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Colère en Iran après la mort d'une jeune femme arrêtée par la police religieuse

En Iran, la population proteste contre les mollahs après la mort d’une jeune femme arrêtée par la police des mœurs
En Iran, la population proteste contre les mollahs après la mort d’une jeune femme arrêtée par la police des mœurs / 19h30 / 2 min. / le 20 septembre 2022
Les manifestations se multiplient depuis dimanche en Iran après la mort de Mahsa Amini, une femme de 22 ans arrêtée par la police des moeurs alors qu'elle portait une tenue vestimentaire "inappropriée" selon la loi du pays.

"C'est une révolution des femmes en Iran. La police du hijab a tué Mahsa Amini parce qu'elle ne portait pas son hijab convenablement. En réponse, les femmes iraniennes ont enlevé leur hijab". Ces mots sont de Masih Alinejad, une journaliste et activiste iranienne qui suit de près sur Twitter le mouvement qui s'est emparé de l'Iran ces derniers jours.

Le 13 septembre, Mahsa Amini, 22 ans, a été arrêtée alors qu'elle était en visite à Téhéran pour "port de vêtements inappropriés" par la police des moeurs, une unité chargée de faire respecter le code vestimentaire strict de la République islamique d'Iran pour les femmes.

Mort jugée "suspecte"

La jeune détenue, issue de la minorité kurde, est tombée dans le coma après son arrestation. Elle est décédée le 16 septembre à l'hôpital, selon la télévision d'Etat et sa famille. Des indications laissent penser qu'elle a été frappée à la tête avec un bâton, puis lancée contre un véhicule par les policiers.

Le décès de Mahsa Amini, 22 ans, a été rapporté dans les journaux iraniens. [AFP - Fatemeh Bahrami / Anadolu Agency]
Le décès de Mahsa Amini, 22 ans, a été rapporté dans les journaux iraniens. [AFP - Fatemeh Bahrami / Anadolu Agency]

Des militants ont jugé sa mort "suspecte" mais la police de Téhéran a affirmé qu'il n'y avait "pas eu de contact physique" entre les policiers et la victime. Les autorités ont affirmé qu'elle est décédée naturellement.

A l'ONU, la Haute commissaire provisoire aux droits de l'Homme Nada al-Nashif a demandé à Genève à l'Iran des investigations rapides et indépendantes.

La répression en hausse

En Iran, se couvrir les cheveux est obligatoire en public. Cette police interdit en outre aux femmes de porter des manteaux courts au-dessus du genou, des pantalons serrés et des jeans troués ainsi que des tenues de couleurs vives, entre autres.

Ces derniers mois, la police religieuse a intensifié le harcèlement des Iraniennes et multiplié les arrestations. L'ONU a reçu de nombreuses indications authentifiées de violences contre elles. La Haute commissaire provisoire appelle à "mettre un terme" à cette répression, demandant d'abandonner cette législation.

Dans une prise de position inhabituelle, un parlementaire iranien a critiqué la "police des moeurs" au lendemain de manifestations dans plusieurs villes. "Gasht-e Ershad (patrouille d'orientation) n'obtient aucun résultat, sauf causer des dommages au pays", a déclaré le député Jalal Rashidi Koochi à l'agence de presse ISNA. "Le principal problème, c'est que certaines personnes ne veulent pas voir la vérité", a-t-il regretté.

>> Voir aussi l'interview de Azadeh Kian Thiébaut, professeure de sociologie franco-iranienne et directrice du centre de recherche et d’enseignement en étude genre féministe à l'université de Paris Cité :

L'ONU exige une enquête sur la mort d'une détenue en Iran: interview de Azadeh Kian Thiébaut
L'ONU exige une enquête sur la mort d'une détenue en Iran: interview de Azadeh Kian Thiébaut / Forum / 4 min. / le 20 septembre 2022

Manifestations dispersées

Dans un message sur Twitter, le gouverneur de Téhéran, Mohsen Mansouri, a estimé mardi que les rassemblements de Téhéran étaient "organisés avec l'objectif de créer des troubles". "Brûler le drapeau, verser du diesel sur les routes, jeter des pierres, attaquer la police, mettre le feu à des motos et des poubelles, détruire des biens publics, ce ne sont pas l'affaire de gens ordinaires", a-t-il déclaré.

Des manifestants à Téhéran ont été arrêtés lundi et dispersés par "la police à l'aide de matraques et de gaz lacrymogènes", selon l'agence de presse Fars. "Plusieurs centaines de personnes ont scandé des slogans contre les autorités, certaines d'entre elles ont enlevé leur hijab", a ajouté Fars.

Dans la capitale iranienne, des étudiants avaient lancé des mouvements de protestation dans plusieurs universités, dont celles de Téhéran et Shahid Beheshti, d'après Tasnim, pour exiger auprès des autorités "des éclaircissements" sur la mort de l'Iranienne.

Accusations "injustes"

L'agence de presse d'État IRNA a rapporté des manifestations dans d'autres provinces du pays, comme la province natale de la femme décédée, le Kurdistan à l'ouest, Gilan au nord, Razavi Khorasan au nord-est et Yazd au centre.

Après une première manifestation samedi à Saghez, la ville natale de Mahsa Amini, une protestation d'environ 500 personnes a eu lieu à Sanandaj, selon Fars. "Les manifestants ont crié des slogans hostiles aux responsables, brisé les vitres de voitures et incendié des poubelles", a précisé l'agence. La police a utilisé "des gaz lacrymogènes pour disperser la foule" et arrêté "plusieurs personnes". "De nombreux manifestants sont convaincus que Mahsa est morte sous la torture", a écrit Fars.

Lundi, le chef de la police de Téhéran, le général Hossein Rahimi, a de nouveau rejeté les "accusations injustes contre la police". "Il n'y eu aucune négligence de notre part. Nous avons mené des enquêtes (...) Et toutes les preuves montrent qu'il n'y a pas eu de négligence, ou de comportement inapproprié de la part des policiers", a-t-il dit.

jgal avec afp

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En 2009, Neda Agha-Soltan devenait le visage de l'opposition

La mort de Mahsa Amani fait écho à celle d'une autre femme, Neda Agha-Soltan, tuée à 26 ans dans les manifestations qui suivirent l'élection de Mahmoud Ahmadinejad le 12 juin 2009.

Comme beaucoup de jeunes en Iran, elle avait placé tous ses espoirs en Hossein Moussavi, le candidat de l'ouverture, et tenu à rejoindre les manifestations alors que les rumeurs de fraude se propageaient.

Malgré l'avertissement de l'ayatollah Khamenei qui avait prévenu la veille qu'il ne tolérerait plus aucun rassemblement, Neda et ses amis rejoignent les protestataires le samedi 20 juin. La jeune femme sera frappée d'une balle.

Les images de son agonie, puis de sa mort, ont été visionnées par des dizaines de milliers de personnes, faisant d'elle une icône de la contestation contre le régime iranien.