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Tristane Banon: "Aujourd'hui, la parole se libère, mais c'est surtout l'écoute qui se libère"

Tristane Banon est devenue le symbole d'un mouvement #MeToo dans lequel elle ne se retrouve pas toujours
Tristane Banon est devenue le symbole d'un mouvement #MeToo dans lequel elle ne se retrouve pas toujours / 19h30 / 8 min. / le 19 décembre 2021
Dix ans après avoir été prise dans une tempête médiatique en accusant publiquement Dominique Strauss-Kahn de viol, Tristane Banon évoque cette "autre époque" dimanche dans le 19h30 et s'oppose aujourd'hui à une vision extrême du féminisme.

Le nom de Tristane Banon explose au grand jour en mai 2011 quand la journaliste, romancière et essayiste est la première à crier "moi aussi", six ans avant #metoo, lorsque l'affaire Strauss-Kahn éclate de l'autre côté de l'Atlantique.

La jeune femme, 32 ans à l'époque, porte plainte contre DSK pour tentative de viol pour des faits qui remontent à 2003. Traquée et décrédibilisée, Tristane Banon voit sa plainte être classée sans suite. Le parquet de Paris reconnaît toutefois des faits d'agression sexuelle, bien que prescrits.

"C'était une autre époque", se souvient-elle dans le 19h30. "Aujourd'hui, la parole se libère, mais c'est surtout l'écoute qui se libère, en particulier médiatique. De cela découle l'écoute du grand public. Je m'en souviens, en 2011, il y a des questions qu'on me posait qui aujourd'hui paraissent absurdes. On essayait de comprendre si la victime était crédible, si elle n'avait pas un vice caché. Il y avait un manque de respect qui était évident. Et ce respect, depuis #metoo on l'a"

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Une boîte à outils à disposition

Tristane Banon devient alors le symbole d'un mouvement dans lequel, dix ans plus tard, elle ne se retrouve toujours pas. La Française l'explique aujourd'hui dans son livre "La paix des sexes", où elle insiste sur l'importance de la présomption d'innocence et de s'en remettre au droit.

"Aujourd'hui, nous, les femmes, avons les moyens de notre égalité dans la loi. Partout où le sexisme existe, la loi est contournée. Nous avons un recours, une boîte à outils, ce sont nos lois et nous devons revendiquer nos droits. Ce combat pour l'égalité ne peut être gagné que collectivement", estime Tristane Banon.

Son ouvrage sort alors que, dans les médias, les témoignages de victimes présumées se succèdent contre l'ancien ministre français Nicolas Hulot ou l'ex-présentateur de TF1 Patrick Poivre-d'Arvor, mis en cause par trois femmes supplémentaires cette semaine.

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Deux visions du féminisme

Ouvertement féministe, Tristane Banon s'oppose à une vision plus extrême du mouvement. "Il y a très clairement une sorte de rétablissement de tranchée, d'opposition entre les hommes et les femmes. Une minorité fait beaucoup de bruit, parle de l'homme comme d'un ennemi héréditaire et parle de la femme comme d'une victime héréditaire."

Et la Parisienne d'exemplifier: "Elles cherchent dans chaque moment de nos vies quotidiennes tous les éléments qui pourraient accréditer cette thèse-là de façon dogmatique. Ça pourrait être la galanterie, l'écriture. On se retrouve avec un combat du point médian qui me dérange. La fraternité me concerne, les droits de l'homme me concernent", détaille l'écrivaine.

Sur l'antenne de la RTS, Tristane Banon dévoile avoir mis plus de 13 ans pour en finir avec son statut de victime. "Quand j'entends certaines voix néo-féministes extrêmement radicales héroïser la position victimaire, il y a quelque chose qui me dérange. Etre victime, ce n'est pas un statut social, c'est un état de fait, un accident de parcours, dont il faut vouloir sortir du mieux possible."

Sujet et interview TV: Tamara Muncanovic et Jennifer Covo

Adaptation web: Jérémie Favre

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