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Le président du Mali "démissionne" après avoir été arrêté par des militaires

Chute du président Ibrahim Boubacar Keïta au Mali. Les militaires veulent mettre en place une "transition politique civile".
Chute du président Ibrahim Boubacar Keïta au Mali. Les militaires veulent mettre en place une "transition politique civile". / 12h45 / 1 min. / le 19 août 2020
Contesté dans la rue depuis plusieurs semaines, le président malien Ibrahim Boubacar Keïta a été renversé mardi par un coup d'Etat militaire après une mutinerie acclamée par des manifestants.

Il s'agit d'une nouvelle crise dans un pays plongé dans la tourmente djihadiste. Dans une déclaration télévisée dans la nuit de mardi à mercredi, le président Keïta, arrêté quelques heures plus tôt par des militaires, a annoncé sa démission, la dissolution du gouvernement et celle de l'Assemblée nationale.

"Je voudrais à ce moment précis, tout en remerciant le peuple malien de son accompagnement au long de ces longues années et la chaleur de son affection, vous dire ma décision de quitter mes fonctions, toutes mes fonctions, à partir de ce moment", a dit le président Keïta dans une allocution diffusée par la télévision nationale ORTM. "Et avec toutes les conséquences de droit: la dissolution de l'Assemblée nationale et celle du gouvernement", a-t-il ajouté.

Elections générales

Les militaires qui ont pris le pouvoir ont affirmé vouloir mettre en place une "transition politique civile" devant conduire à des élections générales dans un "délai raisonnable"

Les hommes en uniformes sont apparus sur la chaîne publique ORTM. "Nous, forces patriotiques regroupées au sein du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), avons décidé de prendre nos responsabilités devant le peuple et devant l'histoire", a déclaré celui qui a été présenté comme le porte-parole des militaires, le colonel-major Ismaël Wagué, chef d'état-major adjoint de l'armée de l'air.

Action des "putschistes" condamnée

L'organisation régionale de l'Afrique de l'Ouest, la Cédéao, a condamné l'action de "militaires putschistes" et a pris une série de mesures d'effet immédiat pour isoler le Mali.

L'action des mutins a aussi suscité des protestations de l'Union africaine, de l'ONU, de l'Union européenne et de la France, dont 5100 militaires sont déployés au Sahel, en particulier au Mali, dans le cadre de l'opération antidjihadiste Barkhane.

Président et Premier ministre arrêtés

La mutinerie a éclaté mardi matin dans la garnison militaire de Kati, près de Bamako. Des soldats ont ensuite fraternisé avec des manifestants qui réclament depuis des mois la démission du président, puis ils ont arrêté à Bamako le président Keïta et son Premier ministre Boubou Cissé.

"Nous pouvons vous dire que le président et le Premier ministre sont sous notre contrôle. Nous les avons arrêtés chez lui", au domicile du président à Bamako, a déclaré à l'AFP un des chefs de la mutinerie, qui a requis l'anonymat.

Le directeur de la communication du chef du gouvernement, Boubou Doucouré, l'a confirmé. Le président et le Premier ministre "ont été conduits par les militaires révoltés dans des véhicules blindés à Kati", où se trouve le camp Soundiata Keïta, à une quinzaine de kilomètres de Bamako.

Grave crise

Le Mali est confronté depuis des mois à une grave crise socio-politique qui préoccupe la communauté internationale. Une coalition hétéroclite d'opposants politiques, de guides religieux et de membres de la société civile a multiplié les manifestations pour réclamer le départ du président Keïta, accusé de mauvaise gestion.

Le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des Forces patriotiques du Mali (M5-RFP), qui mène la contestation, avait refusé jeudi dernier une rencontre avec le président Keïta, fixant notamment comme préalable la fin de la "répression" contre ses militants. Le week-end du 10 juillet, une manifestation à l'appel du Mouvement du 5 juin avait dégénéré en trois jours de troubles meurtriers.

afp/jpr

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L'UE dénonce une "tentative de coup d'Etat"

Le chef de la diplomatie de l'Union européenne Josep Borrell a "condamné" mardi soir ce qu'il appelle "la tentative de coup d'Etat en cours au Mali".

"L'Union européenne rejette tout changement anti-constitutionnel. Ceci ne peut en aucun cas être une réponse à la profonde crise socio-politique qui frappe le Mali depuis plusieurs mois", ajoute-t-il.

De son côté, le président de la Commission de l'Union africaine (UA), Moussa Faki Mahamat, a condamné "énergiquement" l'arrestation du président Ibrahim Boubacar Keïta et de son Premier ministre.

La Communauté des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao), médiatrice au Mali, avait dit plus tôt dans un communiqué suivre "avec une grande préoccupation" la situation, "avec une mutinerie déclenchée dans un contexte sociopolitique déjà très complexe".

Inquiets également, les Etats-Unis ont souligné par la voix de leur émissaire pour le Sahel, Peter Pham, qu'ils "s'opposent" à tout changement de gouvernement en dehors du cadre légal, "que ce soit par ceux qui sont dans la rue ou par les forces de défense et de sécurité".

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a demandé la "libération immédiate et sans conditions" du président Ibrahim Boubacar Keïta, selon son porte-parole. Il a appelé "au rétablissement immédiat de l'ordre constitutionnel et de l'Etat de droit au Mali".

Le Conseil de sécurité de l'ONU a annoncé une réunion d'urgence à huis clos dans l'après-midi de mercredi, à la demande de la France et du Niger.

Emmanuel Macron soutient la médiation

Le président français Emmanuel Macron s'est entretenu de la crise qui s'est déclenchée au Mali avec ses homologues nigérien Mahamadou Issoufou, ivoirien Alassane Ouattara et sénégalais Macky Sall, et il a exprimé "son plein soutien aux efforts de médiation en cours des Etats d'Afrique de l'Ouest.

Le chef de l'Etat "suit attentivement la situation et condamne la tentative de mutinerie en cours", a ajouté la présidence française.

Un peu plus tôt, le chef de la diplomatie française Jean-Yves Le Drian avait dit que la France condamnait "avec la plus grande fermeté" la "mutinerie", en appelant les militaires à "regagner sans délai leurs casernes".