Plus de 28'000 migrants ont traversé la Manche, un chiffre qui explose

Rejoindre l'Angleterre à tout prix: l'espoir de 28'000 migrants qui ont traversé la Manche, à bord de petites embarcations, l'an dernier. C'est trois fois plus qu'en 2020, et c'est un record.

Rien qu'au mois de novembre 2021, près de 6900 personnes ont entrepris la traversée, malgré les risques liés à un tel voyage: le trafic est dense, les courants sont forts, et la température de l'eau très froide. Certains migrants en sont d'ailleurs décédés. C'était le cas fin novembre, notamment, où 27 personnes ont trouvé la mort dans le naufrage de leur embarcation, un drame qui avait suscité une vague d'émotion.

Tensions entre Londres et Paris

Cette vague d'émotion avait aussi ravivé les tensions entre Londres et Paris. Le climat s'est dégradé entre les deux pays, après ce naufrage. Le Premier ministre britannique Boris Johnson a demandé aux Français de reprendre "leurs" migrants, ce que Paris a vu d'un très mauvais oeil, rétorquant qu'il était également de la responsabilité du Royaume-Uni de revoir ses conditions en matière d'accueil.

Selon le journal The Times, les Britanniques ont peu d'espoir d'aboutir à un accord avec la France avant l'élection présidentielle française en avril.

Projet de loi controversé

En attendant, un projet de loi controversé, qui promet des mesures plus sévères contre les passeurs mais aussi contre les migrants arrivés illégalement, est en cours d'examen au Parlement britannique. S'il est adopté, les demandeurs d'asile arrivés illégalement seront renvoyés vers les pays dits "sûrs" par lesquels ils sont préalablement passés. Un texte jugé cruel par les associations de défense des droits humains.

Karin Jorio/afp/jpr

Publié le 4 janvier 2022 à 14:09

Le Royaume-Uni est très attractif, selon le géographe Etienne Piguet

L'explosion du nombre de migrants résulte de trois facteurs, selon Etienne Piguet, professeur de géographie à l'Université de Neuchâtel et spécialiste des flux migratoires et des frontières. "Le premier est la subsistance de crises dans de nombreuses régions du monde qui sont relativement proches de l'Europe, avec évidemment l'ajout de l'Afghanistan, qui augmente les besoins de protection", a-t-il expliqué mercredi dans La Matinale de la RTS.

Le deuxième facteur est celui d'un déblocage: "L'année 2020 avait vraiment fermé de manière hermétique toute une série de frontières. Celles-ci se sont partiellement rouvertes et la circulation augmente à nouveau. Et le troisième facteur, c'est qu'un certain nombre de pays restent très attractifs pour toute une série de populations".

Attractivité surprenante

Et le spécialiste de préciser que le cas de l'Angleterre est peut-être surprenant, "mais il y a des liens familiaux, des liens migratoires, des réseaux qui existent déjà, et une politique passée qui a été relativement ouverte pour des personnes qui ont pu, bon an mal an, s'insérer dans l'économie britannique. Donc ça continue à être vraiment la destination privilégiée pour toute une série de personnes".

Pour lui, "c'est ce qui explique cette très surprenante attraction de l'Angleterre, alors que finalement les personnes pourraient trouver une protection dans d'autres pays d'Europe".

Si les migrants préfèrent passer au Royaume-Uni plutôt que de déposer une demande d'asile en France, par exemple, c'est "parce que les conditions d'accueil ne sont pas idéales en France, où les procédures sont très, très longues, et surtout parce qu'il y a des liens historiques avec la Grande-Bretagne pour de nombreuses personnes, qui y ont un cousin, un oncle ou un réseau de personnes qui sont très importantes pour s'insérer dans le pays sur le marché du travail".

L'économie britannique s'est nourrie depuis des dizaines d'années d'une arrivée constante de main-d'oeuvre, y compris peu qualifiée, ajoute Etienne Piguet. Et la source de main-d'oeuvre européenne s'est tarie avec le Brexit. "Ce pays extrêmement diversifié est un aimant qui fait rêver une bonne partie du monde".

jpr