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Les prix du pétrole bondissent après l'annonce d'une diminution de la production

Les prix du pétrole rebondissent après l'annonce d'une diminution de la production. Ici un puits en Irak. [REUTERS - Essam Al-Sudani/File Photo/File Photo]
Les prix du pétrole bondissent après une annonce de réduction de la production / Le Journal horaire / 25 sec. / le 3 avril 2023
Les prix du pétrole bondissent lundi au lendemain de l'annonce surprise par plusieurs grands pays exportateurs d'une réduction drastique dès mai de leur production, dans le but de faire remonter les cours après la récente chute.

Au total, huit des 23 membres de l'Opep+, qui réunit l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) et ses partenaires, sont concernés, avec au premier rang l'Arabie saoudite.

L'alliance, qui tenait lundi une réunion technique par visioconférence, a pris note de ces "ajustements volontaires" de production. A l'unisson de ses membres, elle a assuré qu'il s'agissait "d'une mesure de précaution visant à soutenir la stabilité du marché pétrolier". Mais pour les analystes, il s'agit surtout d'engranger "des revenus" supplémentaires, a commenté dans une note Jorge Leon, de la société de recherche Rystad Energy.

Ces coupes montrent que l'Opep+ fera tout pour "défendre un prix plancher bien supérieur à 80 dollars le baril", dit-il, sans se soucier des critiques des Etats-Unis et autres pays consommateurs, inquiets de l'inflation galopante.

Chute du cours en mars

Les cours du brut sont en effet tombés en mars au plus bas en deux ans, "un niveau inacceptable pour les membres de l'Opep+", explique Ibrahim al-Ghitani, expert du marché pétrolier, basé aux Emirats arabes unis.

Ils avaient subi le contrecoup de la crise bancaire aux Etats-Unis, qui a éloigné les investisseurs des matières premières et autres actifs à risque, plus volatils.

Après cette action concertée des gros producteurs d'or noir, la réaction des marchés a été immédiate: les deux références mondiales ont décollé d'environ 8% en début de séance, renouant avec leur niveau d'avant les tumultes du secteur bancaire.

Le baril bondit

Vers 15h00, le Brent de la mer du Nord, référence européenne du brut, grimpait de 5,77% à 84,50 dollars le baril (77,38 francs). Son équivalent américain, le WTI, bondissait de 5,70% à 79,98 dollars le baril (73,24 francs).

L'Irak, l'Algérie, l'Arabie saoudite, les Emirats arabes unis, Oman, le Kazakhstan, le Koweït et le Gabon vont donc procéder à partir du mois prochain à d'importantes réductions, et ce jusqu'à fin 2023. Elles vont de 500'000 barils par jour (bpj) pour Ryad à 8000 bpj pour Libreville. Moscou a pour sa part prolongé sa mesure de réduction de 500'000 bpj jusqu'à fin 2023. Au total, le volume laissé sous terre sera "d'environ 1,66 million de barils quotidiens", a précisé l'Opep+.

D'autres pays pourraient également "annoncer leurs propres coupes s'ils le jugent (...) nécessaire", selon le vice-Premier ministre russe chargé de l'Energie Alexandre Novak.

agences/ami

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Un nouveau revers pour Washington

Cette nouvelle baisse de la production, qui s'ajoute à celle décidée en octobre, intervient malgré des appels des Etats-Unis à augmenter le nombre de barils, sur fond d'inflation galopante et alors que la Chine, le pays le plus gourmand en or noir, rouvre son économie après s'être repliée sur elle-même pendant la pandémie de Covid-19.

L'annonce d'octobre avait été vécue comme un camouflet par les autorités américaines qui redoutaient une envolée des prix des carburants sur fond d'inflation élevée.

C'est donc un nouveau revers pour Washington, estime Caroline Bain, de la société de recherche Capital Economics. D'un point de vue géopolitique, ces réductions témoignent en outre "du soutien du groupe à la Russie", qui bénéficiera ainsi de meilleurs prix pour compenser l'impact des sanctions occidentales.

Le Kremlin a de son côté défendu une décision prise "dans l'intérêt" du marché mondial, pour maintenir les cours "au bon niveau", selon le porte-parole de la présidence russe. "Que les autres pays soient satisfaits ou pas, c'est leur affaire", a-t-il déclaré à la presse.

Frédéric Potelle: "Il faut absolument un prix du baril contenu"

Invité de Forum lundi pour décrypter cette décision de l'Opep+, Frédéric Potelle a jugé que la situation était avant tout la conséquence de la baisse du baril au cours des dernières semaines.

"Cela ce passe essentiellement parce que le prix du baril est passé sous les 80 dollars assez brutalement au mois de mars, à la suite des craintes liées au systèmes bancaire américain. Et 80 dollars, c'est déjà un peu le seuil sous lequel l'Opep avait déjà ralenti sa production précédemment, c'est donc d'abord une réaction à ce prix du baril", explique celui qui est directeur de recherche pour la Banque Bordier.

D'après l'expert, il s'agit aussi d'une mesure préventive, dans "la perspective d'un éventuel ralentissement de l'économie mondiale".

La décision pourrait quoi qu'il en soit coûter aux économies américaines et européennes. "Le prix du baril et de l'énergie en général est une très grosse composante de l'inflation. L'énergie a compté pour un tiers voire la moitié de l'inflation qu'on a vu aux Etats-Unis et en Europe en 2022 (...) pour avoir une baisse de l'inflation, il faut absolument un prix du baril contenu. Il faut donc qu'il reste sous les 100 ou les 110 dollars. Sans quoi, ce sera à nouveau un facteur de hausse de l'inflation", conclut-il.

>> L'interview intégrale de Frédéric Potelle :

Les pays pétroliers réduisent leur production : interview de Frédéric Potelle
Les pays pétroliers réduisent leur production : interview de Frédéric Potelle / Forum / 3 min. / le 3 avril 2023