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La Guinée enterre son "général-président"

Lansana Conté voulait aller jusqu'au bout de son mandat en 2010.
Lansana Conté voulait aller jusqu'au bout de son mandat en 2010.
Les funérailles du président guinéen Lansana Conté, décédé lundi à 74 ans après 24 ans d'un "règne" très contesté, se sont déroulées vendredi à Conakry en présence de plus de 30'000 personnes et de plusieurs chefs d'Etat de la région.

Plus de 30'000 personnes se sont rassemblées vendredi dans le
plus grand stade de Conakry pour un "hommage populaire" au
président Conté, ont constaté des journalistes de l'AFP. Le
cercueil est arrivé à la mi-journée et, à bord d'un véhicule, a
fait le tour du terrain du stade national, précédé par une
fanfare.



A l'intérieur du stade, la foule, debout, applaudissait au passage
de la dépouille. Le stade, qui compte 25'000 places, était
archi-comble, et plusieurs milliers de personnes massées à
l'extérieur ne pouvaient pas entrer.

Dans le même temps, la junte ayant pris le pouvoir mardi tentait
de convaincre la communauté internationale et les Guinéens du
bien-fondé de son action en mettant sur pied des "réunions
d'information".

Plusieurs présidents africains

Un peu plus tôt dans la journée, une cérémonie avait eu lieu au
Palais du peuple en présence de plusieurs milliers de personnes en
majorité vêtues de blanc en signe de deuil. Outre les dignitaires
du régime et de nombreux militaires, plusieurs opposants au
"général-président" et leaders syndicaux, qui l'avaient vivement
contesté ces dernières années, s'étaient joints à la cérémonie. En
revanche, le chef de la junte militaire de Guinée et président
autoproclamé, le capitaine Moussa Dadis Camara, n'était pas
visible.



Les présidents Laurent Gbagbo (Côte d'Ivoire), Joao Bernardo
Vieira (Guinée-Bissau), Ellen Johnson Sirleaf (Liberia) et Ernest
Bai Koroma (Sierra Leone) ainsi que le président de la Commission
de l'Union Africaine (UA) Jean Ping et son homologue de la
communauté économique des États de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO)
Ibn Chambas étaient également présents.



Deuxième président de Guinée, Lansana Conté était lui-même arrivé
au pouvoir par un coup d'Etat, en 1984, après la mort du "père de
l'indépendance" Ahmed Sékou Touré. Vendredi après-midi, le corps du
défunt devait être transporté par hélicoptère jusqu'au village de
Lansanaya, à 120 kilomètres au nord-ouest de Conakry, pour
l'inhumation.

La junte se veut rassurante

De son côté, après avoir conforté son pouvoir jeudi en obtenant
l'allégeance publique du gouvernement renversé, la junte a annoncé
l'organisation de "réunions d'information" samedi à Conakry. La
première devait réunir les "représentants de la société civile, des
partis politiques, des confessions religieuses et des centrales
syndicales".



La seconde réunion avait pour but "de rassurer la communauté
internationale", avec notamment les "représentants de la CEDEAO, de
l'Union africaine, de l'Union européenne, de l'ONU et les
ambassadeurs des pays du G8".



"La présence de tous est vivement souhaitée", a insisté la junte
au moment où la communauté internationale et l'opposition réclament
l'organisation d'élections avant le délai de deux ans fixé par les
putschistes. La France a souhaité vendredi que des élections aient
lieu "au premier semestre 2009".



afp/sbo

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Un quart de siècle de répression armée

Le "général-président" Lansana Conté s'est appuyé lors de ses 24 ans de pouvoir sur l'armée pour réprimer dans le sang une contestation grandissante, sourd à la détresse d'un peuple dont il affirmait vouloir "le bonheur".

Ce militaire de carrière avait été porté au pouvoir par le coup d'Etat du 3 avril 1984, une semaine après la mort du "père de l'indépendance" Ahmed Sékou Touré, suscitant un immense espoir après la dérive autoritaire de son prédécesseur, qui avait fait des dizaines de milliers de morts.

Son état de santé s'étant progressivement dégradé depuis 2002, il résidait souvent dans sa région natale au nord-ouest de Conakry, ne participait jamais aux réunions internationales, apparaissait très peu en public, mais affirmait vouloir rester au pouvoir jusqu'à la fin de son mandat, en 2010.

En 2007, de grandes manifestations hostiles au "système Conté" et aux "prédateurs de l'économie nationale" avaient été sévèrement réprimées: les ONG avaient dénombré 186 morts et 1200 blessés.

En novembre dernier, au moins quatre personnes avaient été tuées, selon Human Rights Watch, lors de manifestations dans la banlieue de Conakry où les forces de sécurité avaient parfois tiré à balles réelles.

Seul aspect positif de ce long règne, le général Conté a su maintenir la paix dans son pays alors que des guerres civiles ravageaient ses voisins, Liberia, Sierra-Leone, Guinée-Bissau et plus récemment la Côte d'Ivoire.

Soutien du Sénégal aux putschistes

Le président sénégalais Abdoulaye Wade a appelé vendredi depuis la France à «soutenir» la junte arrivée au pouvoir en Guinée après le décès du président Lansana Conté.

Il s'agit du premier soutien exprimé officiellement aux putschistes par un dirigeant étranger.

«C'est la première fois que des militaires (guinéens) disent: "On organise des élections et on rentre dans les casernes"», a déclaré Abdoulaye Wade à Paris, peu après s'être entretenu par téléphone avec le capitaine Moussa Dadis Camara, le chef de la junte guinéenne.