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L'Europe face à la tentation du protectionnisme industriel

Le drapeau de l'union européenne et de la Chine à Pékin. [AP Photo/Keystone - Andy Wong]
Le protectionnisme industriel est-il bon pour l'économie? / Tout un monde / 6 min. / le 22 avril 2024
L'industrie européenne perd en compétitivité face aux Etats-Unis et à la Chine. Pour tenter d'y remédier, les politiques industrielles font leur retour. Au sein du monde économique, cette solution ne fait pas l'unanimité.

Depuis quelques années, l'industrie européenne se fait distancer par la Chine et les Etats-Unis. Son poids dans le commerce mondial ne cesse de reculer et sa croissance est très faible: 0,4%, contre 2,5% outre-Atlantique.

Pour Christian Saint-Étienne, professeur de politique industrielle au Conservatoire des arts et métiers de Paris, l'Europe "est en état d'atrophie". "L'Union européenne avait un produit intérieur brut (PIB) égal à celui des Etats-Unis il y a 20 ans. Il est aujourd'hui tombé à 70% du PIB américain. L'Europe est en train de sortir de l'Histoire", estime-t-il.

L'Europe est en train de sortir de l'Histoire (...) Il est quand même normal que les Européens résistent pour continuer à exister

Christian Saint-Étienne, professeur de politique industrielle au conservatoire des arts et métiers de Paris

Face à ce constat, l'Union européenne cherche des solutions. L'une d'elles est de capter l'épargne européenne en créant des unions de marchés des capitaux.

Une autre solution consiste à mobiliser des fonds publics à travers un nouvel emprunt européen. Le continent a actuellement besoin de plusieurs milliards pour financer sa transition écologique et numérique. Les aides d'Etats devraient ensuite être mutualisées à l'échelle du continent pour répondre au plan climat américain, l'Inflation reduction act.

>> Voir aussi  : L'Union européenne veut autoriser des aides d'Etat pour la transition verte

Une solution qui ne convainc pas

Les économistes interrogés par Tout un monde se montrent critiques face à cette proposition. Cédric Dupont, professeur de commerce international au Graduate Institute de Genève, évoque des obstacles. "Certes, on a une monnaie unique, mais on a des politiques fiscales qui restent séparées. Pour vraiment avoir un emprunt, une capacité d'investissement, il faut avoir une fiscalité – ou quelque chose qui la remplace – pour aider à une politique industrielle vraiment européenne."

Charles Wyplosz, professeur d'économie honoraire au Graduate Institute, est encore plus critique. Selon lui, en opérant au niveau européen, les pays ayant d'importants déficits espèrent contourner le Pacte de stabilité et de croissance.

Un protectionnisme tous azimuts serait extrêmement appauvrissant pour l'Europe

Patrick Artus, conseiller économique de la banque Natixis

Plus de protectionnisme

Charles Wyplosz estime plutôt que des taxes antidumping devraient être appliquées à la Chine. Actuellement, l'Empire du milieu subventionne massivement sa production et fausse la concurrence en inondant le marché avec des produits vendus à perte: panneaux solaires, batteries et voitures électriques notamment.

Selon Patrick Artus, conseiller économique de la banque Natixis, cette solution protectionniste ne suffirait pas. "Un protectionnisme tous azimuts serait extrêmement appauvrissant pour l'Europe."

La désindustrialisation de l'Europe ne s'explique pas uniquement par la concurrence avec les Etats-Unis et la Chine, estime-t-il. "Il y a un problème davantage comparatif." L'écart de coût de production est de 30 à 40% entre l’Europe et la Chine, et de près de 20% entre l'Europe et les Etats-Unis.

Sujet radio: Francesca Argiroffo

Adaptation web: msa

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