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L'Europe connaît-elle une crise de la productivité?

Baisse de la productivité en Europe: interview de Christophe André. [afp - Hans Lucas]
Baisse de la productivité en Europe: interview de Christophe André / La Matinale / 1 min. / le 25 mars 2024
Alors que les chiffres stagnent, voire reculent dans certains pays, la situation de la productivité en Europe est de plus en plus préoccupante. Depuis la fin de l’année 2019, une baisse de 1% de la productivité a été observée au sein de l’Union européenne et de 0,2% dans la zone euro. Les Etats-Unis, eux, sont sur une toute autre trajectoire.

Depuis la fin de l'année 2019, alors que l'Europe a observé une baisse de 1% de sa productivité, la productivité américaine a crû de 6,5%. L'écart entre les deux continents se creuse donc, observe lundi dans La Matinale Christophe André, économiste à l'Organisation de la coopération et du développement économique (OCDE) et expert de la productivité.

Selon lui, plusieurs facteurs conjoncturels entrent en jeu, notamment un soutien budgétaire massif aux Etats-Unis et un choc du prix de l’énergie qui a davantage touché l’Europe. "Mais il y a aussi des raisons structurelles qui peuvent inquiéter, telle la capacité d'innovation qui est moindre en Europe, ainsi qu'une économie moins flexible par rapport aux Etat-Unis", analyse-t-il.

Cela pourrait potentiellement affecter la croissance du niveau de vie des Européens, explique l'économiste: "Si la croissance de la productivité est moindre, cela entraîne une diminution de la croissance des salaires."

>> Ecouter l'interview de Christophe André dans La Matinale :

Baisse de productivité en Europe, mais la Suisse est moins touchée. [afp - Daniel Roland]afp - Daniel Roland
Baisse de productivité en Europe, mais la Suisse est moins touchée / La Matinale / 1 min. / le 25 mars 2024

Les solutions possibles à développer

En investissant davantage dans l'innovation, la recherche et le développement, l'Europe pourrait potentiellement inverser cette tendance, estime Christophe André.

Selon lui, un marché unique et renforcé serait également nécessaire, "car les Etats-Unis disposent d’un très grand marché qui permet aux entreprises américaines de se développer sur une grande échelle. Ceci est particulièrement important dans des domaines tels que le numérique, dans lesquels les économies d’échelle ou de réseau sont importantes", souligne-t-il.

L'expert propose aussi d’accroître la flexibilité des économies européennes, sans pour autant compromettre le modèle social européen. "Ce qui n'est pas nécessairement contradictoire", estime-t-il, "puisque, certains pays du Nord sont très flexibles, tout en ayant à la fois des modèles et des filets sociaux très développés".

L'impact disproportionné du secteur de la pharma en Suisse

La Suisse fait légèrement mieux que le reste de l'Europe. Cédric Tille, professeur d’économie à l’Institut des hautes études et du développement à Genève, estime qu'après une période de stagnation autour de 2010, la productivité a légèrement repris.

Mais dans notre pays, les gains de compétitivité sont principalement à attribuer au secteur de la pharma. "Or cette branche ne représente pas la moitié de l'économie du pays. Elle a donc une performance très forte qui occulte une faiblesse plus prononcée des autres secteurs", estime Cédric Tille.

Ainsi, les entreprises helvétiques sont confrontées à des marges sous pression, ce qui nuit à l’innovation et à la recherche, souvent financées par des fonds propres. De plus, une grande partie de l’économie suisse est orientée vers le secteur domestique, dans laquelle la concurrence est limitée. Par conséquent, "quand vous ne faites pas face à beaucoup de concurrence, l'incitation à innover est plus faible", ajoute l'économiste.

Sujet radio: Cléa Favre

Adaptation web: Miroslav Mares

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