Publié

Bolton accuse Trump d'avoir cherché l'aide de la Chine pour sa réélection

Dans son livre à paraître, John Bolton accuse Donald Trump d'avoir cherché l'aide de  Xi jinping pour sa réélection. Image datée de mai 2018. [Keystone/EPA - Andrew Harrer]
John Bolton accuse le président américain d'avoir cherché l'aide de la Chine pour gagner sa réélection en novembre / La Matinale / 2 min. / le 18 juin 2020
L'ex-conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, John Bolton, accuse le président américain d'avoir cherché l'aide de la Chine pour gagner sa réélection en novembre, selon des extraits explosifs d'un livre à paraître, publiés par des médias américains mercredi. Le président américain dénonce de son côté "un tissu de mensonges."

"J'ai du mal à trouver une seule décision importante de Trump, pendant la durée de mes fonctions, qui n'ait pas été guidée par un calcul en vue de sa réélection", écrit John Bolton, l'accusant de confondre "ses propres intérêts politiques et l'intérêt national américain". Et il le prouve tout au long de son ouvrage.

L'ex-conseiller raconte que lors d'une rencontre en marge du sommet du G20 à Osaka, en juin 2019, Donald Trump avait "détourné la conversation sur la prochaine élection présidentielle, en faisant allusion à la capacité économique de la Chine et en plaidant auprès de Xi Jinping pour qu'il fasse en sorte qu'il l'emporte" (lire encadré), selon des extraits publiés par le Wall Street Journal, le New York Times et le Washington Post.

Le président américain "a souligné l'importance des agriculteurs et de l'augmentation des achats chinois de soja et de blé sur le résultat de l'élection", affirme John Bolton dans son livre intitulé "The Room Where It Happened, A White House Memoir". Pour John Bolton, ceci confirme "un comportement fondamentalement inacceptable qui érode la légitimité même de la présidence".

"Vous êtes le plus grand dirigeant chinois depuis 300 ans": d'après le livre, Donald Trump n'a jamais été avare de louanges à l'égard de Xi Jinping – jusqu'à l'arrivée du coronavirus.

Ce flirt avec un rival considéré par son propre camp républicain comme un autocrate s'ajoute, selon John Bolton, à un désintérêt marqué pour la défense des droits humains.

Le livre de John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, est intitulé "The Room Where It Happened, A White House Memoir". Il doit être publié le 23 juin 2020. [Barnes & Noble]
Le livre de John Bolton, ex-conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, est intitulé "The Room Where It Happened, A White House Memoir". Il doit être publié le 23 juin 2020. [Barnes & Noble]

Durant cette même rencontre de juin 2019 avec le président chinois, Donald Trump a donné son approbation à la construction de camps pour un million de musulmans ouïghours dans le Xinjiang. "Selon notre interprète", écrit John Bolton, "Trump a dit à Xi qu'il devrait poursuivre la construction des camps, car il pensait que c'était exactement la bonne chose à faire".

Incohérent, fébrile, hésitant, futile

Cet ouvrage fait souffler un vent de panique à la Maison Blanche où John Bolton a passé 453 jours... dix-sept mois.

Selon le Washington Post, le livre dresse le portrait d'un commandant en chef "incohérent" et "non informé de manière à vous couper le souffle". L'ex-conseiller à la sécurité nationale se souvient que le président a un jour demandé à John Kelly (ndlr. alors secrétaire à la Sécurité intérieure des États-Unis) si la Finlande faisait partie de la Russie. Un autre jour, il s'étonne que le Royaume-Uni soit une puissance nucléaire.

Malgré toutes ses fanfaronnades publiques, John Bolton décrit Donald Trump comme étant "souvent incertain, fébrile et hésitant lors de choix politiques difficiles". Le président est aussi portraituré comme étant obnubilé par des détails futiles plutôt que par la stratégie de long terme.

