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L’Union européenne distingue Handicap International pour ses projets révolutionnaires

Handicap International (HI) l’affirme: l’impression 3D et les drones révolutionnent l’aide humanitaire. L’Union européenne (UE) est de cet avis puisqu’elle lui a décerné, le 24 septembre dernier, son Prix Horizon, dans deux domaines: pour son projet pilote de téléréadaptation par vidéo avec l’impression de prothèses 3D et pour le projet Odyssey 2025 d’utilisation des drones en soutien aux opérations de déminage. La physiothérapeute Rana Abdel Al est une experte en réadaptation fonctionnelle au Liban. Elle était de passage à Genève et elle souligne l’impact de ces deux distinctions européennes. Elle évoque aussi bien sûr la situation catastrophique que vivent les habitants du Pays du Cèdre, où elle travaille depuis plus de dix ans.

Par Luisa Ballin

Handicap International est présente au Liban depuis 1992 dans les camps de réfugiés palestiniens pour la réhabilitation et promotion des droits des personnes handicapées et pour des opérations de déminage au nord. Depuis 2011, HI soutient également les réfugiés syriens et la communauté libanaise affectée par la guerre en Syrie. Quels défis devez-vous relever au Liban, pays où vous êtes basée ?

La situation économique et politique était déjà compliquée. Et à cela s’ajoutent les conséquences de l’explosion du mois d’août et les effets de la pandémie de Covid-19. La crise économique affecte non seulement les Libanais mais aussi les réfugiés qui vivent au Liban : les Syriens, les Palestiniens et les citoyens venant d’autres pays. Beaucoup ne peuvent pas subvenir à leurs besoins élémentaires, que ce soit la nourriture ou l’accès aux centres de réhabilitation. Handicap International apporte des soins d’urgence, fournit des prothèses et des fauteuils roulants fonctionnels. Elle fournit aussi des aides psychologiques et des soins de réadaptation.

Combien de personnes soutenez-vous au Liban ?

Le portrait de Rana Abdel Al, physiothérapeute pour Handicap International au Liban. [DR - Nicolas Cleuet]
Rana Abdel Al. [DR - Nicolas Cleuet]

Pour ce qui est du projet d’éducation dont je m’occupe, nous aidons environ 600 enfants, âgés entre 4 et 17 ans. Nous leur assurons des programmes de réhabilitation physique, des conseils et un suivi psychologique. Mais nous venons aussi en aide à des personnes de tous âges, grâce à nos donateurs et au travail des physiothérapeutes. Certaines personnes porteuses de handicap souffrent d’exclusion. Malheureusement, toutes les personnes qui en ont besoin n’ont pas accès à des séances de réhabilitation car elles sont longues et parfois coûteuses.

Travaillez-vous avec des organisations internationales ?

Nous avons un projet d'éducation financé par l’UNICEF. Handicap International fournit l'évaluation physique et les dispositifs d'assistance et nous indiquons à l’UNICEF les données des enfants afin qu’ils puissent bénéficier de ce programme d’enseignement. Après l’explosion, nous avons réorienté nos activités pour nous concentrer sur l’aide d’urgence. Nous avons également, en collaboration avec l’UNICEF, un programme d’éducation en ligne destiné aux enfants afin qu’ils puissent continuer leur programme d’apprentissage. Nous proposons aussi un programme pour les enseignants.

Ces deux prix que l’Union européenne vous attribue, est-ce important pour Handicap International ?

C’est très fort en termes d’image et cela donne à Handicap International une grande crédibilité auprès des bailleurs de fonds institutionnels. L’UE nous récompense pour deux projets d’innovation sur les cinq catégories du Prix Horizon. Cette double distinction nous donne aussi un élan pour continuer de mener à bien des projets sur lesquels nous avons commencé à travailler un peu seuls et sans publicité. Cela nous conforte dans notre choix de développer ces nouvelles techniques dans deux domaines prioritaires : la réhabilitation et le déminage. Handicap International fait partie des organisations qui ont inventé le déminage humanitaire en 1992-93. Nous avions mis en place ce programme de réadaptation au Cambodge.

L'impression en 3D d'une prothèse. [Handicap International - X Olleros]
L'impression en 3D d'une prothèse. [Handicap International - X Olleros]

HI a été colauréate du Prix Nobel de la Paix 1997 en tant que membre fondateur de la Campagne internationale pour interdire les mines antipersonnel. Par la suite, comment avez-vous obtenu les fonds pour financer les deux projets primés par l’Union européenne ?

Il ne s’agit pas toujours de projets coûteux car nous n’utilisons pas les technologies les plus avancées. Nous recherchons des technologies ayant une très grande adaptabilité car nous intervenons dans des pays qui ont peu de moyens. Nous utilisons par exemple des drones grand public qui ne sont pas chers et que l’on peut acquérir facilement. La formation n’est pas très compliquée. La méthodologie que nous mettons en place doit tenir compte du terrain assez particulier, comme au Tchad, où la chaleur est intense. Un drone coûte une cinquantaine de francs. Pour ce qui est des imprimantes 3D, comme celles que nous avons en Ouganda, elles coûtent 3'700 francs la petite et 6’000 francs la grande. La moyenne pour une imprimante professionnelle comme celles que nous utilisons est de 6'500 francs. L’imprimante 3D est accessible, efficace et simple d’utilisation. Cette technologie nous permet aussi d’atteindre des personnes dans des zones reculées ou en conflit, des gens auxquels nous n’avions pas accès avant.

Qu’en est-il pour le déminage ?

Un drone aide au déminage au Tchad. [Handicap International - John Fardoulis]
Un drone aide au déminage au Tchad. [Handicap International - John Fardoulis]

Dans le déminage, vous avez des protocoles internationaux très précis et très rigoureux pour des raisons de sécurité, comme pour le nucléaire. Handicap International est la première organisation à avoir inclus l’utilisation de drones dans des protocoles. C’est très technique, cela ne parle pas nécessairement au grand public, mais c’est une révolution. Nous rédigeons des directives opérationnelles pour les démineurs qui sont en intervention sur le terrain et nous avons inclus les drones.

Comment entendez-vous étendre ce projet pilote ?

Notre but est de généraliser les techniques de réadaptation dans des zones qui étaient jusqu’ici inaccessibles. Un handicap permanent est un facteur d’exclusion. Nous le constatons dans les communautés où nous travaillons, où de nombreux métiers sont manuels. Ce travail de réhabilitation permet de réinsérer des personnes professionnellement et socialement. Dans de nombreux pays, y compris en France ou en Suisse, les villes ne sont pas toujours adaptées aux besoins des personnes porteuses de handicap.

La Suisse soutient-elle vos projets ?

Oui, la Suisse fait partie de nos donateurs. La DDC, la Direction du développement et de la coopération, nous soutient financièrement sur le terrain. Le double prix de l’Union européenne est une marque de confiance d’un bailleur de fonds important et cela donne confiance à tous ceux qui nous soutiennent. Je pense au gouvernement belge qui a financé le projet des drones et qui nous a laissé une grande liberté pour la recherche et sa mise en œuvre.

>> Le site de Handicap International:  https://handicap-international.ch/fr/index

Pour consulter la lettre:

La lettre internationale de Genève Vision du 3 octobre

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