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Les jeunes ne veulent plus devenir managers ou occuper des postes à responsabilités

Les jeunes générations se battent pour mieux équilibrer leur vie entre travail et privé. [Photoalto/AFP - Frédéric Cirou]
Les jeunes ne veulent pas devenir managers / Tout un monde / 7 min. / le 27 mars 2024
Durant de nombreuses années, l’ascension hiérarchique était une étape incontournable d'une carrière professionnelle. Mais aujourd'hui, l’attrait pour les postes de chef ou de manager ne semblent plus faire rêver les moins de 35 ans. Cette tendance est confirmée par plusieurs études.

Diverses enquêtes mettent en lumière les réticences des jeunes à l'égard des postes à responsabilité, une tendance qui préoccupe les managers. Les entreprises, qui ont déjà dû relever des défis pour attirer et retenir des collaborateurs - en particulier les plus talentueux - constatent désormais que ces derniers ne souhaitent pas nécessairement endosser des rôles de leadership.

Il devient donc impératif de repenser toute la relation au travail, car les postes de chef impliquent trop de pression et ne sont pas suffisamment reconnus, explique mercredi Sho Dewan, coach en recrutement et management dans l'émission Tout un monde.

"Savez-vous pourquoi le rôle de manager n'attire plus personne? Les gens réalisent qu'il n'y a rien d'exceptionnel à en retirer. Certes, vous pourriez obtenir un titre prestigieux, mais vous aurez plus de responsabilités, de personnes à gérer et de stress", souligne-t-il.

Evolution des attentes professionnelles

D'après une étude de 2022 menée par “Chef:innensache”, un réseau allemand de dirigeants d'entreprises, seulement 29% des employés allemands souhaitent assumer un rôle de direction au cours de leur vie professionnelle, alors qu'ils étaient encore près de 40% il y a quelques années.

Cette tendance est encore plus marquée chez la génération Z, c'est-à-dire les moins de 30 ans. Un constat transparaît à travers diverses enquêtes: les jeunes perçoivent les rôles d'encadrement de façon très différente par rapport à la génération des baby-boomers.

 Ils veulent un rapport différent au management et repenser le rôle du manager

Elodie Gentina, professeure associée à l'IESEG School of Management

Selon Elodie Gentina, professeure associée à l'IESEG School of Management, les jeunes aspirent à un nouveau modèle de management. Ils sont prêts à assumer des rôles de direction, à condition qu'une approche plus ouverte y soit possible.

"Ceux qui désirent ces postes souhaitent changer de posture pour évoluer vers un rôle d'animateur ou de facilitateur, plutôt que de rester dans un poste de manager-chef traditionnel", éclaire-t-elle.

Ils préfèrent le rôle d'animateur, de facilitateur en tant que manager, plutôt qu'être sur un poste de manager-chef 

Elodie Gentina, professeure associée à l'IESEG School of Management

Selon Elodie Gentina, les styles de management stricts sont dissuasifs pour les jeunes, ils ne veulent plus être passifs, mais actifs. "C'est comme dans la consommation, ils ne sont plus passifs, ils participent au processus de cocréation des produits, ils ont donc envie de participer à la vision de demain de l'entreprise", ajoute la chercheuse.

Ainsi, contrairement à l'idée reçue, les jeunes ne sont pas désinvestis, en réalité, ils aspirent à être actifs dans divers domaines, et notamment dans le milieu professionnel.

Un idéal difficile à atteindre

La société suisse de services Loyko se distingue par sa gouvernance horizontale. Elle attire des personnes bien formées, en quête d'équilibre et d'autonomie. Mais selon son fondateur, Christophe Barman, cette structure sans hiérarchie, lieu de travail défini ou de dress code, n'est même plus valorisée par la nouvelle génération.

"En fait, pour les nouvelles générations, puisque c'est leur premier emploi, ces aspects sont considérés comme normaux. Ils ne les valorisent même plus. Ils les considèrent simplement comme faisant partie du monde du travail", observe-t-il.

Il constate que le monde professionnel est parti d'un modèle dans lequel "on travaillait durement et où l'on dictait les tâches, ce qui n'était pas forcément toujours très heureux",  à une quête presque insaisissable du bonheur, du plaisir et de rôles plus épanouissants.

Les entreprises ont tendance à considérer qu'il est normal de proposer des formes de travail différentes, mais aussi de les limiter autant que possible par la suite

Jean Pralong, professeur de ressources humaines à l'école de management de Normandie

Entre discours et image de marque

Aujourd'hui, les jeunes recherchent un bon équilibre entre vie privée et professionnelle. Si le salaire reste un facteur important, l'idée de se surmener pour un peu plus d'argent n'est plus considérée comme une nécessité.

Puisque les fonctions managériales ne sont plus un levier de fidélisation des employés, les entreprises proposent des formes de travail différentes comme le télétravail.

Elles le font souvent pour des raisons sincères, mais aussi pour des raisons de conformisme et pour se donner une image attractive, affirme Jean Pralong, professeur de ressources humaines à l'école de management de Normandie. Cependant, par la suite, elles ont tendance à limiter et encadrer ces options, regrette-t-il.

Ce décalage entre le discours et les pratiques est couramment constaté. Cependant, les changements environnementaux et sociétaux pourraient accélérer le mouvement. Il est à noter que même parmi les jeunes prêts à sacrifier leur vie personnelle pour devenir managers, un nombre croissant choisit des entreprises alignées sur leurs valeurs.

Sujet radio: Francesca Argiroffo

Adaptation web: Miroslav Mares

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