Ainsi, alors que le rapprochement avec la Corée du Nord battait déjà de l'aile après son sommet historique de 2018 avec le dirigeant nord-coréen, l'ex-homme d'affaires a eu selon lui "pendant plusieurs mois une grande priorité": s'assurer que Kim Jong Un reçoive bien en cadeau de sa part un CD dédicacé de la chanson "Rocket Man" d'Elton John – un clin d'œil au sobriquet employé par Donald Trump au plus fort des tensions avec Pyongyang, un an plus tôt.

Fuites dans la presse

Les fuites dans la presse (lire encadré) surviennent au lendemain de l'annonce d'une action en justice de l'administration Trump pour tenter de bloquer la parution des 592 pages prévue le 23 juin.

Comme le veut la procédure, lorsque des informations couvertes par le secret peuvent être en jeu, le manuscrit a été transmis à la Maison Blanche pour validation.

>> Lire : Le gouvernement américain veut bloquer la parution du livre de John Bolton

Par ailleurs, le mémoire de John Bolton rappelle tout le dédain que l'occupant du bureau ovale porte à la presse. Il a même des propos violents à l'égard des journalistes: "Ces gens devraient être exécutés. Ce sont des ordures", lâche-t-il un jour, selon le livre.

Limogé en septembre dernier

Le président américain a brutalement limogé le 10 septembre dernier celui qui était alors l'un de ses principaux conseillers sur fond de désaccords sur la gestion de plusieurs dossiers comme la Corée du Nord, l'Iran, l'Afghanistan et la Russie.

>> Lire : Donald Trump limoge son conseiller à la sécurité nationale John Bolton

John Bolton a dit avoir des informations sur les interactions de Donald Trump avec l'Ukraine l'été dernier, quand les démocrates ont accusé le locataire républicain de la Maison Blanche d'avoir tenté d'obtenir de l'Ukraine l'ouverture d'une enquête contre Joe Biden, favori de la course à l'investiture démocrate pour l'élection présidentielle de novembre – et devenu de fait, depuis lors, le candidat démocrate.

John Bolton a refusé de témoigner sous serment devant la Chambre des représentants lors de la procédure de destitution. Les démocrates dénoncent la position confortable d'un conseiller qui est resté muet tant qu'il disposait d'un poste avantageux...

"Quel crétin!"

Sans surprise, le locataire de la Maison Blanche a dénoncé sur Twitter un "tissu de mensonges" et "de fausses histoires", en expliquant que John Bolton ne disait "que du bien de lui" avant d'être licencié.

"Un ennuyeux imbécile mécontent qui voulait seulement aller à la guerre et qui a heureusement été jeté. Quel crétin!", a encore ajouté Donald Trump.

Avocat de formation, John Bolton est un républicain très conservateur qui est l'un des défenseurs du concept de "guerre préventive". En 2003, il a ainsi été l'un des fervents partisans de la guerre en Irak.

Il a servi les présidents Ronald Reagan, George Bush et George W. Bush; de 2005 à 2006, il fut ambassadeur des Etats-Unis auprès des Nations unies.

John Bolton et Donald Trump sont unis par un fervent souverainisme et une détestation commune du multilatéralisme. Chroniqueur sur la chaîne Fox News prisée du président, le faucon a fini par décrocher le poste stratégique dont il rêvait, conseiller à la sécurité nationale: il le sera d'avril 2018 à septembre 2019.

Des extraits d'une interview exclusive que John Bolton a accordée à la chaîne de télévision ABC, ont déjà été diffusés. Et l'homme de 71 ans y est très clair au sujet de l'actuel locataire de la Maison Blanche: "Je ne pense pas qu'il soit apte à la fonction. Je ne pense pas qu'il ait les compétences pour exercer ce poste". L'intégralité de l'entretien sera diffusé dimanche soir aux Etats-Unis.

