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La ménopause n'est plus un tabou au Royaume-Uni

Catherine Ilic. [Nadia Kara]
Série "Correspondances": la ménopause n'est plus tabou au Royaume-Uni / Forum / 6 min. / le 16 juillet 2022
Depuis 2 ans, la ménopause s'est imposée dans la conversation nationale au Royaume-Uni. Que ce soit dans les émissions, les livres ou même lors d'événements.

Le Royaume-Uni brise le tabou autour de la ménopause et cela jusqu'au sein du Parlement à Westminster lors d'une campagne de sensibilisation frappante.

On y voit des députés hommes accepter d’enfiler des gilets, munis de petits coussins chauffants, censés simuler les bouffées de chaleur, l’un des symptômes les plus connus de la ménopause.

Une longue liste de symptômes

Le but de cette campagne était en partie de faire comprendre aux hommes ce que certaines de leurs collègues vivent. Mais derrière cette opération coup de poing, il y a également un groupe de femmes, les ménopause warriors, qui luttent pour que le sujet soit abordé de manière décomplexée et pour que des mesures très concrètes soient prises.

Elles aimeraient que les entreprises introduisent des aménagements en termes d’emploi du temps et plaident aussi pour un plus large accès aux traitements hormonaux de substitution (œstrogènes et progestérones) afin de soulager les symptômes de la ménopause.

En effet, les bouffées de chaleur ne sont que l'un des symptômes d'une longue liste. La ménopause peut causer des insomnies, des maux de tête, des tendances dépressives ou encore une perte de libido.

Un accès difficile aux traitements

Plusieurs femmes ont témoigné avoir dû attendre 5 ou parfois 10 ans pour être correctement diagnostiquées et avoir accès à un traitement. Les médecins ne sont pas toujours bien formés et ne parviennent pas à identifier la ménopause.

Une étude de 2021 a révélé que 40% des écoles de médecine outre-Manche n’avaient pas dans leur cursus de cours obligatoire sur la ménopause alors que 13 millions de femmes vivent la péri-ménopause ou la ménopause au Royaume-Uni.

L'impact de la ménopause est également très important dans le monde professionnel où 14 millions de journées de travail sont perdues par année selon une recherche.

Trop longtemps négligée

Si le sujet est aussi important, c'est parce que la question a été longtemps négligée: une femme sur trois ne va pas chez son médecin lorsque la ménopause arrive.

C’est d’autant plus problématique dans un pays comme le Royaume-Uni, où il n’y pas de suivi médical chez un gynécologue ni de consultations annuelles comme en Suisse ou en France par exemple.

Il y a encore 5 ans, Lorraine Kelly, une présentatrice télé connue, a voulu traiter le sujet dans son émission mais personne ne voulait témoigner. Elle s’est alors résolue à parler de sa propre expérience. Son émission a alors eu un tel impact qu'elle a libéré la parole de plusieurs femmes.

Plus récemment, Davina McCall, une ex-présentatrice de télé-réalité, a fait un documentaire sur le sujet contribuant à une hausse de 30% des ventes de traitements hormonaux les semaines suivantes, d’après des laboratoires pharmaceutiques.

Traitements hormonaux: pour ou contre?

Les traitements hormonaux ont traîné pendant longtemps une mauvaise réputation au Royaume-Uni en raison de plusieurs études dans les années 2000 qui mettaient en avant une fréquence plus élevée du cancer du sein.

Une partie du documentaire de Davina McCall s’emploie à dédiaboliser ces traitements en expliquant que la littérature scientifique s’est passablement étoffée et a permis de nuancer certains biais des études qui ont porté préjudice aux traitements hormonaux.

Le message du documentaire a rassuré les femmes, faisant exploser les ventes de traitements hormonaux et créant ainsi une pénurie au printemps. Le gouvernement britannique a dû créer une cellule spéciale pour faire face aux problèmes d'approvisionnements et rationner les prescriptions à 3 mois.

L'engouement pour les traitements hormonaux a aussi contribué à générer un mouvement dans le sens inverse. Certains médecins ont mis en garde contre une surmédicalisation de la ménopause. Un article en juin dans la prestigieuse revue médicale British Journal of Medicine plaide pour une approche plus naturelle.

Sujet radio: Catherine Ilic

Adaptation web: Andreia Portinha Saraiva

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