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Arsenic, mercure, cadmium, tous les Français exposés aux métaux lourds

Les métaux lourds proviennent essentiellement de l'alimentation (image d'illustration). [Keystone - Gaëtan Bally]
Une étude révèle le nombre impressionnant de métaux lourds dans le corps / Tout un monde / 6 min. / le 12 juillet 2021
Des chercheurs français ont trouvé des traces d'un nombre impressionnant de métaux lourds dans une population test. L'un des principaux enseignements de cette étude est que même les enfants sont concernés.

Dans le cadre de cette enquête épidémiologique Esteban (Etude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition), les scientifiques ont découvert de l'arsenic, du chrome, du mercure, du nickel ou encore du cuivre, chez les adultes mais aussi parmi les près de 1100 enfants testés.

"Entre 97% et 100% de la population ont ces métaux" dans le corps, confirme lundi dans l'émission Tout un monde Sébastien Denys, directeur à la direction Santé-Environnement-Travail chez Santé publique France, qui est à l'origine de l'étude.

Trois métaux connus pour leur toxicité

On s'imprègne de ces métaux par ingestion et la part des aliments est importante dans l'exposition à ces polluants. "Les éléments particulièrement préoccupants sont notamment l'arsenic, le cadmium ou le mercure par exemple", précise Sébastien Denys. Ceux-ci "ont des propriétés de toxicité avérées, en particulier de cancérogénicité, ou des effets sur d'autres parties de l'organisme, sur le développement, sur le système immunitaire par exemple".

L'étude montre cependant des valeurs relativement faibles chez les personnes testées. Mais les chercheurs essaient de comprendre quelle pourrait être la toxicité de ces produits à long terme.

Quels impacts sur la santé à long terme?

Le toxicologue industriel Vincent Perret (Tox Pro SA à Genève) évoque notamment le cadmium, dont l'imprégnation chez les Français est en hausse par rapport à la dernière enquête menée en 2006. "A forte dose, il est associé à des maladies d'insuffisance rénale, mais pas seulement", souligne-t-il. "Il est aussi lié à des augmentations de diabètes par exemple".

Aujourd'hui, on connaît bien les effets aigus de ce type de substances lorsque corps est soumis à de très fortes expositions. Mais "ici on parle d'une imprégnation lente de la population, qui commence très tôt chez les enfants", relève ce spécialiste. "Et on essaie de voir quels seraient les impacts sur la santé à très bas bruit, à long terme".

En l'état, les études montrent qu'il s'agit plutôt d'effets cocktail: la présence de ces substances peut renforcer le diabète, mais aussi des maladies respiratoires ou des allergies.

Normes variables selon les aliments

Ces métaux lourds sont absorbés avant tout par le biais de l'alimentation, et c'est le cas notamment du cadmium. Des normes en fixent la teneur tolérée pour les algues, les boissons sans alcool, le chocolat, les champignons, les compléments alimentaires ou encore les fruits et légumes. Mais elles sont différenciées selon le type d'aliment.

"On va tenir compte de la possibilité de l'éviter. Est-ce qu'on a des possibilités de diminuer les teneurs? Dans certains cas on va le tolérer, dans d'autres cas on ne va pas le tolérer du tout", explique le chimiste cantonal genevois Patrick Edder. Pour chaque aliment, il s'agit de savoir s'il est régulièrement consommé ou pas, et surtout s'il est aussi destiné aux jeunes enfants.

"Par exemple, la norme des produits pour bébés va être dix à cent fois inférieure à une norme pour des produits normaux", poursuit-il. "Et si vous avez une valeur pour l'eau potable, elle sera beaucoup plus basse qu'une valeur pour les rognons de veau qu'on mange très peu souvent".

La piste des engrais et du tabagisme

Santé publique France émet différentes hypothèses pour expliquer l'augmentation des valeurs en cadmium dans la population française, valeur en hausse, depuis 2006.

"L'une des pistes est l'application d'engrais phosphatés, qui contiennent du cadmium, explique Sébastien Denys de Santé publique France. Une autre est le tabac, "aussi connu comme facteur influençant l'imprégnation en cadmium".

Plusieurs métaux lourds dans les poissons

La consommation de poissons et de produits de la mer influence également les concentrations en arsenic, chrome, cadmium et mercure. La recommandation française est de manger du poisson deux fois par semaine, avec l'idée de varier les espèces et les lieux de pêches. Les plus gros poissons (thon, espadon) sont aussi les plus chargés en métaux lourds.

Et l'un de ces métaux, l'arsenic, est plus présent dans l'organisme en France que dans des pays d'Europe du Nord. Cette différence de 30% s'expliquerait par la consommation de poisson, justement, dont les Français sont friands.

Importance de varier l'alimentation

"L'arsenic a été beaucoup discuté pour le riz et les produits à base de riz", souligne également le chimiste cantonal genevois. "Pour les personnes qui mangent de manière très variée, mais qui de temps en temps mangent du riz, cela ne représente pas de risque du tout", précise Patrick Edder. "Plus on varie son alimentation, plus on évite les problèmes".

Les résultats de l'enquête Esteban vont maintenant approfondis, pour que les pouvoirs publics puissent faire baisser les valeurs en matière d'arsenic ou de cadmium.

Blandine Levite/oang

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