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La firme Starbucks échappe en partie à l'impôt grâce à sa filiale suisse

La grande évasion (fiscale)
La grande évasion (fiscale) / T.T.C. (Toutes taxes comprises) / 7 min. / le 2 septembre 2013
Starbucks, le géant américain du café à l’emporter, échappe en partie à l’impôt sur les bénéfices au Royaume-Uni en raison de sa centrale d’achat mondiale sise à Lausanne. En 2011, 11,6 millions ont été versés au fisc en Suisse sur un bénéfice de près de 100 millions, a appris la RTS.

Starbucks est dans le collimateur des élus anglais depuis fin 2012. En cause, une stratégie d’optimisation fiscale jugée agressive. Présente sur l’île depuis 1998, elle y déclare régulièrement des pertes.

Résultat, révélait l’an dernier Tom Bergin, auteur d’une enquête sur Starbucks, le géant du café ne verse quasiment aucun impôt sur les bénéfices. Pourtant, ses affaires fleurissent. En 15 ans, elle a écoulé pour plus de 4 milliards de francs de café au Royaume-Uni.

«Pour nous, les comptes de Starbucks sont cachés. Mais ce que nous savons, c’est que ces profits ne sont pas en Grande-Bretagne, ni en Hollande où le café est torréfié. Une large partie de ce profit se trouve en Suisse», explique Tom Bergin, journaliste chez Reuters.

Une centrale d’achat mondiale à Lausanne

Il y a 11 ans en effet, Starbucks a implanté sa centrale d’achat à Lausanne sous le nom de Starbucks Coffee Trading Company (SCTC). Elle bénéfice d’un statut fiscal spécial et d’un "ruling fiscal". Elle est imposée à un taux de 12% sur ses bénéfices, contre un taux standard vaudois de 23% et anglais situé à 24%.

A Lausanne, SCTC achète et revend le café vert utilisé pour les produits de la marque Starbucks dans ses magasins du monde entier, une fois celui-ci torréfié dans son usine en Hollande.

Elle pratique une commission de 20% sur chaque vente intragroupe réalisée vers l’étranger. C’est une des révélations faites par Troy Alstead, le directeur financier de Starbucks lors d’une séance de la Commission des finances publiques anglaise fin 2012. Résultat, les charges en Angleterre s’alourdissent d’autant et les profits à Lausanne augmentent.

Mécanisme légal et impôts versés… en Suisse

Ce transfert des profits par la hausse des charges (prix de transfert) est parfaitement légal. «Les règles fiscales vous autorisent à déplacer ou à mettre plus ou moins de marge dans un pays ou dans l’autre, donc dans cette marge vous mettez plus de profit dans le pays qui vous présente la fiscalité la plus faible. Starbucks a fait sa décision dans cette marge, sans jamais violer la loi», explique Daniel Spitz, expert fiscal à Lausanne.

Selon les estimations de la RTS, l’unité du groupe Starbucks a dégagé près de 96,7 millions de francs de bénéfice en 2011, une année où les prix du café se sont envolés. Malgré trois semaines d’échanges avec la firme, celle-ci a refusé de commenter ce chiffre (lire encadré).

Mais elle confirme à l’émission T.T.C. de la RTSun l’argent qu’elle verse aux fiscs vaudois et suisse: 11,6 millions pour sa seule unité d'approvisionnement de café en 2011. C’est presque le même montant qu’elle a versé en 15 ans d’activités au Royaume-Uni, son second marché.

Impôt volontaire

Le scandale provoqué en Angleterre par les pratiques fiscales de Starbucks et d’autres multinationales comme Google et Amazon seront au menu des discussions du G20 qui aura lieu cette semaine à Moscou.

En attendant des décisions, Starbucks a pris les devants. Elle versera près de 15 millions de francs suisses au Trésor britannique avant la fin de l'année et 15 autres l’an prochain. Un impôt volontaire pour calmer les esprits au Royaume-Uni.

Yves Steiner/olhor

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"Starbucks coopère pleinement avec le fisc suisse"

Dans sa réponse à l'émission T.T.C. de la RTS, la multinationale américaine ne s'estime pas hors-la-loi et insiste sur le rôle capital de la Suisse à ses yeux dans le négoce mondial du café.

"Since our first store opened in Zürich in 2001, Starbucks has been and remains committed to the long-term future of Switzerland. With 53 stores and close to 700 partners (employees) as well as being home to the Starbucks Coffee Trading Company, Switzerland is a key global market for our company. We are creating opportunities and investing significantly with the support of our shareholders both in the Swiss economy and our own business. Going beyond the in-store experience, we are making sure that we have our coffee available in all the right places and areas of strongest customer demand such as our launch of the Verismo® System by Starbucks created with Swiss engineering expertise, our partnership with Selecta to deliver the Starbucks Experience in the workplace across Europe, and the launch of the first ever Starbucks on rails - opening in the second half of 2013".

"Starbucks owns 100 percent equity of the Swiss market, a transition that became effective in July 2011. We cooperate fully with the tax authorities in Switzerland and will continue to do so. In addition our financial statements have been independently audited and all comply with Swiss law".

"The SCTC reports and pays Swiss corporate income tax as agreed. We’ve always believed in buying and serving the best quality Arabica coffee, and it's our goal for all of our coffee to be grown under the highest standards of quality, using ethical trading and responsible growing practices. Switzerland is the center for world-known coffee traders and that is why our traders are located in Switzerland. Approximately 75% of the world's coffee is traded through Switzerland".

"The total income tax liability for Fiscal Year 2011 for our coffee procurement company in Switzerland was 11.6 million CHF»

Commerce équitable et fiscalité inéquitable

Au niveau mondial, Starbucks est un acteur majeur du commerce équitable. En 2015, elle devrait ainsi délivrer 100% de café issu du commerce équitable dans ces magasins. C’est un élément de communication fondamentale de la multinationale américaine.

"Starbucks se prévaut de faire du commerce équitable. C’est une super idée et je les félicite, mais qu’ils fassent aussi de la fiscalité équitable", s’agace Marc-Alain Bloch, patron et propriétaire des cafés La Semeuse, à la Chaux-de-Fonds.

Pour le Neuchâtelois, il est "très choquant de ne pas déclarer de bénéfice là où l’on crée de la valeur. Et c’est nous qui en bénéficions un peu en Suisse alors que cela devrait être distribué en Angleterre ou en France, là où ils vendent leurs tasses de café".