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Manifestation de vétérans de l'UCK au Kosovo pour défendre le président

Le président du Kosovo Hashim Thaci lors d'une allocution télévisée, le 29 juin 2020. [AFP - Armend Nimani]
Manifestation de vétérans de l'UCK au Kosovo pour défendre le président / Le 12h30 / 2 min. / le 9 juillet 2020
Au Kosovo, les vétérans de l'UCK organisent jeudi une manifestation dans la capitale Pristina pour défendre l'honneur de la guérilla qui avait contribué en 1999 à chasser les forces serbes de Slobodan Milosevic du Kosovo, et mené à l'indépendance du pays en 2008.

Cette mobilisation intervient après l'inculpation, pour l'instant conditionnelle, du président et ancien chef de guerre Hashim Thaci, et de 10 autres responsables de la guérilla UCK, pour crimes de guerre.

Au Kosovo, où les forces serbes ont commis de nombreux massacres et exactions, le sujet des crimes commis par la partie albanaise reste un tabou.

>> Lire : Le président du Kosovo Hashim Thaci accusé de crimes de guerre

L'inculpation d'Hashim Thaci rencontre l'incompréhension parmi la population albanaise du Kosovo. Dans un pays où, 21 ans après la guerre, les relations interethniques sont toujours mauvaises, les albanophones perçoivent la guerre contre la Serbie comme une lutte de libération et acceptent difficilement que ceux qui se sont battus contre les Serbes puissent être jugés à leur tour.

Choc dans les familles victimes

Le cimetière des victimes civiles de FusheKosove compte 122 tombes. Toute une rangée, 16 en tout, portent le patronyme Mirena. C'est la famille de Sherife Mirena, exécutée par la police serbe pendant la guerre. Mais aujourd'hui, c'est le président du Kosovo et ancien commandant de la guérilla UCK Hashim Thaci que la justice internationale soupçonne de crimes de guerre.

Pour Sherife, l'UCK a protégé les civils comme elle a pu. Cette inculpation est un choc. "Ils sont venus de Serbie armés avec des tanks, ils ont commis des meurtres, des mauvais traitements, des viols et je ne pense pas qu'il soit juste de faire pression sur le Kosovo pour ce tribunal spécial", fait valoir ce survivant de la guerre.

Pour les Albanais du Kosovo, les crimes étaient le fait des forces serbes. L'association des vétérans de l'UCK estime qu'inculper le président revient à inculper tous les anciens combattants. Le vice-président de l'association Nasim Haradinaj met également en cause l'intégrité du procureur international.

Divisions ethniques toujours fortes

"Ce tribunal, qui a été créé il y a cinq ans, était initialement censé être un tribunal qui révélera tous les crimes présumés. Mais cela ne s'est pas passé ainsi, car cela a été transformé en un tribunal partial, raciste et mono-ethnique", dénonce Nasim Haradinaj.

Les divisions ethniques sont toujours fortes au Kosovo et 31 incidents contre la minorité serbe ont eu lieu depuis janvier: incendie de maisons, passages à tabac, vols, vandalisme. Les auteurs sont rarement retrouvés.

Pour Miodrag Milicevic, directeur de l'ONG serbe Aktiv, il n'y a pas de dialogue au niveau local. "Aujourd'hui, on en est encore à parler des divisions ethniques et ce n'est vraiment pas rassurant", regrette-t-il. "Sur ce point, la majorité albanaise de la population a la responsabilité de créer les conditions de sécurité nécessaires à une vie quotidienne normale", estime-t-il.

La justice pour tous

Si des crimes ont peut-être été commis par des Albanais, estime l'analyste politique Visar Ymeri, la guérilla n'est pas automatiquement responsable. Pour lui, le temps est venu de regarder cette page d'histoire en face.

"Pour créer une société qui fonctionne, basée sur le principe d'égalité entre les citoyens, il nous faut accepter le fait que cela ne sera pas possible si on ne rend pas la justice pour toutes les victimes au Kosovo, quel que soit leur groupe ethnique ou leur appartenance politique", conclut-il.

>> Ecouter aussi l'analyse de Laurent Rouy, correspondant de RTSinfo à Belgrade :

Le président kosovar Hashim Thaçi, accusé de crimes graves, a vécu en Suisse. Un pays qui a joué majeur pour le Kosovo.
Le tabou au Kosovo des crimes de guerre commis par la partie albanaise: interview de Laurent Rouy / Le 12h30 / 3 min. / le 9 juillet 2020

Laurent Rouy/kkub

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