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Turquie: voile à l'université légalisé

Des milliers de Turcs s'étaient opposés à la décision du gouvernement.
Samedi, une vaste manifestation s'est tenue à Ankara contre le projet
Le Parlement turc a adopté dans la nuit de mercredi à jeudi un amendement constitutionnel autorisant le port du voile dans les universités. Cette mesure divise la Turquie musulmane, mais strictement laïque.

Au terme d'une série de votes, les amendements proposés ont
largement obtenu la majorité des deux-tiers des voix requise pour
une modification de la Constitution. Le débat marathon et
particulièrement houleux aura duré plus de treize heures.

L'article clé du projet déclare notamment que «personne ne peut
être privé de son droit à l'éducation supérieure», allusion aux
jeunes femmes voilées. Aussi dans les écoles ? Un deuxième tour de
vote est prévu samedi pour finaliser l'ensemble de la révision
proposée par le parti issu du mouvement islamiste au pouvoir AKP et
un parti d'opposition nationaliste MHP.



Le projet a soulevé une levée de boucliers des milieux laïcs et de
l'opposition social-démocrate. Ceux-ci affirment que le projet
érode les principes laïcs de la Turquie et qu'il risque d'entraîner
l'accès des femmes voilées à la fonction publique et aux écoles,
strictement interdite actuellement.

Discriminées

Le gouvernement du Parti de la Justice et du développement (AKP)
assure défendre la liberté individuelle des étudiantes musulmanes
et estime que cette réforme s'inscrit dans le processus d'adhésion
à l'Union européenne (UE). La révision devrait mettre fin à une
jurisprudence obligeant les étudiantes à se dévoiler.



Le camp pro-laïc - l'armée, la magistrature et l'administration
universitaire - perçoit le foulard comme le symbole de l'islam
politique, dans ce pays au régime laïque mais dont la population
est musulmane à 99 %. Le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan, un
ancien islamiste, a assuré que le projet ne visait qu'à permettre
«aux filles de ne plus attendre devant les portes des
universités».



Nombre de Turques ont cessé de fréquenter les universités après
l'extension aux facultés, en 1989, de cette interdiction. Devant la
Cour constitutionnelle L'amendement doit encore être approuvé par
le chef de l'Etat, Abdullah Gül, un ancien poids lourd de l'AKP,
dont la femme se couvre également la tête et qui avait milité en
faveur de l'abolition de cette interdiction.

Manif monstre samedi

Plus de 100'000 personnes avaient manifesté samedi à Ankara
contre ce projet de levée de l'interdiction du voile islamique dans
les universités. Les manifestants étaient réunis à l'appel de 35
associations, dont plusieurs associations féministes.



ats/tac

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Universités et milieux religieux opposés

Le parti d'opposition CHP (Parti républicain du peuple), pour qui «le projet défie la République laïque», a annoncé qu'il saisira la Cour constitutionnelle pour le stopper, après sa ratification par M. Gül. «L'objectif c'est d'éroder la laïcité», a lancé devant les députés Kemal Anadol, vice-président du groupe parlementaire du CHP.

Pour les laïcs, l'acceptation du foulard sur le campus risque d'accentuer la pression des religieux sur les femmes. Ils redoutent ainsi que «la pression du quartier» ne pousse les étudiantes non voilées à se couvrir.

Nur Serter, parlementaire CHP, a accusé l'AKP de vouloir «exploiter» les sentiments religieux pour des visées électorales, notamment lors des élections municipales prévues en 2009 et de faire de la Turquie «un Etat islamique».

Les recteurs d'universités se sont aussi élevés contre le projet. Celui-ci ne satisfait pas davantage les milieux religieux car les critères sur le type de foulard autorisé (le fichu traditionnel noué sous le menton, et non le foulard enveloppant la tête et couvrant le cou, le «turban») impliquent l'exclusion des femmes qui ne porteront pas celui préconisé.