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La grève des tracteurs: les agriculteurs manifestent dans toute l'Europe

Les derniers blocages du syndicat Confédération paysanne sont en passe d'être levés en France. [Hans Lucas via AFP - ESTELLE RUIZ]
Blocage d'une autoroute française par des agriculteurs. - [Hans Lucas via AFP - ESTELLE RUIZ]
Ils ont un point commun: c'est au volant de leur tracteur que les agriculteurs européens se rendent aux manifestations. Cependant, les raisons pour lesquelles ils descendent dans la rue sont différentes d'un pays à un autre.

Le premier soulèvement récent a eu lieu il y a cinq ans. Le 1er octobre 2019, des milliers d'agriculteurs et d'éleveurs néerlandais se sont rendus à La Haye, paralysant la circulation. Cette manifestation a été déclenchée par un projet de loi visant à réduire de moitié le cheptel bovin afin de diminuer les émissions d'azote.

La scène s'est répétée au cours de l'été 2022, lorsque les tracteurs ont à nouveau envahi les routes et les autoroutes néerlandaises. Les agriculteurs protestaient contre le plan du gouvernement de l'époque, Rutte de l'époque visant à réduire les oxydes d'azote et l'ammoniac afin de respecter les limites fixées par l'Union européenne (UE). La stratégie semble avoir porté ses fruits puisque la Commission européenne a approuvé une compensation de 1,47 milliard d'euros.

La politique de l'UE unit les agriculteurs dans leur colère. Et cette colère a débordé presque partout en Europe, surtout ces dernières semaines et ces derniers mois. Si les Néerlandais ont montré l'usage différent que l'on peut faire d'un tracteur, ce sont les Allemands qui ont perfectionné la technique. En Allemagne, les manœuvres d'économies du gouvernement d'Olaf Scholz et les réductions de subventions qui en découlent ont déclenché la mobilisation des agriculteurs.

La situation a failli dégénérer au début de l'année. Le 4 janvier, une foule en colère a bloqué le ministre fédéral de l'Economie et du Climat Robert Habeck sur un ferry dans le nord de l'Allemagne, alors que ce dernier rentrait de vacances. La manifestation a suscité de vives critiques de la part de tous les partis.

Le gouvernement est revenu sur certaines mesures liées aux subventions agricoles. Ainsi, l'exonération fiscale pour les tracteurs sera finalement maintenue et les avantages fiscaux pour le gazole agricole ne seront plus supprimés d'un seul coup, mais progressivement. Cependant, les manifestations se poursuivent : à partir du 8 janvier, des blocages et des marches paralysent la moitié du pays.

La France a pris le relais de l'Allemagne. Dans l'Hexagone, les manifestants s'inquiètent avant tout de l'augmentation des coûts de production ou du renforcement des réglementations environnementales. Ils exigent du nouveau gouvernement français un large éventail de mesures.
Le paquet de revendications comprend, par exemple, des simplifications administratives, pas de nouvelle interdiction des pesticides, un arrêt de l'augmentation du prix du carburant diesel pour les tracteurs et une indemnisation plus rapide en cas de catastrophe.

En Belgique, les agriculteurs ont suivi le mouvement et ont bloqué l'autoroute le 28 janvier. Il est devenu "impossible de tirer un revenu décent" de l'agriculture, a déclaré à l'AFP Pierre D'Hulst, porte-parole de la Fédération des jeunes agriculteurs, qui avait organisé la manifestation.

Bien que moins médiatisées, des manifestations ont eu lieu en Italie, où des tracteurs ont circulé dans plusieurs régions du pays. Les raisons de cette mobilisation sont quelque peu similaires à celles des autres pays : prix de vente trop bas, coûts élevés, bureaucratie et politique de l'UE qui ne répond pas aux différents besoins.

Une autre préoccupation du secteur agricole européen est liée au processus d'adhésion de l'Ukraine à l'UE et à la réforme prévue de la politique agricole commune (PAC). Il s'agit de l'attribution des subventions, qui serait remise en question si Kiev, avec sa puissance céréalière mondiale, entrait pleinement dans le marché commun.

Les mesures déjà prises par l'UE pour soutenir l'Ukraine dans sa résistance contre la Russie sont l'autre facteur qui inquiète particulièrement les agriculteurs d'Europe de l'Est. Depuis juin 2022, l'UE a suspendu les droits de douane, les quotas et les mesures de protection pour les importations de produits agricoles ukrainiens.

Face à la pression croissante, la Commission européenne a accepté d'autoriser les Etats membres d'Europe centrale et orientale à restreindre à nouveau les importations en provenance d'Ukraine.

En Roumanie, les agriculteurs et les chauffeurs routiers ont bloqué les routes avec leurs véhicules en janvier. Ils réclament une baisse des impôts et des subventions plus équitables. La colère est également dirigée contre l'augmentation des coûts d'assurance pour les machines lourdes. Ce mécontentement est renforcé par les manifestations contre les céréales ukrainiennes, qui ont entraîné le blocage des passages frontaliers vers le pays.

Des manifestations ont également lieu en Grèce. En janvier, des agriculteurs se sont déplacés avec leurs tracteurs pour mettre en évidence les problèmes qui, selon eux, "menacent la durabilité de la production agricole et animale". Ici aussi, la mise en œuvre de la politique agricole commune (PAC) suscite des inquiétudes.

La protestation a également atteint l'Espagne, où les agriculteurs et leurs tracteurs ont bloqué les autoroutes, l'accès aux ports et aux grandes surfaces. Ils réclament à nouveau des prix plus justes pour leurs produits et une révision de la réforme prévue de la PAC. Ils sont prêts à poursuivre leur mouvement de protestation, pour l'instant pacifique, au moins jusqu'à la fin du mois de février.

RSI Spi

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