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Sarah Hegazi, martyre égyptienne du mouvement LGBTQIA+

La chronique photo de Cédrine Vergain: le sourire de Sara Hegazy, martyre égyptienne du mouvement LGBT
La chronique photo de Cédrine Vergain: le sourire de Sara Hegazi, martyre égyptienne du mouvement LGBT / 19h30 / 2 min. / le 19 juin 2020
La militante homosexuelle Sarah Hegazi a été retrouvée morte chez elle le 13 juin à Toronto. Elle s'était réfugiée au Canada après avoir été torturée en Égypte. Elle s'est donné la mort à 30 ans.

Sarah Hegazi avait brandi le drapeau arc-en-ciel de la communauté LGBTQIA+ lors d'un concert du groupe libanais de rock alternatif Mashrou'Leila au Caire le 22 septembre 2017.

Des musiciens qui aiment traiter de thèmes satiriques dans leurs morceaux, mais aussi parler de libertés individuelles, de sexualité, d'alcool, des aspirations et des revendications de la jeunesse et du Printemps arabe. Son chanteur, Hamed Sinno, est ouvertement gay.

Un ami prend la photo de la jeune femme dans la foule, joyeuse, libre d'afficher son homosexualité. Heureuse. Ensemble, ils la postent sur les réseaux sociaux. Puis tout bascule.

La torture puis l'exil

L'Egypte n'interdit pas formellement l'homosexualité, mais elle y est passible de lourdes peines de prison pour "débauche" et "incitation à la débauche". C'est un blasphème.

Sarah est arrêtée une semaine après le concert avec une douzaine d'autres personnes, mais elle est la seule femme. Emprisonnée pendant trois longs mois, elle est torturée par le régime d'Abdel Fattah al-Sissi, notamment avec des décharges électriques. Puis elle est libérée sous caution.

Comme Sarah craint de nouvelles persécutions, voire la mort, elle choisit l'exil à Toronto. Mais elle peine à mettre derrière elle son expérience traumatisante: "Je n'ai pas oublié l'injustice qui m'a creusé un trou noir dans l'âme et l'a laissé saigner, une plaie que les médecins n'ont pas encore pu guérir", écrira la jeune femme.

"Sa vie était marquée par les cauchemars, la dépression et les attaques de panique. Elle souffrait aussi énormément de solitude", note Radio Canada dans un article qui lui est consacré. Elle souhaitait retourner en Egypte, pour être près des siens et "continuer à se battre contre la discrimination, l'impérialisme occidental et le capitalisme", affirme le site.

Selon le quotidien Libération, Sarah avait cofondé le parti "Pain et Liberté" et se mobilisait pour les droits de l'Homme en Egypte, mais aussi contre les atrocités commises en Syrie.

Samedi dernier, Sarah Hegazi a laissé un dernier mot manuscrit en arabe avant de se donner la mort:

"A mes frères et sœurs:
J'ai essayé de trouver le salut… mais j'ai échoué; pardonnez-moi,

A mes amis:
L'épreuve est dure et je suis trop faible pour l'affronter; pardonnez-moi,

Au monde:
Tu as été extrêmement cruel mais je te pardonne".

Amr Magdi, chercheur pour la division Moyen-Orient et Afrique du Nord à l'ONG Human Rights Watch, a rendu hommage à la militante en proclamant sur son compte Twitter: "Nous ne nous soumettrons jamais. Nous n'oublierons jamais".

Depuis dimanche, la photo et le sourire de Sarah Hegazi font le tour du monde. Et en écho, le rappel qu'en Egypte, la répression se poursuit inexorablement.

Aujourd'hui encore, selon Human Rights Watch, des centaines de personnes sont détenues dans le pays sur la seule base de leur orientation ou de leur identité sexuelle.

Sujet télévisé: Cédrinne Vergain
Article web: Stéphanie Jaquet

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