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Les contrôles d'hygiène alimentaire aux mains des entreprises sont-ils fiables?

Sur fond de scandales chez Buitoni et Kinder, quelle sécurité alimentaire en Suisse? L'auto-contrôle est primordial
Sur fond de scandales chez Buitoni et Kinder, quelle sécurité alimentaire en Suisse? L'auto-contrôle est primordial / 19h30 / 2 min. / le 13 avril 2022
Des perquisitions ont été menées ce mercredi dans l'usine Buitoni de Caudry (nord de la France), propriété de Nestlé et site de production des pizzas surgelées Fraich'up. Ces possibles cas de contamination par la bactérie E.coli font suite à des salmonelles détectées dans certains Kinder il y a 10 jours. L'occasion de s'arrêter sur les contrôles effectués par les producteurs. Comment sont-ils réalisés en Suisse romande? Et peut-on s'y fier? Voici quelques éléments de réponse.

"Le système de contrôle repose tout d'abord sur la responsabilité de l'entreprise", affirme le chimiste cantonal genevois Patrick Edder.

L'entreprise qui met sur le marché des denrées alimentaires doit s'assurer que tous ses produits sont parfaitement conformes à la législation et ne mettent pas la santé des gens en danger. "Le contrôle de l'Etat est un contrôle supplémentaire qui est surtout là pour s'assurer que l'entreprise fait son travail et assume ses responsabilités", ajoute celui qui est aussi vice-président des chimistes cantonaux.

Remonter toute la chaîne

Nous avons dû frapper à de nombreuses portes - quinze exactement - avant de trouver une entreprise qui nous montre comment fonctionne son système de contrôle. A Moudon (VD), la fromagerie Le Grand Pré nous reçoit très tôt, à l'heure de la livraison.

Marc Bettex, le responsable qualité de la fromagerie, prélève un petit échantillon, comme le veut le protocole à chaque nouvelle livraison. "C'est un lait témoin. Il est stocké six mois au congélateur. Si on a un souci sur l'un des lots, on doit pouvoir remonter toute la chaîne", explique-t-il.

25'000 francs par an

Ce sont quelques millilitres du lait qui va être chauffés à 70 degrés pendant une quinzaine de secondes. La pasteurisation permet d'éliminer toute trace de salmonelle et de listeria. Mais d'autres bactéries peuvent se développer sur les moules qui façonnent les fromages. Après chaque tournée, Marc Bettex les inspecte.

"On va frotter ces plaques de gélose contre la surface du matériel avant de les apporter au laboratoire. Si les bactéries sont présentes sur la surface, elles vont se développer sur la plaque", montre le responsable qualité.

Cette fromagerie dépense chaque année 25'000 francs dans le contrôle de la qualité de ses produits. Pour son directeur Jacques Demierre, ce coût est indispensable pour répondre aux attentes et aux craintes des consommateurs. "C'est nécessaire, quand on travaille des produits vivants, on est obligé d'apporter cette garantie aux consommateurs. Les gens s'intéressent à la provenance des produits, on doit répondre à leurs craintes."

Des contrôles pas toujours inopinés

Pour s'assurer que la sécurité alimentaire est maîtrisée et que les entreprises respectent l'Ordonnance sur l’hygiène des denrées alimentaires, les autorités cantonales procèdent à des contrôles réguliers. Selon Patrick Edder, la fréquence dépend du type d'établissement. "Un restaurant sera contrôlé tous les deux ans, mais une industrie qui fabrique de la viande hachée, par exemple, sera contrôlée chaque année".

Si le contrôle n'est pas bon, la fréquence sera plus élevée. Mais en moyenne, ce sont chaque année quelque 4000 inspections qui sont effectuées. Soit près de la moitié des 8500 entreprises qui sont dans le radar des autorités.

Mais ces contrôles ne sont pas toujours effectués par surprise. L'an dernier, près de 40% des visites étaient organisées. "Dans le cas des plus grandes entreprises, nous prévenons 24h ou 48h à l'avance pour fixer un rendez-vous, parce que le travail est en grande partie documentaire et que nous avons besoin de la présence du responsable qualité. Mais s'il n'est pas en règle, le délai ne lui laisse pas assez de temps pour s'organiser", assure Patrick Edder.

"Une armada d'inspecteurs"

Selon lui, l'usine Ferrero d'Arlon, en Belgique, qui avait détecté une bactérie sur son site et qui a continué à commercialiser son produit, s'est rendue responsable d'une "faute grave". Mais le système actuel d'auto-contrôle des entreprises est le seul possible aujourd'hui, car il faudrait "une armada d'inspecteurs dans les cantons pour mener ces contrôles. Et c'est quand même l'entreprise qui connaît le mieux ses produits et qui peut le mieux mettre en place les contrôles sur les produits qu'elle fabrique."

Selon le système européen d'alerte RASFF, un total de 35 produits alimentaires fabriqués en Suisse ont fait l'objet de suspicion ces trois dernières années, dont 22 pour des risques sérieux de contamination.

Feriel Mestiri et Charlotte Onfroy-Barrier

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