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Clientèle, personnel, actionnaires: quelles conséquences après le rachat de Credit Suisse?

L'annonce du rachat de Credit Suisse par UBS a provoqué l'inquiétude de la clientèle du numéro deux bancaire helvétique et du personnel des deux institutions suisses. [Keystone - Ennio Leanza]
La banque suisse Credit Suisse, à Zurich. - [Keystone - Ennio Leanza]
Le Conseil fédéral a annoncé dimanche le rachat précipité de Credit Suisse par son rival UBS, après que le numéro deux bancaire helvétique a perdu un quart de sa valeur boursière en une semaine. La nouvelle a provoqué l'inquiétude de la clientèle et du personnel. Point de situation au lendemain de cette annonce historique.

C'est un séisme dans le monde bancaire helvétique: UBS rachète son rival Credit Suisse. L'annonce est tombée dimanche soir lors d'une conférence de presse du Conseil fédéral. Le président de la Confédération Alain Berset a garanti que cette solution était la meilleure pour rétablir la confiance, alors que la ministre des Finances Karin Keller-Sutter a assuré qu'il s'agissait en premier lieu d'éviter des dégâts économiques irréparables aux niveaux suisse et international.

>> Notre suivi du rachat de Credit Suisse par UBS : La pression retombe sur les marchés après le rachat de Credit Suisse par UBS

Ce rachat, fortement critiqué, a été suivi lundi par un fort recul de l'action Credit Suisse à la Bourse suisse. Depuis l'annonce du gouvernement, les spécialistes se veulent toutefois rassurants: les clients de la banque n'ont pas à s'inquiéter pour leurs épargnes. Leurs dépôts seront garantis, martèle-t-on.

Mais alors que les détails du rachat doivent encore être précisés, le doute et l'inquiétude planent chez la clientèle et le personnel de Credit Suisse. Tour d'horizon de ce que l'on sait à ce stade.

Que signifie le rachat de Credit Suisse pour sa clientèle?

Cette acquisition permet d'assurer la continuité des activités commerciales de Credit Suisse sans interruption et sans restriction. La protection des déposants est ainsi assurée: les dépôts, comptes et autres services (guichets, automates, e-banking, cartes de débit et de crédit) restent aussi accessibles.

Selon Jean-Pierre Danthine, professeur à l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et ancien vice-président de la Banque nationale suisse (BNS), la situation est "totalement sous contrôle" et les clients de Credit Suisse peuvent "dormir sur leurs deux oreilles". Arthur Jurus, responsable des investissements à la banque privée Oddo BHF à Genève, confirme: "Aujourd'hui, l'encadrement des autorités de régulation suisse semble suffisant".

La situation est totalement sous contrôle. UBS est une banque solide, les clients peuvent dormir sur leurs deux oreilles.

Jean-Pierre Danthine, professeur à l'EPFL et ancien vice-président de la BNS

"UBS est une banque solide, les liquidités nécessaires sont à disposition. La problématique du montant minimal - le montant de 100'000 francs couvert par l'assurance des dépôts - concerne les cas de faillite. Or, ici, nous sommes dans un cas de reprise par une autre institution, qui va tenir toutes les obligations qui étaient celles de Credit Suisse", a aussi détaillé Jean-Pierre Danthine, lundi dans La Matinale.

Hypothèques sécurisées

Rien à craindre non plus du côté des hypothèques, affirment les spécialistes. Les prêts hypothécaires tout comme les autres transactions menées pour des clients commerciaux comme les petites et moyennes entreprises (PME) se déroulent comme d'habitude.

"Les prix hypothécaires vont être repris par UBS. Les conditions exactes, notamment les potentiels refinancements, passeront très probablement sous les conditions de la banque", a précisé Arthur Jurus au micro de la RTS.

>> Les explications dans le 19h30 :

Les clients du Crédit Suisse se demandent à quelle sauce ils seront mangés
Les clients du Crédit Suisse se demandent à quelle sauce ils seront mangés / 19h30 / 2 min. / le 20 mars 2023

Quelles sont les perspectives pour le personnel?

Le président d'UBS Colm Kelleher, désormais à la barre en matière de stratégie, a jugé prématuré dimanche soir de s'exprimer sur l'ampleur et la méthode des remaniements à venir dans les effectifs. Une évaluation de la situation doit d'abord être effectuée, dit-il. "Il y a des visions stratégiques pour les différentes entreprises qui ne sont pas connues aujourd'hui, car UBS a besoin de plus d'informations sur Credit Suisse. La fusion va prendre du temps", a souligné Arthur Jurus, dans La Matinale.

La fusion va prendre du temps. UBS a besoin de plus d'informations sur Credit Suisse.

Arthur Jurus, responsable des investissements à la banque privée Oddo BHF

Avant même la confirmation du rapprochement, les représentants du personnel s'inquiétaient de l'impact d'une telle fusion. L'Association suisse des employés de banque (Aseb) avait ainsi demandé dès dimanche après-midi la mise en place d'une commission dédiée aux emplois menacés chez Credit Suisse, impliquant aussi la Confédération, la BNS et d'autres établissements bancaires.

Credit Suisse s'était lancé en octobre dernier dans un vaste programme de restructuration, prévoyant la suppression de 9000 emplois à l'échelle mondiale, dont 2000 en Suisse. Les effectifs dans le pays devaient ainsi être ramenés à environ 14'000 équivalents plein temps. Fin décembre, l'établissement employait encore près de 50'500 collaborateurs à travers le monde. Le directeur général Ulrich Körner a assuré il y a quelque jours avoir réduit ce chiffre de 8%. Le rapport annuel d'UBS fait part fin 2022 de pratiquement 72'600 équivalents plein temps, ventilés à travers 48 pays, dont 19'947 en Suisse.

