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Le commerce de détail au bord du gouffre en Suisse? Les acteurs du secteur tempèrent

Le commerce de détail ne se porte pas si mal, selon les acteurs du secteur
Le commerce de détail ne se porte pas si mal, selon les acteurs du secteur / La Matinale / 4 min. / le 12 avril 2024
Les fermetures de magasins de plusieurs marques en Suisse attirent l'attention sur la santé du commerce de détail. Certains s'inquiètent de la pression exercée par le commerce en ligne, mais les discours défaitistes agacent les acteurs du secteur.

"Je suis toujours très réticente à ce genre de perspectives et d'exagérations", explique Dagmar Jenni, directrice de l'association faîtière Swiss Retail. "Le commerce de détail est devenu très compétitif au cours des dix dernières années. On a de nouveaux concurrents et il faut toujours s'adapter. Ce n'est pas vraiment une nouveauté. Nous avons déjà connu une vague de faillites."

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Selon elle, le retrait de certaines marques témoigne d'une diminution des marges. Mais si elles se réduisent bel et bien, les volumes de ventes restent très importants. Globalement, le commerce de détail continue de croître légèrement et le recul des ventes "stationnaires", c'est-à-dire dans les magasins physiques, ne se vérifie pas toujours.

Différences selon les secteurs

En ce début d'année, les Suissesses et les Suisses ont même dépensé davantage dans les magasins et moins en ligne, souligne Dagmar Jenni. Et selon elle, les surfaces qui ferment sont, la plupart du temps, très rapidement remplacées par d'autres marques.

Par ailleurs, tous les segments ne sont pas logés à la même enseigne. Dans l'alimentation, par exemple, la quasi totalité de la clientèle se déplace pour faire ses courses. À l'inverse, dans l'électronique, environ un produit sur deux est acheté en ligne. Les ventes dans l'habillement ou les jouets sont aussi très dématérialisées.

Les détaillants suisses ont bien compris ces tendances. Migros veut ainsi remettre l'accent sur son cœur de métier, l'alimentaire, et cherche à se débarrasser de magasins spécialisés comme Melectronics.

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Vente sur les réseaux sociaux

L'impact du e-commerce est à relativiser: le commerce de détail en Suisse pèse plus de 100 milliards de francs par an, et la part des dépenses en ligne représente moins de 15% de cette somme.

Selon un récent sondage de l'autre faîtière Commerce.Swiss, la plupart des acheteurs et acheteuses souhaitent surtout pouvoir combiner les deux. Pour son directeur Bernhard Egger, il faut donc offrir les deux options.

Mais ça ne veut pas forcément dire qu'il est nécessaire d'avoir son propre magasin en ligne, qui nécessite des investissements massifs, précise-t-il. Il est possible d'utiliser des plateformes tierces, comme Galaxus ou les réseaux sociaux, pour atteindre une large clientèle. "Je pense que c'est important, même pour les petites entreprises", plaide-t-il.

Vendeurs et vendeuses au coeur du succès

Co-responsable du commerce de détail chez Unia, Leena Schmitter relativise également: "Ça me rappelle beaucoup le discours alarmiste selon lequel le commerce de détail local serait mis sous pression par le tourisme d'achat à l'étranger", rappelle-t-elle.

"Quand nous regardons les chiffres, nous voyons que le commerce de détail, en particulier le commerce alimentaire en Suisse, se porte bien", poursuit la syndicaliste, qui rejette les "descriptions apocalyptiques".

Et pour elle, si le commerce helvétique n'a pas à craindre de la concurrence étrangère, c'est pour une raison très simple: "Les employés font du bon travail."

>> Ecouter le grand débat dans Forum :

Le grand débat - Fermeture d'enseignes: faut-il agir ou laisser faire?
Le grand débat - Fermeture d'enseignes: faut-il agir ou laisser faire? / Forum / 17 min. / le 12 avril 2024

Mathilde Farine/jop

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Les volumes des géants chinois explosent

L'arrivée des plateformes chinoises comme Temu ou Schein accentue également la pression. Les produits sont extrêmement bon marché, livrés plus rapidement, et les paiements sont simples. Les produits ne sont toutefois pas soumis aux mêmes normes de qualité.

>> (Re)lire : Se retrouver devant la justice pour avoir acheté un gadget non homologué sur Temu  

Pour l'instant, les ventes de ces deux plateformes sont estimées à 700 millions de francs. Mais Bernhard Egger, directeur de Commerce.Swiss, s'inquiète surtout des volumes qui explosent. "J'ai vu les chiffres de La Poste, qui fait le dernier kilomètre pour Temu: en janvier 2024, les entrées de ces petits colis sont deux fois plus élevées qu'en janvier 2023!"