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A la tête de Sulzer, Suzanne Thoma dirige une entreprise qui doit se réinventer

Suzanne Thoma, Patronne du Groupe Sulzer. [RTS]
Suzanne Thoma, Patronne du Groupe Sulzer / Big Boss / 23 min. / le 7 novembre 2022
Patronne depuis cet été de l'entreprise suisse Sulzer, acteur mondial majeur dans le secteur de l'industrie des machines et des technologies, Suzanne Thoma est l'une des femmes d'affaires les plus influentes du pays. Une femme qui connaît également bien les rouages du secteur des énergies.

Après une enfance à Zoug puis un doctorat d'ingénieure chimiste à l'EPFZ, Suzanne Thoma a travaillé douze ans pour l'entreprise chimique Ciba à Bâle. Elle a ensuite enchaîné les postes de cadre dans diverses entreprises industrielles ou technologiques. Sa carrière a pris une nouvelle dimension en 2013, après son arrivée à la tête des Forces motrices bernoises (BKW).

Elle y mène une petite révolution, en gérant la fermeture de la centrale nucléaire de Mühleberg en décembre 2019. Elle réoriente alors le groupe vers les énergies renouvelables et ouvre de nouveaux marchés, avec de nouveaux services comme l'isolation des bâtiments ou la pose d'installations d'énergies renouvelables.

Des choix payants, puisque l'entreprise est passée d'une perte de 216 millions de francs en 2013 à un bénéfice de 350 millions en 2020. Des résultats obtenus non sans faire grincer quelques dents, mais pas de quoi freiner l'ascension de Suzanne Thoma.

Portrait de Suzanne Thoma, diplômée d’un doctorat d’ingénieure chimiste à l’EPFZ
Portrait de Suzanne Thoma, diplômée d’un doctorat d’ingénieure chimiste à l’EPFZ / Big Boss / 2 min. / le 7 novembre 2022

Deux casquettes pour une meilleure efficacité

Forte de ce succès, elle est arrivée durant l'été 2022 à la tête de l'entreprise Sulzer, l'un des plus grands groupes industriels du pays, spécialiste des pompes et des turbines. Elle y a pris les pleins pouvoirs: engagée comme présidente du conseil d'administration, elle a rapidement été nommée PDG.

Cette double casquette de présidente et directrice est un modèle de management qui ne fait pas l'unanimité, voire qui est mal perçu de nos jours en Suisse ou encore en Allemagne. "Aux États-Unis, c'est normal", note toutefois Suzanne Thoma.

"Probablement qu'une séparation, c'est mieux dans une situation normale", concède-t-elle. "Mais nous sommes dans une situation spéciale, à cause des développements géopolitiques et du développement du renouvelable. Il y a beaucoup de choses qui doivent être faites relativement vite, et le but est d'avoir une collaboration très intense et étroite entre le conseil d'administration et le management", explique-t-elle. Et de rappeler: "Je ne suis pas le conseil d'administration, juste un membre du conseil d'administration".

Malaise autour de la Russie

La guerre en Ukraine a une influence directe sur Sulzer. D'une part, l'entreprise a dû se retirer du marché russe et, d'autre part, elle est critiquée pour la présence de l'oligarque russe Viktor Vekselberg parmi ses actionnaires. Ce proche de Vladimir Poutine, frappé par des sanctions américaines depuis 2018, possède près de la moitié du capital de l'entreprise.

"On a quand même noté que les clients nous restent fidèles", déclare Suzanne Thoma. "Les chiffres se sont bien développés depuis mars-avril. Naturellement, il y a toujours à expliquer. Il ne peut pas recevoir de dividendes et son influence est très très limitée dans l'entreprise. Il n'a aucune influence sur les décisions stratégiques", se défend-elle. Sulzer a néanmoins dû fermer deux filiales en Pologne en raison de sa présence.

De nouveaux horizons plus durables?

Mais de l'autre, les affaires marchent bien grâce notamment au regain d'intérêt pour les énergies fossiles et aux pénuries. Les services dans ce segment de Sulzer sont florissants, constate la dirigeante, qui concède toutefois qu'il s'agit d'une dynamique à court terme.

L'abandon du fossile et les nouveaux marchés plus durables constituent ainsi "le point clé" de la stratégie de Sulzer. "On a beaucoup de technologies importantes dans le recyclage, pour la capture du CO2 et toutes les questions d'efficience énergétique. Il faut encore chercher et faire valoir les compétences de Sulzer. C'est une évolution de l'entreprise", explique-t-elle, précisant qu'elle souhaite investir dans la recherche de technologies fondamentales principalement en Suisse.

"Je suis convaincue que Sulzer peut croître, et pourquoi pas doubler son chiffre d'affaires. Mais plus que le chiffre d'affaires, c'est la profitabilité qui compte dans une entreprise!"

Émission TV: Patrick Fischer

Texte web: Pierrik Jordan

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Une pénurie d'énergie serait "inacceptable" dans un pays comme la Suisse

Interrogée sur la perspective d'une pénurie d'énergie en Suisse, la cheffe d'entreprise tempère: "La probabilité d'un problème majeur d'approvisionnement énergétique est plus basse que ce qu'on a pensé il y a deux mois."

Elle estime toutefois que les craintes n'étaient pas totalement infondées. "Il y a des mesures qui ont été prises et qui donnent aujourd'hui un résultat", dit-elle. Des mesures préventives indispensables, selon elle, pour éviter une coupure de courant généralisée: "On ne peut pas s'imaginer ce que ça voudrait dire pour la Suisse... Voir un pays industriel mondialement réputé sans électricité, c'est inacceptable!"

Pas un débat nouveau

Pour Suzanne Thoma, les ménages ont un rôle à jouer dans cet effort, car leur consommation peut être diminuée sans conséquence sur la production industrielle, notamment au niveau du chauffage. "On a un peu plus froid, c'est désagréable, mais les conséquences sont limitées. Mais ce n'est pas à moi de donner des recommandations à la population."

Elle souligne par ailleurs que la crainte d'une pénurie d'électricité ne tombe pas de nulle part. "Dans l'industrie, il se disait déjà qu'on pourrait avoir une pénurie d'électricité pour 2025-2026. On parlait alors de limitations sur l'importation d'électricité de la France et de l'Allemagne. Donc la surprise, c'est le moment, pas le fait que ça arrive."