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Nouvelles recommandations sur l'édition génomique en Suisse

Le débat sur les méthodes de modification du génome, relancé par une étude. [Ti-Press/Keystone - Gabriele Putzu]
Une étude du TA-SWISS relance le débat sur les méthodes de modification du génome / Le 12h30 / 1 min. / le 27 août 2019
La pomme que je mange est-elle génétiquement modifiée? Les "ciseaux génétiques" sont-ils vraiment précis? La Fondation d'évaluation des choix technologiques, TA-SWISS, s'est penchée sur les différents aspects de l'édition génomique et formule des recommandations.

Les méthodes dites d'édition génomique permettent des interventions sur l'ADN plus ciblées et plus précises qu'avant. Ces nouvelles technologies sont largement utilisées en recherche fondamentale, mais elles sont aussi susceptibles d'être de plus en plus courantes dans de nombreux autres domaines, a indiqué mardi TA-SWISS devant la presse à Berne.

Le débat a été relancé récemment, avec la possibilité de manipulations sur la lignée germinale humaine. Un scientifique chinois qui a annoncé fin 2018 avoir fait naître deux fillettes immunisées contre le sida en utilisant la méthode Crispr-Cas9 a suscité un tollé international.

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Il semble en effet que chez l'une des jumelles, la correction n'ait pas réussi dans toutes les cellules. Or, la neutralisation du gène en question pourrait raccourcir son espérance de vie. Et de surcroît, ces manipulations peuvent être transmises à la descendance.

"Courant normal"

En Suisse, de telles pratiques sont interdites par la Constitution fédérale, a rappelé Moritz Leuenberger, président du comité directeur de TA-SWISS – organisme indépendant financé par la Confédération. L'ancien conseiller fédéral a souligné l'importance d'avoir un débat démocratique, avant que ce genre de choses ne soit considéré comme "courant normal" et finisse par être adopté pour la simple raison que cela se pratique dans d'autres pays.

TA-SWISS a réalisé une étude interdisciplinaire portant sur cinq domaines d'application. En médecine humaine, l'édition génomique pourrait être utilisée dans le but de guérir des maladies, prévenir la transmission de maladies héréditaires aux enfants ou utiliser des organes animaux chez l'humain, une pratique connue sous le nom de xénotransplantation.

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Dans l'élevage des animaux et la sélection végétale, l'édition génomique sert à améliorer la qualité des aliments, augmenter le rendement et conférer des résistances aux maladies. Quant aux applications de forçage génétique, elles pourraient même modifier des organismes dans des écosystèmes entiers, par exemple pour empêcher la propagation de maladies comme la malaria.

Inquiétudes "non fondées"

Pour le généticien Denis Duboule, invité de Forum, le débat sur l'édition génomique doit être transparent et éclairé. "Il faut mettre les choses sur la table et déconnecter l'aspect affectif lié à l'embryon."

"Les inquiétudes ne sont, à mon sens, pas du tout fondées", estime l'expert. "Premièrement parce que tout ce qui touche à l'humain est interdit, deuxièmement parce qu'il existe encore des risques avec ces technologies. On ne sait par exemple pas maîtriser certains effets secondaires. La question éthique va se poser lorsque les risques seront exclus."

>> Ecouter l'interview du généticien Denis Duboule dans Forum :

Denis Duboule, professeur de génétique à l’EPFL.
Faut-il avoir peur de l’édition génomique? Interview de Denis Duboule / Forum / 4 min. / le 27 août 2019

>> Regarder: Le débat sur le forçage génétique et ses applications est lancé :

Le débat sur le forçage génétique et ses applications est lancé
Le débat sur le forçage génétique et ses applications est lancé / 19h30 / 2 min. / le 11 avril 2018

ats/sjaq

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Thérapies géniques

Les thérapies géniques personnalisées coûtent cher: celles qui ont déjà été approuvées en sont l'illustration. Néanmoins, une thérapie unique et coûteuse peut revenir moins cher qu'un traitement à vie des symptômes de la maladie.

Pour TA-SWISS, le financement de telles thérapies doit rapidement faire l'objet d'un large débat et être résolu sur le plan politique, car il faut compter avec de nombreuses nouvelles applications. A cet égard, il y aurait lieu d'envisager de nouveaux modèles de remboursement, par exemple un paiement seulement si la thérapie est efficace, selon la fondation.

Dans plusieurs domaines d'application, on constate un rejet massif par l'opinion publique. Le comité directeur de TA-SWISS estime donc que la Suisse devrait faire valoir activement, aussi au niveau international, ses objections à l'égard des interventions sur la lignée germinale humaine, par exemple.

Obstacles techniques et incertitudes

Malgré les progrès par rapport aux méthodes précédentes, il existe des incertitudes dans l'utilisation de l'édition génomique. Il se peut que, même si l'ADN est coupé au bon endroit, la réparation de la césure ne soit pas parfaite; il se peut aussi que l'ADN soit coupé au mauvais endroit.

À ce stade, il est encore difficile d'évaluer les conséquences de ces effets dits sur cible ou hors-cible. Un autre facteur d'incertitude est le transport des ciseaux génétiques: il faut s'assurer qu'ils atteignent effectivement toutes les cellules ciblées et pas seulement une partie d'entre elles, note TA-SWISS.

Son comité directeur formule par conséquent trois recommandations générales: un débat social ouvert et constructif, une exploration systématique des effets hors et sur cible en fonction des domaines d'application, ainsi que des normes et directives adéquates à élaborer par les autorités de surveillance de la Confédération.