>> Ecouter le papier de Tout un monde :

Duel judiciaire autour d'un livre critique sur le président américain entre Donald Trump et son ex-conseiller à la sécurité nationale John Bolton. [Jonathan Drake]Jonathan Drake
John Bolton accuse Donald Trump d'avoir demandé de l'aide à la Chine pour être réélu / Tout un monde / 3 min. / le 18 juin 2020

Stéphanie Jaquet/agences/ther

Publié

Quand Mike Pompeo estimait que Trump "ne raconte que des conneries"

Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, qui affiche une loyauté à toute épreuve à l'égard de Donald Trump, s'est montré plus d'une fois critique dans son dos, allant jusqu'à l'accuser de ne dire "que des conneries", rapporte l'ex-conseiller présidentiel John Bolton dans son livre.

L'épisode décrit remonte au premier sommet entre le président des Etats-Unis et le dirigeant nord-coréen Kim Jong Un, en 2018 à Singapour.

A un moment de cette rencontre historique, Mike Pompeo fait passer à John Bolton, alors conseiller à la sécurité nationale de Donald Trump, une petite note se moquant du milliardaire républicain: "Il ne raconte que des conneries" ("He is so full of shit", en anglais), glissait-il, selon un extrait publié par le New York Times.

Un mois plus tard, selon le conseiller limogé en septembre dernier, le chef de la diplomatie américaine étrillait la stratégie de rapprochement avec la Corée du Nord, qu'il n'a eu de cesse de défendre en public, estimant qu'elle n'avait "aucune chance de réussir".

Et juste avant le sommet de Singapour, après avoir écouté une conversation téléphonique entre Donald Trump et son homologue sud-coréen, Mike Pompeo avait déjà dit à l'auteur du livre avoir "failli avoir un arrêt cardiaque" à cause des propos présidentiels.

Selon le Washington Post, John Bolton assure par ailleurs que le secrétaire d'Etat fait partie des hauts responsables qui ont envisagé de démissionner. Il s'est par moments montré "furieux" de voir le gendre et conseiller du président, Jared Kushner, empiéter sur ses plates-bandes diplomatiques.

C'est la première fois que des propos critiques de Mike Pompeo sur l'hôte de la Maison Blanche filtrent aussi clairement.

afp/sjaq

La Chine verrait d'un bon œil un second mandat de Donald Trump

Malgré les attaques répétées de l'actuel locataire de la Maison Blanche, les dirigeants chinois sont conscients d'une réalité: le sentiment antichinois aux Etats-Unis est désormais profondément ancré. Démocrates et républicains partagent un profond agacement à l'égard de Pékin, accusé d'avoir failli à ses promesses d'ouverture et de libéralisation.

En janvier dernier, un ancien conseiller du parti communiste s'était confié à la RTS sous couvert d'anonymat. Il affirmait à l'époque que des proches de Xi Jinping souhaiteraient ardemment une réélection du président sortant: "Trump est avant tout un homme d'affaires, ce n'est pas un politicien. Il cherche à maximiser les résultats économiques […] mais je ne suis pas persuadé qu'il veuille à tout prix pousser en faveur de réformes de notre système en exigeant de profonds changements politiques."

Les démocrates "plus enclins à rester fidèles à leurs valeurs"

Le même expert mettait en outre en garde contre la victoire d'un candidat démocrate en novembre: "En cas d'élection, ils sont plus enclins à rester fidèles à leurs valeurs. Ils risqueraient d'exiger de vraies réformes du système chinois. C'est quelque chose que nous ne pouvons pas accepter. Si les démocrates étaient élus, ce ne serait pas bon du tout pour les relations entre la Chine et les Etats-Unis".

Ces relations, au plus mal depuis des décennies, resteront tendues quel que soit le candidat élu… En effet, rares sont ceux qui envisagent une embellie à venir entre les deux superpuissances. Au contraire, la rivalité devrait s'accentuer davantage. Dans ce contexte, Donald Trump serait considéré comme un moindre mal en Chine.

D'autant plus qu'il divise et affaiblit les alliances traditionnelles des Etats-Unis – avec l'Europe ou au sein de l'OTAN par exemple, ce qui n'est pas forcément pour déplaire à la Chine.

>> Ecouter les explications de Michael Peuker à Pékin: