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Les polices suisses se forment dans la prise en charge des maltraitances animales

Abandonner son chien représente un délit en Suisse. [Keystone - Terry Chea -AP Photo]
Genève sera dotée d’une inspectrice de police pour enquêter sur la maltraitance animale / La Matinale / 4 min. / aujourd'hui à 07:19
Les polices et justices de Suisse se spécialisent pour mieux prendre en charge les violences et les sévices sexuels commis sur les animaux. Le canton de Genève compte même désormais une inspectrice de police uniquement dédiée à la maltraitance animale.

Cette inspectrice spécialisée est sollicitée dans des cas les plus divers. Par exemple, une femme arrive avec son chihuahua chez le vétérinaire. Le chien est dans un état catastrophique: il est presque dans le coma et son crâne est fracturé en plusieurs endroits. La propriétaire explique au vétérinaire genevois qu'il s'est pris une barre sur la tête quand il était sous la surveillance de son compagnon. Mais l'histoire ne colle pas avec les blessures. Le vétérinaire signale le cas.

L'inspectrice spécialisée en maltraitance animale Florence Courbat se souvient de l'audition du compagnon de la maîtresse du chien. Dans un premier temps, il nie toute violence. Mais face aux preuves du rapport vétérinaire, il finit par avouer. "Il a dit que le chien l'avait mordu, ce qui n'a pas été prouvé parce qu'il n'avait aucune marque, et qu'il avait pété les plombs", raconte Florence Courbat lundi dans La Matinale de la RTS. "Il a frappé le chien à deux reprises contre le sol près de la cheminée."

Cette fois, le récit correspond aux blessures et aux traces de sang retrouvées près de la cheminée lors de la perquisition. L'homme est condamné pour mauvais traitements infligés aux animaux.

Les policiers démunis

A Genève, depuis une année, Florence Courbat est la référence en la matière. L'inspectrice spécialisée en maltraitance animale, qui travaillait au sein de la brigade des moeurs avant la création de son poste, explique que de nombreux policiers ne connaissent pas les infractions concernant les animaux.

"On a eu des enquêtes qui portaient sur des sévices à caractère sexuels et des actes de zoophilie sur des juments. On était un peu démunis face à cela", se rappelle-t-elle. Ce nouveau poste dédié à la prise en charge de ces délits est donc important, selon Florence Courbat, pour que ses collègues puissent s'en remettre à son expertise en cas de problèmes concernant les animaux.

La policière travaille en collaboration avec un inspecteur du service du vétérinaire cantonal. Ceux-ci repèrent souvent mieux une maltraitance potentielle, quand les blessures d'un animal ne correspondent pas à ce que racontent les propriétaires par exemple. Ils vont parfois jusqu'à effectuer des autopsies. Plus leur rapport est détaillé, mieux l'enquête peut avancer.

Dans les autres cantons romands, les services du vétérinaire cantonal gèrent seuls ces enquêtes. Leurs moyens sont alors plus limités: ils ne peuvent pas arrêter ou retenir un suspect qui s'énerve, par exemple. Seule la police cantonale bernoise peut également compter sur des experts des maltraitances animales depuis 2000 déjà. Côté alémanique en revanche, plusieurs cantons s’y sont mis depuis longtemps

De nombreux délits

Une fois l'enquête terminée, le dossier passe dans les mains du Ministère public. Certains cantons, comme Vaud et Genève, disposent même de procureurs spécialisés. Cette expertise permet de mieux faire respecter le droit des animaux, qui est plutôt complexe en Suisse. Une loi et plusieurs ordonnances détaillent jusqu'aux besoins spécifiques des espèces, car la maltraitance peut prendre différentes formes.

"Il suffit notamment de laisser un animal au soleil et de le faire souffrir pendant quelques heures pour qu'on puisse déjà parler de délit", indique le procureur genevois Frédéric Scheidegger. "Il y a quantité de situations qui sont de nature délictuelle et qui doivent donc être poursuivies avec sérieux".

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L'auteur peut écoper de jusqu'à 180 jours-amende en cas de négligence et de la prison si les maltraitances sont intentionnelles. Mais les sanctions sont rarement aussi lourdes, déplore la fondation Tier Im Recht, qui recense tous les cas traités par les tribunaux suisses. "Nous constatons des lacunes dans l'application de la loi", affirme Bianca Körner, juriste au sein de la fondation. "Les peines prévues sont largement sous-exploitées. Elles ne peuvent donc pas déployer leur effet dissuasif."

Si la juriste estime que les cantons doivent se former à juger ces cas, elle souligne toutefois que l'on va vers le mieux. Les mentalités évoluent et les cas sont davantage dénoncés et pris au sérieux. Le nombre de jugements rendus pour mauvais traitements sur animaux en Suisse est d'ailleurs passé de 500 par année il y a 20 ans à plus de 2000 aujourd'hui.

Anouk Pernet/edel

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