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Le prix Goncourt attribué à Michel Houellebecq

Michel Houellebecq est un des auteurs français les plus connus et traduits au monde. [EPA/SALAS]
Michel Houellebecq est un des auteurs français les plus connus et traduits au monde. - [EPA/SALAS]
Les enfants terribles de la littérature française Michel Houellebecq et Virginie Despentes ont reçu lundi respectivement le prix Goncourt et le Renaudot. Donné grand favori, Michel Houellebecq a sans surprise remporté le plus prestigieux des prix littéraires français pour "La Carte et le territoire".

Les onze jurés du Goncourt, réunis traditionnellement au restaurant Drouant à Paris, l'ont choisi dès le premier tour de scrutin par sept voix contre deux à Virginie Despentes. Le secrétaire et membre du jury Didier Decoin a d'ailleurs ironisé sur les délibérations qui ont duré la "vitesse record d'une minute 29 secondes".

"Je suis très content, je pense que c'était nécessaire dans ma vie", a réagi l'auteur souvent décrié. "En tout cas, c'est une très bonne chose". "Tous les gens qui vont découvrir mes livres grâce à ce prix, j'espère que je les décevrai pas, qu'il seront contents, que ça les incitera à lire", a-t-il souligné devant la presse. "C'est souvent les gens qui lisent au départ peu qui achètent le Goncourt".

Un roman plus consensuel

Dans son cinquième roman publié en septembre, Michel Houellebecq, 52 ans, met en scène Jed Martin, un artiste contemporain, dans un premier temps photographe d'objets prosaïques du quotidien, qui retrouve la peinture figurative. Cet artiste solitaire devient ami avec un écrivain, Michel Houellebecq, qui finira victime d'un meurtre digne des pires tueurs en série, non sans ironie.

Virginie Despentes est récompensée pour son roman "Apocalypse bébé" [AFP - Thomas Samson]
Virginie Despentes est récompensée pour son roman "Apocalypse bébé" [AFP - Thomas Samson]

Salué quasi unanimement par la critique, ce roman déjà vendu à près de 250'000 exemplaires, évoque le règne de l'argent, la célébrité, les rapports familiaux, mais loin des polémiques qui ont donné naissance à sa sulfureuse réputation. Un roman plus consensuel qui explique sans doute que les jurés du Goncourt ont fini par récompenser Michel Houellebecq, qui avait été en lice à trois reprises auparavant pour "Les particules élémentaires", "Plateforme" et "La possibilité d'une île".

"Je ne pense pas que ça soit moi qui ait changé vraiment, mais disons que les thèmes sont moins violents" que dans les livres précédents, a expliqué le romancier.

Traduit dans une quarantaine de langues, Michel Houellebecq est considéré comme un fin observateur de la société occidentale, notamment sur la misère affective et sexuelle de ses contemporains. Avec ce roman, il permet à sa maison d'édition Flammarion de remporter le Goncourt, qu'elle n'a décroché que quatre fois depuis la création du prix en 1903 et la dernière fois en 1980.

ap/cab

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L'ironie de Virginie Despentes récompensée

La subversive romancière et réalisatrice Virginie Despentes a été sacrée lundi par le prix Renaudot pour "Apocalypse bébé" (Grasset). Le jury a récompensé un feu d'artifice ironique entre satire sociale, polar contemporain et romance lesbienne.

Les jurés du Renaudot ont consacré l'égérie underground, moins sulfureuse aujourd'hui, au onzième tour par quatre voix contre trois à Simonette Greggio pour "Dolce Vita 1959-1979" (Stock).

Son livre, "Apocalypse bébé", attendu depuis quatre ans, est un thriller décalé, un "road-book" entre Paris et Barcelone, dont la narratrice est une de ces "looseuses" chères à la romancière.

Près de quarante ans, mal payée et mal dans sa peau, Lucie est employée par une agence de détectives privés. Un jour, une adolescente qu'elle surveille - c'est sa spécialité - disparaît. Pour retrouver la jeune Valentine, elle demande l'aide d'une baroudeuse, "La Hyène", homosexuelle et passablement diabolique. D'autres personnages atypiques croisent sa route et composent le portrait d'une époque égarée.

Un auteur adulé ou détesté

Auteur français le plus connu à l'étranger, Michel Houellebecq est un vain provocateur pour les uns et un génie absolu pour les autres.

Depuis "Extension du domaine de la lutte", l'auteur quinquagénaire entretient le mystère autour de lui et décrit avec une froideur clinique la misère affective et sexuelle de l'homme moderne, sa solitude.

S'insurgeant contre les bons sentiments, il entretient aussi habilement l'amour-haine des médias, avec un don inaltérable pour les polémiques.

L'essayiste français Bernard-Henri Lévy, dont la correspondance avec Houellebecq a été publiée en 2008 ("Ennemis publics"), s'inscrit "en faux contre son image de misanthrope" et décrit un "très grand écrivain qui veut juste avoir la paix".

Au contraire, l'écrivain franco-marocain Tahar Ben Jelloun estime que "ce mystère autour de lui" ne cache qu'"un manque d'imagination". "Houellebecq se tourne vers lui-même car il ne sait plus inventer", affirmait-il récemment dans la presse italienne.

Né Michel Thomas le 26 février 1958 dans l'île française de La Réunion (océan Indien), selon sa biographie officielle, en 1956, selon d'autres sources, d'un père guide de haute montagne et d'une mère médecin, Michel Houellebecq est confié à six ans à sa grand-mère paternelle, dont il a adopté le nom.

Sa carrière commence en 1994, avec son premier roman "Extension du domaine de la lutte", devenu un livre culte.

Le deuxième, "Les Particules élémentaires", publié en 1998, est traduit en plus de 25 langues. Il se remarie la même année. Il a divorcé il y a quelques mois. Houellebecq se réfugie en Irlande où il rédige "Plateforme" (Flammarion 2001), consacré au tourisme sexuel. Il vit aujourd'hui entre ce pays et l'Espagne.

La même année, il affirme dans une interview (tronquée, selon lui): "La religion la plus con, c'est quand même l'islam". Scandale, procès, relaxe.

Suit "La Possibilité d'une île" (prix Interallié), autour du mouvement raélien, qui paraît en août 2005.