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Impôts dégressifs: les villes au front

AR: Herisau a renoncé au système dégressif (Photo: RDB)
AR: Herisau a renoncé au système dégressif (Photo: RDB)
Winterthour, St-Gall, Schaffhouse et Zurich ont décidé de supprimer leur aide aux cantons qui ont introduit des «pratiques fiscales injustes». Le canton de Zurich y a aussi songé, mais a finalement renoncé.

C'est ce qu'on appelle une contre-attaque. Discrète peut-être,
mais contre-attaque quand même: Winterthour, St-Gall et Schaffhouse
ont décidé de supprimer leur aide, versée traditionnellement en
commun, aux cantons pratiquant des «méthodes de concurrence fiscale
injustes». Dans la foulée, la ville de Zurich s'est ralliée aux
contestataires.

Montants symboliques

Les montants sont plutôt symboliques (80'000 francs pour le trio
de villes, 500'000 francs pour Zurich), et pour l'heure seuls deux
cantons qui ont accepté l'impôt dégressif sont concernés: Obwald et
Schaffhouse. Appenzell Rhodes-Extérieures aurait dû l'être
également, mais le gouvernement a revu sa copie mardi et finalement
renoncé au système dégressif.



La décision des villes, prise le 30 août, se veut aussi un coup de
semonce à l'encontre des autres cantons s'apprêtant, dans une vraie
cascade de dominos, à tout faire pour attirer les riches
contribuables. Ainsi, les Argoviens votent sur un projet en ce sens
le 26 novembre.



«Enfin, quelqu'un dit et fait quelque chose: c'est la réaction que
j'ai le plus souvent entendue, s'enorgueillit le maire socialiste
de Winterthour Ernst Wohlwend. Il n'est quand même pas acceptable
que ces cantons réduisent consciemment leurs recettes tout en
espérant que leurs communes dans le besoin continueront à être
aidées.»

«Subventionner la Rolls?»

Le combat n'a pas d'étiquette partisane: tant la directrice des
Finances de Winterthour que son homologue de la ville de Zurich
sont radicaux (droite) et souscrivent complètement à la mesure de
rétorsion.



Ils font valoir les lourdes et chères infrastructures financées
par les centres urbains, et dont les cantons voisins profitent.
Martin Vollenwyder, grand argentier zurichois, aurait même déclaré:
«c'est comme si je devais payer l'essence à un voisin qui va faire
ses courses en Rolls-Royce».



Les cantons visés ont réagi avec passablement de mauvaise humeur:
dans le quotidien zurichois NZZ, le secrétaire du Département des
finances d'Obwald estime que cette action est «injuste, car le
canton n'a fait qu'améliorer ses conditions-cadre».

Schaffhouse contre Schaffhouse

A Schaffhouse, des élus du Grand Conseil (parlement cantonal)
ont demandé des explications sur l'attitude de la ville, dont le
maire a dû se justifier, lui qui n'était pas présent lors de la
décision du 30 août.



Mais de fait, Schaffhouse - le canton - n'a pas grand-chose à
craindre. Il n'a jamais reçu d'aide de la part des quatre villes
«vengeresses». Obwald et Appenzell en revanche en ont déjà
bénéficié.



Herisau botte pourtant en touche: «nous n'avons plus d'impôts
dégressifs pour le moment», plaisante presque Joe Müggler le
secrétaire général du Département des finances. Avant que le
gouvernement ne change finalement d'avis, le Tribunal fédéral avait
en effet annulé la votation qui introduisait ce nouveau
système.



Cela n'empêche pas les Appenzellois de critiquer la vengeance
«citadine». «Environ 40% de nos employés cantonaux vivent et payent
des impôts à St-Gall, explique Joe Müggler, et nous soutenons le
théâtre et les transports publics de la ville.»

Zurich hésite

Les villes frondeuses ont failli recevoir un soutien de poids:
le canton de Zurich a en effet aussi songé à s'en prendre aux
nouveaux paradis fiscaux.



«Mais nous avons renoncé, explique le secrétaire général du
Département des finances Daniel Wettstein, car cela revenait à
punir les mauvaises personnes. Ainsi, nous avons décidé de
participer à la rénovation d'un monastère dans le canton d'Obwald.
Ces nonnes ne peuvent quand même rien aux impôts dégressifs




Le Grand conseil devra ces prochains mois prolonger l'arrêté sur
l'aide intérieure et l'aide à l'étranger. La question d'une
éventuelle «punition» pourrait donc bien resurgir.



swissinfo, Ariane Gigon Bormann, Zurich

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La sous-enchère fiscale des cantons

Le canton de Schaffhouse a été le premier en Suisse à introduire, en 2004, les impôts dégressifs, qui permettent aux riches contribuables de payer moins d'impôts que dans un barème progressif.

Le demi-canton d'Obwald a voté semblable modification en décembre 2005, puis Appenzell Rhodes-Extérieures, en mai 2006, suscitant une levée de boucliers.

Le Tribunal fédéral (Cour suprême) a annulé la votation d'Appenzell Rhodes-Extérieures pour des raisons formelles. D'autres recours sont pendants au Tribunal fédéral, qui devra se prononcer sur le fond.

Le Parti socialiste a décidé de lancer l'initiative populaire «Pour des impôts justes et équitables – stop aux abus de la concurrence fiscale».

L'aide intérieure

De nombreux cantons et communes alémaniques choisissent chaque année des projets à soutenir dans le cadre de leur «Inlandhilfe», une «aide au développement à l'intérieur du pays», par analogie avec l'«Auslandhilfe», que ces collectivités accordent souvent dans la foulée.

Il s'agit le plus souvent de soutenir des projets d'infrastructure, dans des communes financièrement faibles, en général de montagne, pour enrayer l'exode.

Les communes utilisent leur budget courant, tandis que les cantons alémaniques utilisent le Fonds (cantonalisé) de la Loterie. La Loterie romande soutient également ce type de projets, mais dans le canton d'origine des fonds ou pour des projets intercantonaux romands.

La ville de Zurich accorde 500'000 francs par année, le trio Winterthour-St-Gall-Schaffhouse 80'000 francs. Le canton de Zurich verse de son côté trois millions de francs par an.