils vont voyager en business, être logés dans des hôtels de luxe. Peu à peu, ils vont donner aux Chinois certaines clés qui vont leur permettre de monter en gamme au niveau technologique et d'acquérir des techniques utiles pour mener des raids militaires."

Dans le monde du renseignement, il y a plusieurs leviers pour recruter des sources. "Il y a l'ego - cibler des personnes qui sont brimées dans leur entreprise - l'argent ou l'idéologie, liste Antoine Izambard. Ce sont toujours des choses qui fonctionnent. Et la Chine est experte en la matière."

D'autres armées et sociétés d'armement visées

L'objectif des Chinois est d'acquérir les compétences nécessaires pour neutraliser efficacement les appareils utilisés par l'armée britannique et plus généralement par l'Otan.

Le Royaume-Uni ne serait en effet pas le seul pays concerné par l'opération: d'autres militaires occidentaux feraient, eux aussi, l'objet d'appels du pied. Pékin tenterait - en vain - de recruter des pilotes du célèbre F-35 du fabricant américain Lockheed Martin. L'avion de pointe est extrêmement convoité et a déjà fait l'objet de tentatives d'espionnage industriel répétées.

La CIA a sonné l'alerte sur l'intensification des tentatives d'espionnage dans le secteur industriel ces dernières années. En ligne de mire, notamment, les technologies de pointe. Selon un rapport de l'agence américaine publié l'an dernier, le président chinois Xi Jinping souhaiterait parachever la modernisation de son armée d'ici 2035 pour la transformer en une armée de "classe mondiale".

Contrairement aux Etats-Unis ou aux Occidentaux, la Chine pratique la "pêche au chalut" en balayant "très large", indique le journaliste Antoine Izambard. "Souvent, les recrutements se font via les réseaux sociaux. Il y avait déjà eu une alerte des services français en 2018, indiquant que 5000 cadres de l'administration et de l'Etat avaient été approchés par la Chine via Linkedin."

Si les gouvernements occidentaux ont "pris conscience de la menace", il y a "encore beaucoup à faire", estime Antoine Izambard.

Sujets radio: Michael Peuker et Eric Guevara-Frey

Adaptation web: vajo