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Les écarts de salaires sont en progression

Les salaires des managers continuent à augmenter malgré la crise. [gabi moisa / fotolia]
Les écarts salariaux ont retrouvé leurs niveaux d'avant la crise. - [gabi moisa / fotolia]
La crise n'a rien changé: une fois passée, les écarts salariaux entre top-managers et employés de base ont repris l'ascenseur au sein de nombreuses entreprises, dénonce Travail.Suisse. Si ces "abus" continuent, les citoyens soutiendront des initiatives drastiques, prévient le syndicat.

Pour sa septième analyse des salaires des managers, Travail.Suisse constate qu'après une brève rémission en 2008 et 2009 les entreprises qui ont vu les écarts salariaux s'accroître en 2010 sont aussi nombreuses qu'avant la crise.

"La folie ordinaire" continue comme avant, a critiqué lundi devant la presse réunie à Berne Martin Flügel, président de la faîtière syndicale. Certes, l'ampleur des écarts s'est quelque peu réduite l'an dernier, a-t-il indiqué.

Credit Suisse et UBS notamment ont revu leur politique de bonus et d'indemnités. Par exemple, le patron du Credit Suisse Brady Dougan n'a gagné "que" 12,8 millions de francs contre 90 millions en 2009 à la faveur d'actions datant d'avant la crise. Il n'empêche, ces écarts restent "indécents", selon Martin Flügel.

Qui souligne également que, dans 16 des 27 sociétés ou groupes scannés par Travail.Suisse, les différences entre le salaire le plus bas et le salaire moyen d'un membre de la direction ont augmenté. Il s'agit de Georg Fischer, Swatch Group, Ascom, Swiss Life, Nestlé, Bobst, Ruag, Lindt & Sprüngli, La Poste, Lonza, Swisscom, Clariant, Helvetia, Migros, ABB et Valora.

Bonnets d'âne décernés

Georg Fischer est l'entreprise qui a connu en 2010 la plus forte progression d'écart de revenus, selon l'organisation syndicale. La différence est passée de 1:14 à 1:20, soit une hausse de 45%. Une situation d'autant plus dérangeante selon Suzanne Blank, responsable de la politique économique de Travail.Suisse, que le chiffre d'affaires et le bénéfice du groupe industriel schaffhousois stagnent encore bien au-dessous du niveau d'avant la crise. Elle a aussi noté que, des 2000 places de travail biffées lors de la crise, seules 400 ont été rétablies l'an dernier.

Le groupe industriel Georg Fischer enregistre un bénéfice net au premier semestre. [Keystone / Steffen Schmidt]
Le groupe industriel Georg Fischer enregistre un bénéfice net au premier semestre. [Keystone / Steffen Schmidt]

Comme l'an passé, Travail.Suisse a dénoncé le "cartel des salaires", soit ce groupe de managers qui gagnent au moins 100 fois plus que leurs collaborateurs. Sur la plus haute marche du podium se trouve Antonio Quintella, directeur de Credit Suisse pour l'Amérique du Nord et du Sud, qui a touché en 2010 15,6 millions de francs, soit 313 fois plus que le salaire le plus bas de 50'000 francs.

L'organisation syndicale dénonce surtout une évolution totalement inégale entre hauts et bas salaires. En sept ans, alors que les salaires des managers ont augmenté en moyenne de 126%, ceux des travailleurs ont progressé de 10,4% en termes nominaux et de 3,7% seulement en termes réels, a critiqué Suzanne Blank.

"L’auto-régulation a échoué"

Pour mettre fin à cette situation, et puisque "l'autorégulation a échoué", le président de Travail.Suisse a réclamé diverses mesures: limitation des bonus à un mois de salaire, interdiction des indemnités d'embauche et de départ, imposition des bonus à partir d'un million de francs, vote des actionnaires sur les salaires de la direction et du conseil d'administration et représentation des salariés dans ce dernier.

Si rien n'est entrepris, "l'irrationalité et l'égocentrisme" des managers vont se retourner contre eux, a prévenu Martin Flügel. Dans un climat social de plus en plus tendu, les citoyens, qui ont perdu la confiance qu'ils avaient dans le modèle économique suisse, soutiendront des initiatives comme celle des Jeunes socialistes.

Cette dernière propose propose de fixer à 1:12 l'écart entre le salaire le plus bas et le plus élevé. S'il se dit idéalement d'accord avec ce texte, le président de Travail.Suisse ne le juge toutefois "pas optimal". Pour l'ensemble des entreprises, cette règle du 1:12 peut s'avérer trop restrictive, a estimé Martin Flügel qui préfère donc pour l'heure agir par d'autres moyens.

ats/jzim/bkel

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Une minorité de cas, selon l'Union patronale suisse

Les salaires astronomiques versés à certains topmanagers ne concernent qu'une minorité d'entreprises en Suisse, estime l'Union patronale suisse (UPS). Selon elle, dans la grande majorité des cas, les plus hauts revenus ne sont pas aussi éloignés de ceux des travailleurs.

Interrogée par l'ATS à propos de l'étude de Travail.Suisse sur les salaires des managers, Ruth Derrer Balladore, membre de la direction de l'UPS, souligne que les 27 entreprises analysées par la faîtière syndicale figurent parmi les plus grandes de Suisse et les plus actives sur le plan international.

Leur bassin de recrutement se situe au niveau mondial, fait-elle remarquer. "Il est faux de croire que c'est comme ça dans toutes les entreprises suisses", déclare Ruth Derrer. Dans la majorité des cas, l'écart entre le plus haut et le plus bas salaire se situe en dessous du rapport 1:12 que les Jeunes socialistes veulent fixer dans la Constitution avec leur initiative, relève-t-elle.

Ruth Derrer dit néanmoins comprendre que les salaires des topmanagers dénoncés par Travail.Suisse puissent provoquer des sentiments d'injustice au sein de la population. L'UPS n'entend toutefois pas intervenir mais préfère montrer que cette réalité ne concerne qu'une minorité d'entreprises.