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Divonne-les-Bains se lance dans le juteux marché de l'eau minérale

Vue sur le centre de Divonnes-les-Bains. [afp - Aurimages/Philippe Roy]
La ville de Divonne s'apprête à lancer sa propre marque d'eau minérale / Tout un monde / 9 min. / le 5 janvier 2017
La commune française de Divonne-les-Bains, proche de Genève, s'apprête à lancer sa propre marque d'eau minérale. Le chantier de l'usine devrait démarrer cette année pour pouvoir exploiter sa source.

Le projet, porté par deux investisseurs privés qui ont investi quelque 20 millions d'euros, réjouit le maire de Divonne-les-Bains, qui y voit surtout un coup marketing pour l'image de sa ville. "Le fait de pouvoir exploiter une ressource sans aucun traitement -on puise l'eau, on la met en bouteille et elle est vendue telle quelle- signifie que notre nature est sauvegardée. Cela va nous permettre de développer des politiques sur les soins thermaux, sur la randonnée, sur la gastronomie et sur l'environnement", s'est enthousiasmé Etienne Blanc, dans l'émission Tout un Monde jeudi.

Avec un marché déjà occupé par des mastodontes tels qu'Evian, de l'autre côté du Léman, les investisseurs entendent se démarquer par leur technique de production. "Nous avons envisagé une approche industrielle et commerciale très militante dans le domaine de l'économie durable et de la protection de l'environnement", explique Patrick Sabaté, président de la société Andrénius et l'un des investisseurs du projet. Celui-ci précise toutefois: "Nous ne sortirons pas une eau à des prix pharaoniques, nous serons à la portée de tout le monde".

La Suisse, une cible stratégique

"L'une des particularités de ce lancement de la part de Divonne, c'est qu'on voit aujourd'hui un mouvement où des acteurs tentent de rapprocher les lieux de consommation des lieux de production afin de diminuer le coût de transport", explique Olivier Dauvers, spécialiste de consommation et de grande distribution. Et de relever le mauvais rapport poids-prix de l'eau: "Un ou deux litres ne valent jamais que quelques dizaines de centimes d'euros".

La situation de Divonne-les-Bains est particulièrement stratégique pour le marché helvétique, observe encore Olivier Dauvers: "La source n'est pas très loin de la Suisse, ce qui permet de raccourcir les délais d'acheminement et de baisser les coûts de transport. (La marque) va donc gagner en compétitivité".

Avec la pureté de son eau et son débit de 80 mètres cubes par heure les futurs producteurs d'eau divonnaise veulent en effet se placer parmi les dix grandes marques françaises et visent 400 millions de bouteilles par an dès 2020.

Un marché en pleine ébullition

Le marché de l'eau minérale est en pleine croissance. En 2016 par exemple, Danone a annoncé que, pour la première fois en 15 ans, les ventes d'eau en bouteille avaient dépassé celles des sodas et autres boissons sucrées. Deux raisons expliquent ce succès, selon Olivier Dauvers: "C'est un marché qui est globalement porteur avec des consommateurs qui s'inquiètent toujours plus de ce qu'ils avalent. Ces eaux minérales leur apportent une réassurance sur la pureté, sur la composition, sur la stabilité ou sur l'absence de nitrate", rapporte-t-il.

A cela, il faut ajouter le statut haut de gamme acquis par l'eau minérale: "Elle est en train de devenir un petit luxe que certains sont prêts à s'offrir (...) On voit arriver une forme de 'premiumisation' du marché de l'eau", rapporte le spécialiste. Et d'ajouter: "Divonne ne fait que s'inscrire dans ce contexte".

hend

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Un secteur dépendant de la promotion

Si le marché de l'eau minérale dépend évidemment de la météo, et notamment de la pluie, il est aussi très dépendant de la promotion: "Pour vendre de l'eau aujourd'hui, il faut proposer des promotions, comme le troisième pack gratuit par exemple. Car le consommateur est devenu extrêmement zappeur", note le spécialiste Olivier Dauvers.

Selon lui, les promotions peuvent représenter entre 40 et 50% du chiffre d'affaires chez certains producteurs.

Le robinet face à la bouteille, ou la schizophrénie du consommateur

Dans une société sensible à l'environnement, qui met en avant la bonne qualité de l'eau du robinet, comment se fait-il que le marché de l'eau est-il toujours porteur?

"C'est une forme de schizophrénie que l'on a tous", répond Olivier Dauvers. "Lorsque vous achetez de l'eau en bouteille, vous achetez un petit bout de rêve de l'endroit où elle a été captée et la pureté qui va avec et la jolie histoire que l'on vous raconte", ajoute-t-il.