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La Suisse gagnée par la nouvelle tendance des commerces "phygitaux"

avec box, le magasin entièrement automatisé de Valora, une société active dans le commerce de détail. [Keystone - Walter Bieri]
Les magasins automatisés, une nouvelle tendance dans la grande distribution / La Matinale / 4 min. / le 2 août 2019
La nouvelle tendance de la grande distribution, ce sont les petits commerces automatisés. Portés par les outils numériques, ils sont souvent ouverts non-stop et ne nécessitent presque pas de personnel. En Suisse, ces nouveaux commerces arrivent.

Ces magasins sont appelés "phygitaux", de la contraction entre "physique" et "digital". Le principe a été lancé en 2016 par le géant américain Amazon et ses enseignes Amazon Go. Une tendance qui a fait des émules y compris en Suisse, où la Migros a développé un projet de succursales Migrolino sans personnel la nuit et dans lesquelles le client entrera et fera ses achats via une application.

L’entreprise bâloise Valora a testé le printemps dernier pendant deux semaines un magasin "Avec" entièrement automatisé à la gare de Zurich. Un essai encourageant, estime le groupe, qui souhaitait répondre aux besoins de notre époque: "C'est lié au contexte. Aujourd'hui, les gens sont devenus beaucoup plus mobiles et mangent de moins en moins chez eux. Avec ces nouveaux magasins, l'idée est de tester ces nouvelles tendances et de voir comment les clients réagissent à ces nouvelles possibilités d'achats", explique le porte-parole de Valora Martin Zehnder.

Nombreuses questions

Ces évolutions posent toutefois un certain nombre de questions: sociales, d’abord, en termes d'emploi; sociétales aussi, avec une diminution de la présence humaine, comme par exemple la sécurité. Valora affirme toutefois qu’elle est assurée.

En toile de fond, se pose surtout la question des données, puisque ces nouveaux magasins "phygitaux" reposeront sur des applications, voire même sur la reconnaissance faciale, comme pourraient l'envisager Migros et Valora.

Ces nouvelles avancées du "big data" peuvent représenter un risque de dérives potentielles, s’inquiète Sébastien Fanti, avocat et préposé à la protection des données pour le canton du Valais: "Si on trace quelqu’un pendant cinq ans, on saura tout de lui. Ensuite, on peut imaginer que ces données récoltées, concernant par exemple l’alimentation, pourraient être cédées à des assureurs privés, qui pourraient ensuite se dire: 'Tient, cette personne représente un profil à risques.'"

"Le client aura le choix"

Contactée à ce propos, Migros n'a pas souhaité donner d'interview à ce stade de son projet et insiste sur le fait que la reconnaissance faciale n'est qu'une des possibilités envisagées. Valora, quant à elle, se veut rassurante. Selon l’entreprise de détail, le système mis en place offrirait toutes les garanties en matière de protection des données.

"L'ensemble des données collectées est utilisé uniquement en accord avec la protection des données. Et nous informons explicitement le client sur le fait que s'il veut utiliser notre application, cela nécessitera qu'il donne accès à certaines données. Le client a la liberté de choisir. C'est lui qui donne le ok final", précise Martin Zehnder.

Valora considère que ces nouveaux magasins n'ont pas vocation à remplacer les magasins classiques et que le client aura le choix, là aussi.

Sébastien Fanti reste lui très prudent, estimant qu'il va falloir s'adapter à cette gourmandise toujours plus marquée des entreprises pour nos données: "Si on permet à l’économie de développer ces outils, il faut permettre aux personnes d’avoir des droits qui sont plus étendus. Une des options est que ces processus qui collectent des millions de données soient soumis à une autorisation préalable. On doit se demander quels seront les impacts sur les gens. Cela est envisagé dans la loi, mais qui aujourd'hui n’est pas encore une réalité."

Le préposé à la protection des données imagine finalement un monde où l'absence de traçage du client sera un nouveau luxe et deviendra au contraire un argument de vente.

Séverine Ambrus

Adaptation web: Jérémie Favre

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Développement dans les années à venir

Interviewé dans La Matinale de jeudi, Nicolas Inglard pense que ce type de magasins devraient fleurir dans les années à venir. "Tous les acteurs de la grande distribution s'y mettent. Valora est un précurseur en Suisse, mais la tendance va se développer dans les années à venir", analyse le directeur d'Imadeo, une société d'études et de conseils pour le commerce.

S'il ne remet pas en question la suppression potentielle d'emplois en raison de l'automatisation des commerces, Nicolas Inglard estime que cette évolution pourrait aussi en créer: "Récemment, une épicerie automatique et sans personnel a ouvert à Bavois (VD), où il n'y en avait plus depuis dix ans dans cette commune de 1000 habitants. La première chose, c'est que ça va permettre de créer une épicerie. Certes, on voit qu'il n’y a pas de personnel, notamment en caisse. Cependant, il y en a pour réapprovisionner".