"Il y a une ambiguïté autour de cette situation. Est-ce que le plan de restructuration de Credit Suisse va être continué? Est-ce qu'UBS va faire porter la responsabilité des licenciements sur ce programme? Tout cela est encore flou", a estimé Frédéric Mamaïs, journaliste de la RTS.

Des licenciements probables

La question de la gouvernance à la tête de la future entité fusionnée ne souffre aucun doute. Le patron d'UBS Ralph Hamers et son président Colm Kelleher resteront aux manettes de "l'entité survivante". Pour autant, le personnel de la banque aux trois clés ne sera pas immunisé contre l'arrivée d'une concurrence interne non dénuée de talents.

"Quand vous fusionnez deux entités pareilles, comme il y aura chevauchement de deux responsabilités, cela ne veut pas dire qu'on va nécessairement prendre quelqu'un d'UBS pour reprendre cette responsabilité. Il va y avoir des emplois qui vont sauter des deux côtés", a prévenu dans La Matinale l'économiste Stéphane Garelli, professeur à l'International Institute for Management Development (IMD). "On risque de se retrouver sur le marché avec beaucoup de gens qui ont des compétences financières, mais plus de travail."

Des emplois vont sauter des deux côtés. On risque de se retrouver sur le marché avec beaucoup de gens qui ont des compétences financières, mais plus de travail.

Stéphane Garelli, économiste et professeur à l'IMD

"Les équipes vont être agrandies, mais il y aura des licenciements puisque UBS parle de 8 milliards de synergie de coûts d'ici 2027", a aussi noté Jérôme Schupp, analyste financier chez la société de gestion de fortune Prime Partners. Ce week-end, la presse alémanique évoquait le chiffre de 10'000 suppressions de postes.

>> Le reportage dans le 19h30 :

Inquiétude des employés du Crédit Suisse après le rachat de leur banque par l'UBS
Inquiétude des employés du Crédit Suisse après le rachat de leur banque par l'UBS / 19h30 / 2 min. / le 20 mars 2023

A quoi ressemblera UBS après l'intégration de Credit Suisse?

L'union de deux des plus grandes banques au monde va faire émerger un géant à la tête de plus de 5000 milliards de dollars d'avoirs sous gestion. Les activités de gestion de fortune d'UBS, déjà numéro un mondial du secteur, vont s'en trouver encore renforcées avec quelque 3400 milliards de dollars d'actifs sous gestion sur une base combinée. En Suisse, UBS renforcera sa position de première banque universelle. La gestion d'actifs sur le Vieux Continent dépassera les 1500 milliards de dollars.

UBS compte réduire les activités de banque d'affaires de Credit Suisse. Celles-ci ont causé de nombreux déboires à l'ancien numéro deux. Les activités combinées dans la banque d'investissement représentent approximativement 25% des actifs du groupe pondérés en fonction des risques.

Ce rachat entraînera toutefois une perte de diversité sur le paysage bancaire, souligne Myret Zaki, journaliste économique pour les médias Blick et Bilan, car un client qui souhaiterait diversifier ses avoirs entre deux établissements n'aura désormais pas d'autre grande banque suisse où le faire. Les entreprises internationales basées en Suisse auront également moins de choix, "ce qui n'est pas très bon, car cela signifie qu'il y a un rétrécissement des prestations sur la place financière", a-t-elle noté dimanche, lors d'une émission spéciale de la RTS.

La fusion effective des deux banques est initialement prévue d'ici fin 2023. Jusque-là, UBS et Credit Suisse restent des concurrents.

>> Ecouter les explications du 12h30 sur les conséquences de ce rachat par l'UBS :

Un logo de Credit Suisse. [Keystone - Urs Flueeler]Keystone - Urs Flueeler
Quelles conséquences le rachat de Credit suisse par UBS aura sur l'économie suisse? / Le 12h30 / 3 min. / le 21 mars 2023

iar avec l'ats

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Quel sort pour les actionnaires et les créanciers?

Si les employés des deux côtés peuvent se faire du souci pour leur avenir professionnel, le ratio de 22,48 titres Credit Suisse pour une action UBS, correspondant à un prix de 76 centimes de franc par titre Credit Suisse va faire grincer des dents du côté d'un actionnariat qui n'a pas eu son mot à dire.

L'action Credit Suisse valait encore plus de deux francs il y a une semaine et plus de 10 francs il y a deux ans. Les près de 10% acquis par la Saudi National Bank à l'occasion de l'augmentation de capital annoncée en octobre dernier pour 1,5 milliard de francs en valent désormais moins de 300 millions.

Les détenteurs d'obligations convertibles conditionnelles (CoCo bonds, ou Additionnal Tier1) ont, eux, vu la valorisation de ces titres s'évaporer en un instant. Emis par les banques pour satisfaire aux exigences en matière de fonds propres, ces obligations sont assorties d'un seuil de déclenchement lié au ratio d'adéquation des fonds propres de l'émetteur en dessous duquel elle sont soit converties en actions ordinaires, soit font l'objet d'une dépréciation.

L'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (Finma) a prévenu dès dimanche soir que l'intervention exceptionnelle de l'Etat avait déclenché "un amortissement complet de la valeur nominale de tous les emprunts AT1 de Credit Suisse pour un volume d'environ 16 milliards de francs".