Comment réduire notre dépendance à l'étranger? [Keystone/Reuters]
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Énergie, matières premières, alimentation: comment réduire notre dépendance à l'étranger?

Jusqu'à récemment, il y avait de fortes chances que votre gaz de chauffage provienne de Russie. Votre voiture tourne grâce à du pétrole extrait d’Arabie saoudite. Et si vous préférez le vélo électrique, sa batterie vient de Chine, tout comme les composants de votre smartphone. Vos emails sont stockés par une entreprise californienne. Enfin, votre huile de tournesol ou vos céréales ont peut-être été importées d’Ukraine.

La mondialisation a rendu les pays toujours plus interdépendants. Mais la pandémie de Covid et l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont montré à quel point la Suisse et l’Europe étaient vulnérables face aux risques de rupture d’approvisionnement.

Peut-on s’affranchir complètement de ces dépendances? Autant le dire tout de suite: ce sera sans doute impossible. Mais pour certains produits ou certaines matières premières, des solutions existent pour réduire notre dépendance ou au moins diversifier nos sources d’importations.

Le 19h30 a proposé tout un long de la semaine une série de reportages consacrés à ces solutions.

Se passer du gaz russe

Le pari réussi de la Lituanie

En huit ans, la Lituanie a réussi à s'affranchir de la Russie, qui était son unique fournisseur de gaz. Pour cela, le pays balte a misé sur un navire accosté au port de Klaipéda qui sert de terminal pour traiter du gaz naturel liquéfié (GNL).

Entré en fonction en 2014, ce terminal flottant reçoit du GNL de partout dans le monde. "Nous avons à peu près trois cargos qui viennent par mois", explique dans le 19h30 Jurgita Šilinskaitė-Venslovienė, responsable de LNG Commerce.

"La majorité du GNL provient des Etats-Unis. Aujourd’hui, nous voyons des cargos arriver à nouveau de Norvège. Nous avons aussi du GNL livré depuis l’Egypte, Trinité-et-Tobago et d’autres pays", détaille-t-elle.

Un coût non négligeable

Depuis la guerre en Ukraine, ce méthanier flottant fournit tout le gaz nécessaire pour le pays, et permet même d’en vendre aux autres pays baltes.

Cette indépendance énergétique vis-à-vis de la Russie a un coût. Pour les particuliers, la facture de gaz a doublé cette année par rapport à 2021.

La solution lituanienne fait par ailleurs des émules. La Finlande et l’Estonie ont décidé de louer un terminal GNL flottant. Ces deux pays entendent par ce geste marquer leur volonté de diminuer, voire d’arrêter, l’utilisation du gaz russe.

>> Le reportage du 19h30 :

En huit ans, la Lituanie a réussi à s'affranchir de la Russie, son unique fournisseur de gaz.
En huit ans, la Lituanie a réussi à s'affranchir de la Russie, son unique fournisseur de gaz. / 19h30 / 2 min. / le 11 juillet 2022

A la recherche des métaux rares

L'Espagne comme alternative à la Chine

Lithium, cobalt, uranium: à l’heure de la transition écologique, la demande en métaux rares explose. Dans ce domaine, l’Europe est extrêmement dépendante de la Chine. Or l’Espagne cache dans son sous-sol la quasi-totalité des gisements européens.

"On trouve du nickel, du wolfram, entre autres. L’Espagne a de nombreux minéraux dans son sol", explique dans le 19h30 Manuel Regueiro, président du collège espagnol des géologues.

"Il y a toutefois encore peu d’exploitations à cause du rejet de la population. Mais cela ne durera pas. Même si les habitants sont opposés, il faudra extraire ces minerais, car la demande mondiale sera trop importante", continue le géologue.

Transformation du lithium

D’ici 2025, l’entreprise Extremadura New Energies compte exploiter une mine souterraine et installer juste à coté la toute première usine européenne de transformation du lithium, le minerai qui sert à la fabrication des batteries.

"Près de 80% des usines de conversion en hydroxyde de lithium sont en Chine, qui a un monopole sur ce marché. Et en Europe, notre dépendance est totale", argumente Ramon Jimenez Serrano, CEO d'Extremadura New Energies.

>> Le reportage du 19h30 :

Comment réduire notre dépendance vis-à-vis de l'étranger? C'est notre série. Ce soir, zoom sur les métaux rares
Comment réduire notre dépendance vis-à-vis de l'étranger? C'est notre série. Ce soir, zoom sur les métaux rares / 19h30 / 2 min. / le 12 juillet 2022

Les batteries pour voitures électriques

Une opportunité pour réindustrialiser le nord de la France

Les Européens veulent réinvestir dans l’industrie, en ciblant des filières stratégiques. En France, la région du Nord doit bientôt accueillir plusieurs usines géantes de batteries pour les voitures électriques. La construction de ces "gigafactories" offre une perspective à ceux ont vu les emplois industriels disparaître.

