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Il faut abolir le système de tutelle saoudien, "archaïque et discriminant"

Faisal Abbas, rédacteur en chef d’Arab News. [Sputnik/AFP - Sergey Pyatakov]
L'affaire Kashoggi et les critiques internationales vues par l'Arabie saoudite: interview de Faisal Abbas / Tout un monde / 5 min. / le 25 février 2019
Le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed Ben Salmane a terminé vendredi une tournée en Asie. L'occasion d'évoquer la lente et difficile évolution du royaume avec le journaliste saoudien Faisal Abbas.

Le voyage princier visait à montrer que Mohammed Ben Salmane - alias MBS - demeure un acteur-clé sur la scène diplomatique, cinq mois après l'affaire Kashoggi. L’ONU et plusieurs capitales ont accusé des officiels saoudiens d’être derrière le meurtre de l'éditorialiste saoudien en octobre dernier et ont même soupçonné le prince d’être lui-même impliqué.

Un événement troublant et sans précédent dans l’histoire saoudienne.

Faisal Abbas

Faisal Abbas est le rédacteur en chef d’Arab News, premier quotidien anglophone d’Arabie saoudite, où avait travaillé un temps Jamal Kashoggi. Son point de vue est donc celui d’un ancien collègue, mais aussi du chef d’un journal détenu par l'un des fils du roi Salmane. Dans un entretien accordé à la RTS lors du dernier Forum économique mondial de Davos (WEF), il livre son sentiment personnel sur cette affaire.

"Jamal était un collègue. Je connaissais personnellement sa famille. Ça a été un choc, un événement troublant et sans précédent dans l’histoire saoudienne", raconte-t-il. "C’est douloureux et je regrette que cette erreur ait été commise. Mais une enquête est en cours."

Ca ternit un peu l’image du pays mais (…) nous dépasserons ce triste événement.

Faisal Abbas

Le journaliste reconnaît cependant que l'affaire aura un impact sur l’image de l’Arabie saoudite, sur le plan international et régional. "Mais il n’y a pas un pays où ce genre de choses n’arrive pas", souligne-t-il. "La guerre, les erreurs, les mauvaises décisions… Tout cela arrive, ça ternit un peu l’image du pays mais si vous avez des bases solides, ça ne la détruit pas. Donc je suis confiant: la justice va faire son travail et nous dépasserons ce triste événement."

Faisal Abbas dit ne rien savoir de plus que ce qui a fuité via la CIA sur les responsabilités du gouvernement et de Mohammed Ben Salmane dans l’affaire Kashoggi. Il estime toutefois que les autorités n’ont pas assez communiqué sur cet assassinat, ce qui a "permis à des médias liés à la Turquie ou à des ennemis de l’Arabie saoudite d’exagérer cette affaire."

Le rédacteur en chef d’Arab News regrette que les Occidentaux s'attardent beaucoup - trop, selon lui - sur les événements qui écornent l’image du Royaume alors que les Saoudiens veulent plus d’ouverture et de réformes.

"Les traditions archaïques disparaissent peu à peu"

Le système de tutelle actuel "est un système archaïque et discriminant qui doit être aboli", reconnaît Faisal Abbas, "mais rien que de voir dire cela et de l’écrire en Arabie saoudite, c’est quelque chose de nouveau (…) Ce que j’écris aussi, c’est que personne ne va venir avec une baguette magique et l’abolir d’un coup. Par contre, chaque jour, ces traditions disparaissent peu à peu - comme avec l’autorisation de conduire pour les femmes ou, plus important maintenant les autoriser à travailler".

Ce qui est arrivé est très perturbant (…) mais ça ne définit pas les 30 millions de personnes qui vivent en Arabie Saoudite.

Faisal Abbas

"Je ne suis pas en train de dire que tout est parfait, ajoute le journaliste. Il y a des problèmes, et il y en aura encore, mais on aimerait vraiment que les gens regardent autant le positif que le négatif. Ce qui est arrivé à Jamal est très perturbant, la guerre au Yémen aussi, mais ça ne définit pas les 30 millions de personnes qui vivent en Arabie saoudite, ni notre longue histoire et notre culture."

Propos recueillis par Céline Tzaud/oang

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