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Céline Amaudruz: "Les intérêts des victimes doivent être prépondérants"

Céline Amaudruz, vice-présidente romande de l'UDC. [Keystone - Peter Klaunzer]
Céline Amaudruz, conseillère nationale (UDC/GE). - [Keystone - Peter Klaunzer]
La présidente de l'UDC genevoise et conseillère nationale Céline Amaudruz insiste pour que les criminels étrangers soient expulsés de manière automatique, sans aucune marge d'appréciation d'un juge.

Cinq ans après l'adoption de l'initiative "Pour le renvoi des étrangers criminels", l'UDC propose une nouvelle version avec une application stricte et détaillée de son texte. La loi adoptée par le Parlement en 2015 n'a pas satisfait le premier parti de Suisse.

Le peuple, qui avait accepté la première initiative par 52,3% de oui, devra se prononcer à nouveau le 28 février.

RTSinfo: Les Suisses ont déjà voté en 2010 sur le sujet. Pourquoi revoter?

Céline Amaudruz: L'initiative de 2010 était formulée en termes généraux, ce qui sous-entend qu'une loi d’application doit être adoptée par l'assemblée fédérale. Cela a été le cas l’an passé. Mais nous estimons que cette loi ne correspond pas à la volonté populaire, à savoir le renvoi systématique et automatique des criminels étrangers, puisqu'elle prévoit une clause de rigueur. Cette clause laisse au juge une marge d'appréciation.

Le juge devra donc mettre sur une balance, les intérêts privés du criminel et les intérêts publics. Nous voulons nous assurer que les intérêts publics et ceux des victimes soient prépondérants.

En Suisse, il y a suffisamment de bons avocats qui trouveront toujours une solution pour que leur client tombe dans les cas de rigueur.

En ôtant ce recours au juge, l'initiative écarterait de l'équation la justice, qui est pourtant l'un des trois pouvoirs garantissant le fonctionnement d'une démocratie.

Il y a toujours un recours possible. Si vous êtes condamné pour meurtre, vous pouvez faire recours de cette décision. La marge de manoeuvre du juge se situe dans la condamnation ou non du crime.

Nous ne voulons pas voir les crapules rester dans nos rues une fois condamnées. Si des criminels dangereux ne respectent pas nos us et coutumes, s'ils ne respectent pas notre pays, ils n'ont plus rien à y faire.

Vous évoquez les criminels dangereux, mais cette initiative de mise en oeuvre est bien plus sévère que celle qui a été acceptée en 2010, puisqu'elle inclut des délits mineurs, comme le vol.

Elle n'est pas plus sévère. L'initiative de 2010 a été formulée en des termes généraux. Aujourd'hui, nous avons un projet de loi détaillé et précis, car nous savons que l'assemblée et le Conseil fédéral ne respectent pas la volonté populaire.

Tout de même, l'initiative de 2010 mentionnait une liste de crimes graves, comme le meurtre, le viol ou le brigandage. Aujourd'hui y figurent notamment le vol ou les lésions corporelles simples…

Non, c'est faux. Il y a des infractions qui demandent le renvoi immédiat systématique, qui sont des infractions graves et il y a celles qui demandent une récidive. Il faut faire la comparaison avec un match de football. Pour les infractions graves, c'est carton rouge. C'est dehors.

Pour les infractions considérées comme moins graves, il y a d'abord le carton jaune. Après un deuxième carton jaune, c'est l'expulsion. Il y a donc un avertissement.

Cela a aussi un effet dissuasif. Les étrangers qui savent qu'ils risquent le renvoi y réfléchissent peut-être à deux fois avant de commettre un délit.

Si elle est acceptée, l'initiative écarterait non seulement l'appréciation d'un juge, qui ne pourrait plus empêcher le renvoi d'un criminel, quelle que soit sa situation. Mais elle écarterait aussi le Parlement, censé édicter les lois. Notre démocratie est-elle en danger?

On n'écarte personne. On passe par les souverains du pays, qui sont le peuple et les cantons. C'est un droit démocratique. Ensuite, après l'initiative acceptée en 2010, il y a eu une loi d'application qui ne respectait pas cette dernière.

Nous aurions pu attendre et faire un référendum contre cette loi, mais nous avions déjà mis en oeuvre cette nouvelle initiative, car l'UDC avait compris que le Conseil fédéral faisait tout pour reprendre son contre-projet en maintenant le cas de rigueur.

Certes, le peuple est souverain, mais notre système démocratique fonctionne ainsi: le peuple élit un Parlement pour édicter des lois. D'autant que vous aviez lancé cette nouvelle initiative en 2012, avant même que le Parlement ne rende son projet.

Si le peuple s'estime lésé, il peut très bien refuser notre initiative et garder la loi d’application concoctée par le Parlement. Nous en prendrions acte.

L'initiative prévoit la primauté du droit interne sur le droit international. Cela signifie que la Suisse ne tiendrait plus compte des éventuelles condamnations de la Cour européenne des droits de l'Homme en cas de renvoi jugé contraire aux droits humains?

Il faut savoir qu'aucun pays n’est contraint de suivre le droit international qui n’est pas impératif. Concernant les normes impératives, notre initiative est claire: les personnes qui risquent dans leur pays la torture, la mort ou l'esclavage ne seront pas renvoyées.

Pour le reste, nous pouvons nous y calquer, ou nous en détacher. Il s'agit désormais de décider si l'on peut accepter qu'un autre Etat décide si nous pouvons garder des non-indigènes.

Ne craignez-vous pas de fâcher davantage Bruxelles, alors que nous ne sommes pas encore sortis de l’impasse des accords bilatéraux après la votation du 9 février 2014 sur l'immigration de masse?

Tout le monde crie au loup. Mais qu'est-ce qui nous est arrivé pour le moment? Rien. L'initiative du 9 février n'est pas mise en place. Si dans un pays vous n'êtes pas capables de refaire des lois, d'accepter une votation et d'aller renégocier… C'est comme dans un divorce. Il y a deux parties et parfois, vous n'êtes pas d’accord. Si vous baissez le pantalon avant d'avoir commencé la discussion, les rapports ne vont pas aller.

Cette initiative n'a rien à voir avec celle du 9 février, qui était préoccupante pour certains milieux économiques. Ici, je ne crois pas que l'économie s'inquiète de ne pas garder des criminels.

Et en quoi la Suisse a-t-elle une position plus dure que les autres pays? Tous les pays renvoient. Prenez l'exemple des Etats-Unis: ils renvoient plus de 200'000 criminels par année.

La question des "secondos", ces étrangers qui sont nés en Suisse, a divisé l'UDC. Peut-on réellement renvoyer une personne dans un pays où elle n'a jamais vécu, et dont elle ne parle peut-être pas la langue?

L'initiative est très claire et vise les étrangers. Une personne est étrangère du moment qu'elle ne détient pas le passeport d'un pays dans lequel elle se trouve. Les "secondos" peuvent bénéficier d'une naturalisation facilitée. Évidemment, pour cela, ils doivent accepter les obligations qui viennent avec, comme l'armée ou le service civil.

Propos recueillis par Feriel Mestiri

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