"On a connu toutes les démolitions de bâtiments. Et là, la construction d’un nouveau bâtiment représente une avancée sur l’avenir, professionnellement et surtout pour le bassin, la région", explique dans le 19h30 Fabrice Dubois, responsable de maintenance.

Plusieurs projets en cours

L’Etat français et les constructeurs automobiles européens investissent massivement dans cette industrie, car ils ne veulent plus dépendre de l’Asie pour la technologie sensible des batteries.

"Aujourd'hui, toutes les batteries viennent d’Asie. Il y a donc une question d’indépendance de l’Europe et une question écologique. On ne va pas transporter des batteries de 500 kg à travers le monde", constate Yann Vincent, directeur général du groupe ACC.

Le nord de la France aspire à devenir "la vallée de la batterie". Pas moins de trois projets de gigafactories sont dans les tuyaux. A l'échelle du continent européen, plus de 35 projets sont au programme.

>> Le reportage du 19h30 :

Pour réduire sa dépendance de la Chine, la France construit plusieurs usines géantes de batteries pour les voitures électriques.
Pour réduire sa dépendance de la Chine, la France construit plusieurs usines géantes de batteries pour les voitures électriques. / 19h30 / 2 min. / le 13 juillet 2022

Souveraineté numérique

Les centres de données suisses en pleine croissance

Le monde numérique dépend de serveurs qui sont regroupés en centres de données. En Suisse, il y en a près d'une centaine. Solange Ghernaouti, experte en cybersécurité et professeur à l'UNIL, plaide pour la souveraineté numérique de la Suisse.

En d'autres mots, elle souhaite que nous puissions rester propriétaire de nos données, plutôt que de les sous-traiter aux Google, Amazon, Facebook et autre Microsoft, qui dominent le marché et sont assujettis aux lois américaines.

Solange Ghernaouti propose d'obliger les entreprises ou administrations à annoncer où sont stockées leurs données. Selon la chercheuse, il faudrait aussi favoriser les acteurs nationaux.

Opportunité en plein essor

En Suisse romande, le leader du marché se nomme Infomaniak. "On a des dizaines de milliers de serveurs qui stockent des mails, des fichiers, de la video", explique dans le 19h30 Thomas Jacobsen, directeur de la communication d'Infomaniak.

"L'avantage est que le cadre est 100% suisse et que les données sont stockées physiquement en Suisse et traitées par des logiciels développés en Suisse", énumère Thomas Jacobsen.

Avec une telle infrastructure, accéder aux données abusivement devient ainsi plus difficile. Mais surtout, leur stockage représente un marché de plusieurs milliards de francs. Une opportunité en plein essor.

>> Le reportage du 19h30 :

Des voix s'élèvent en Suisse contre la dépendance aux géants américains et asiatiques du web
Des voix s'élèvent en Suisse contre la dépendance aux géants américains et asiatiques du web / 19h30 / 2 min. / le 14 juillet 2022

Des OGM nouvelle génération

La science au service de la sécurité alimentaire

La recherche est une piste pour contrer les dépendances et réduire les vulnérabilités qui y sont liées. Les innovations dans le secteur agricole au Royaume-Uni en sont un bon exemple. Pour assurer son indépendance alimentaire, les Britanniques font le pari de la génétique et des OGM de nouvelle génération.

En s’appuyant sur les dernières avancées de la génétique, des scientifiques britanniques essaient de rendre les plantes plus résistantes ou plus riches en nutriments.

Avec une sorte de pincette moléculaire, ils peuvent retirer un peu d'ADN d'un gène et en créer un mutant. Cette technique est moins lourde que celle des anciens OGM, où le gène d’une autre plante est ajouté.

Loi en discussion

Cristobal Uauy, chercheur au Centre John Innes, travaille sur un blé qui s’adapte au changement climatique, un enjeu crucial pour maintenir les rendements dans les prochaines décennies.

"Nous testons des caractéristiques comme des racines plus longues pour voir si elles captent l’eau et résistent mieux à la sécheresse", explique le chercheur dans le 19h30.

"D'ici trois ou quatre ans, certaines de nos découvertes pourraient arriver dans les champs des agriculteurs et dans les assiettes des consommateurs."

Le gouvernement britannique a décidé de faciliter la recherche et les essais autour de ces plantes génétiquement modifiées. Une loi est en discussion au Parlement.

>> Le reportage du 19h30 :

Pour réduire sa dépendance en matière agricole, le Royaume-Uni fait le pari des OGM de nouvelle génération
Pour réduire sa dépendance en matière agricole, le Royaume-Uni fait le pari des OGM de nouvelle génération / 19h30 / 2 min. / le 15 juillet 2022