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Le Qatar a espionné l'ex-procureur général Michael Lauber en posant des micros jusqu'en Suisse

L'hôtel Schweizerhof à Berne, ou le Qatar a fait poser des micros pour espionner la rencontre entre Michael Lauber et Gianni Infantino. [Keystone - Alessandro della Valle]
La revue de presse alémanique / Le 12h30 / 2 min. / le 12 mars 2023
Selon la NZZ am Sonntag, le Qatar a espionné l'ancien procureur général de la Confédération Michael Lauber. Le pays du Golfe craignait que la Coupe du monde de football ne lui soit retirée en raison de soupçons de corruption et de critiques sur la situation des droits humains dans le pays.

Le 16 juin 2017, Michael Lauber, qui était chargé d'enquêter sur des irrégularités lors de l'attribution de la Coupe du monde 2022 au Qatar, a rencontré le président de la FIFA Gianni Infantino à l'hôtel Schweizerhof à Berne. Or, selon les informations du journal alémanique NZZ am Sonntag, la pièce où s'est déroulée l'entrevue avait été équipée de microphones.

Ce sont des agents mandatés par le Qatar qui ont mené cette opération d'espionnage. Le pays, qui craignait que la Coupe du monde ne lui soit retirée en raison des critiques qu'il subissait en matière de droits humains, avait en effet engagé depuis plusieurs années une entreprise américaine d'opérations de renseignement. Son objectif: influencer la politique de la FIFA (lire encadré).

Le Schweizerhof, siège de l'ambassade du Qatar

Cette rencontre informelle entre Michael Lauber et Gianni Infantino est bien connue, puisqu'elle a coûté son poste à l'ancien procureur général de la Confédération, qui a toujours déclaré "ne pas se souvenir" de cette entrevue - la troisième entre les deux hommes - dont aucune trace écrite n'a été conservée.

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L'hôtel Schweizerhof, où s'est déroulée la rencontre, appartient au Qatar depuis 2009. Le pays du Golfe a d'ailleurs installé peu de temps après son ambassade dans le même bâtiment, ce qui, explique la NZZ am Sonntag, a facilité l'opération d'espionnage.

Cibler Michael Lauber était primordial, car il était en charge des investigations en lien avec l'attribution de la Coupe du monde de football 2022 au Qatar. Selon les sources du journal dominical alémanique, le but principal de l'opération était d'enregistrer des éléments problématiques pour l'ex-procureur en vue de le faire chanter, car ce dernier avait décidé de maintenir la réunion secrète.

Le Qatar dément

Michael Lauber n'a pas connaissance d'une écoute ou d'un enregistrement d'une réunion à l'hôtel Schweizerhof, a indiqué l'un de ses avocats dans un communiqué, et il n'a jamais non plus, toujours selon son avocat, été approché par des agents qataris et fait l'objet d'un chantage. En outre, il affirme toujours ne pas se souvenir de cette fameuse réunion.

L'État du Qatar a quant à lui démenti toutes les accusations d'espionnage par l'intermédiaire d'un cabinet d'avocats londonien, indique encore la NZZ.

Vincent Cherpillod avec l'ats et la NZZ

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Une opération planifiée de longue date

Des documents montrent que l'opération de renseignement autour de Michael Lauber aurait commencé bien avant 2017. Six ans auparavant, des agents ont tenté de le recruter comme agent de renseignement pour le compte du Qatar, révèle encore la NZZ dimanche.

Une société d'espionnage américaine, Global Risk Advisors, en était responsable. C'est d'ailleurs cette même société qui a orchestré la mise sur écoute de la réunion secrète à l'hôtel Schweizerhof. Elle se compose principalement d'anciens employés des agences de renseignement américaines et est dirigée par l'Américain Kevin Chalker, un ancien fonctionnaire de la CIA.

Pour le compte du Qatar, sa société a mis en place un réseau d'espionnage de plus en plus étendu autour de la FIFA pendant plusieurs années, le pays souhaitant utiliser ce réseau pour influencer secrètement la fédération de football.

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